Sécurité sur chantier : recours du patron face à une amende salée

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Dans le cadre d’un contrôle du respect des règles de sécurité sur un chantier, il est important que l’entreprise soit exempte de reproche. En cas de problème, un historique qui prouve l’engagement de l’entrepreneur sur les questions de santé et de sécurité de ses salariés peut aider à démontrer sa bonne foi auprès des instances administratives.

Un chantier d’aménagement sans difficulté apparente de pose de laine de verre et de cloisons, une visite de l’inspection du travail qui fait interrompre momentanément le chantier pour une mesure de sécurité qui n’est pas respectée et un chef d’entreprise qui procède à la mise en conformité des conditions de sécurité et reste malgré tout dans l’attente d’une amende… Voilà une situation qui, a priori, peut ressembler à une péripétie vécue par une PME de la région lyonnaise intervenant dans le BTP et plus spécifiquement des travaux de plâtrerie. Elle aurait toutefois pu survenir dans toute autre entreprise du secteur.
Alors quand, six mois plus tard, l’entrepreneur reçoit des nouvelles de l’administration pour ce manquement qu’il n’a pas contesté, il ne s’attend pas à ce qu’il s’agisse d’un projet d’amende administrative pour un montant de 20.000 euros !

Mauvaise compréhension d’une décision administrative

Le choc est rude pour l’entrepreneur marqué par l’incompréhension de cette décision. Pour la comprendre remontons le temps jusqu’au 12 novembre 2019. A cette date, un agent de l’Inspection du travail se rend sur le chantier d’un immeuble, dans l’agglomération lyonnaise. Il constate que deux ouvriers s’affairent dans deux appartements distincts, en étage, à la pose de laine de verre et de cloisons. Pour s’aider dans leur tâche en hauteur, ils utilisent un escabeau en bois inadapté, démuni de protection collective.
Face à cette situation de danger grave et imminent, l’inspecteur dresse alors un procès-verbal enjoignant l’arrêt temporaire et immédiat des travaux, tel que le prévoit le Code du travail (voir encadré). Les deux salariés présents affirment connaître la réglementation. Ils téléphoneront plus tard à l’entrepreneur pour le prévenir de la situation, trop tard sans aucun doute.
Informé dès le lendemain par courrier, l’entrepreneur ne conteste pas la décision et prend les mesures nécessaires à la “mise en conformité de la situation de travail”. Le risque de chute de hauteur étant levé, il reste dans l’attente de l’accord de l’administration pour la reprise du chantier.
Trois jours après le contrôle, l’inspecteur accompagné de l’entrepreneur retournent sur place. Problème, il s’aperçoit que les travaux se sont poursuivis après son premier passage. L’entrepreneur reconnaît les faits et explique ce manquement par une mauvaise compréhension de la décision par les deux salariés d’origine étrangère. Ne maîtrisant pas parfaitement la langue française ils n’ont pas compris le caractère immédiat de l’interdiction qui leur avait été notifiée. Ils ont poursuivi leur travail jusqu’en fin de journée avant de prévenir leur employeur.
L’inspecteur du travail dresse un second procès-verbal, cette fois-ci pour non-
respect d’une décision administrative d’arrêt temporaire.

Quand la machine administrative s’emballe…

L’histoire ne s’arrête pas là et les complications pour l’employeur vont se poursuivre. Il reçoit, quelques jours plus tard, une lettre recommandée émanant de l’inspection du travail lui indiquant que le dossier était désormais transmis à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), afin que celle-ci prononce une amende administrative. En effet, le 26 mai 2020, l’entrepreneur reçoit un courrier de l’organisme public qui l’informe de son projet de lui infliger une amende d’un montant de 20 000 euros (10 000 euros par salarié). La sanction est lourde et la situation semble inextricable pour le dirigeant de cette entreprise d’une cinquantaine de salariés.
L’usage du terme de “projet” dans le courrier est important à ce stade puisqu’il indique qu’il n’y a rien de définitif. La DIRRECTE laisse en effet la possibilité à l’employeur, en vertu de l’article L122-1 du Code des relations entre le public et l’administration, de présenter ses observations écrites ou orales le cas échéant.
Heureusement, en tant qu’entrepreneur averti, celui-ci dispose d’une protection juridique. Elle va mandater un avocat pour l’assister durant la phase de négociation qui s’engage et cette phase amiable d’échange avec l’administration sera décisive pour le dénouement de cette histoire.

La bonne foi avérée de l’entrepreneur

Si le 12 novembre 2019, les deux salariés se trouvent sur le chantier sans l’équipement nécessaire pour prévenir les risques de chute de hauteur, l’entreprise n’est pas responsable de cette lacune. En effet, cet équipement (des plate-formes individuelles roulantes légères, dites PIRL) leur a été fourni, mais les deux ouvriers ont choisi de ne pas l’utiliser pour des raisons pratiques. Ils sont pourtant formés comme tous les autres ouvriers au risque de chute en hauteur. Malgré tout, l’entrepreneur a procédé à l’acquisition de nouvelles PIRL mieux adaptées : plus légères et plus amovibles. Il s’est également engagé à mettre en œuvre des mesures d’information et de sensibilisation aux risques, à la réglementation et au respect des décisions de l’Inspection du travail sur les chantiers. Il a notamment prévu de se faire accompagner par l’OPPBTP (Organisme professionnel de préventiondu BTP), dans ce cadre.
Si le chef d’entreprise n’a jamais contesté les manquements constatés par l’administration, il a également pu démontrer sa bonne foi concernant sa préoccupation vis-à-vis des problèmes de sécurité. Il a en effet recours à un préventeur privé avec qui il a rédigé son Document unique d’évaluation des risques professionnels et l’actualise chaque année. Ce DUER n’est pas un simple document administratif, c’est un véritable outil de prévention des risques qui peut plaider en la faveur de l’employeur et ménager la sanction en cas de responsabilité pénale.
L’entreprise peut aussi se prévaloir d’un règlement intérieur à jour ainsi que d’un livret d’accueil remis à tous les salariés et qui concerne notamment les consignes de sécurité. Par ailleurs, pour s’informer sur le droit du travail, l’entrepreneur fait appel à une avocate spécialisée, depuis une dizaine d’années.
Ces circonstances, l’actualisation du DUER et la pertinence des mesures de prévention qu’il contient, ont sans doute eu une grande importance dans la décision de la DIRECCTE. Celle-ci finira par prononcer à l’encontre de l’employeur une amende administrative de 3 000 euros (1 500 euros par salarié), soit bien en-deçà du projet d’amende initial fixé à 20 000 euros.
Le recours à des intervenants extérieurs sur la gestion des risques, sa réglementation et son application des mesures adéquates se sont révélés décisifs en termes d’information, de mise en place des mesures pratiques passées et à venir, et pour l’accompagnement du chef d’entreprise tout au long de la procédure.

Tatiana Naounou,
Juriste TUTOR SEPR – Groupe Pôle Prévention

Arrêt des travaux : les textes du Code du travail sur lesquels s’appuie l’inspecteur du travail

  • L’article L4121-1 donne le pouvoir à l’inspecteur du travail de prescrire l’arrêt temporaire de la partie des travaux de l’activité en cause, lorsqu’il constate que la cause de danger résulte notamment d’un défaut de protection contre les chutes de hauteur.
  • L’article L4731-1 permet à l’inspecteur du travail de prendre toutes les mesures utiles visant à soustraire immédiatement un travailleur qui ne s’est pas retiré d’une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

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