SECOURIR LES ACCIDENTÉS : La solution du QR code

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En cas d’accident corporel grave, la rapidité d’intervention des secours s’avère déterminante or les pompiers doivent souvent extraire la victime de son véhicule. En équipant ses derniers modèles d’un QR code, un constructeur automobile permet aux secours d’accéder à des informations précieuses pour leur intervention.

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Dans le souci de protéger les occupants des voitures, et même les piétons en cas de collision, l’organisme de crash-tests Euro NCAP renforce sans cesse ses exigences concernant le niveau de sécurité des nouveaux véhicules. Ce qui pousse les constructeurs automobiles à multiplier les aides à la conduite. Pourtant cette dynamique, qui a beaucoup fait pour la sécurité routière, laisse un angle mort : celui de la « sécurité tertiaire », autrement dit le moment qui suit l’accident, où le sort des victimes dépend entièrement des secours.


Les pompiers parlent de « golden hour » pour désigner ces 60 minutes cruciales pour la survie des occupants pris au piège de leur véhicule : « 50 % des décès post-accident surviennent dans l’heure qui suit et 80 % dans les 24 h », expose Christophe Lenglos, lieutenant-colonel de
sapeurs-pompiers du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Yvelines. Depuis 2018, cet officier expérimenté est détaché auprès d’un constructeur automobile, Renault Group, où il travaille avec Claire Petit-Boulanger, expert sécurité tertiaire à l’ingénierie de ce même constructeur.


Au sein du Technocentre de Guyancourt, l’objectif de ce tandem est de s’assurer que la conception des véhicules intègre des caractéristiques utiles aux services de secours en cas d’accident. « Pour qu’il n’y ait pas d’obstacle à la désincarcération, nous validons des fiches de secours en concertation avec un groupe de sapeurs-pompiers de la zone Paris Ile-de-France qui assistent aux crash-tests sur le site de Lardy », détaille Christophe Lenglos.


Faire gagner du temps


Sur une scène d’accident, le fruit de ces échanges doit faire gagner de précieuses minutes aux secours. Ainsi, sur un de ses modèles, la marque au losange a accepté de déplacer une patte de renfort métallique qui était fixée à proximité du levier de vitesse. Sa rigidité constituait un obstacle à la poussée des vérins que les secours utilisent pour redresser la planche de bord. Pas de quoi faire échec à l’opération mais la ralentir inutilement. L’autre intérêt de la collaboration entre le constructeur et les pompiers réside dans la qualité d’élaboration des fiches de secours.


Ces documents permettent aux équipes qui interviennent sur un accident de prendre connaissance des caractéristiques du véhicule avant d’entamer une désincarcération. Il s’agit de découper ou de tordre les tôles à l’endroit où cette manoeuvre est la plus rapide, et sans danger pour les victimes ni les secours. « Nous nous assurons que la fiche de secours que propose le constructeur soit lisible donc il faut qu’il y ait peu d’écriture », souligne le lieutenant-colonel. Pour comprendre comment mettre en sécurité une batterie haute tension, un coup d’oeil sur la fiche doit suffire. « Nous sommes le seul constructeur à avoir une double écriture des fiches des secours qui fait l’objet de discussions avec les sapeurs-pompiers », affirme Claire Petit-Boulanger.


Même si leur méthode diffère, les autres constructeurs rédigent eux aussi des fiches de secours, conformément à un modèle qui a fait l’objet d’une norme publiée en 2015 (ISO 17840-1, revue en 2022). Ce travail a d’abord donné lieu à la rédaction de fiches papiers. Compte-tenu du nombre de constructeurs et de modèles en circulation, les pompiers emmenaient avec eux un classeur volumineux, peu pratique à consulter lors d’une intervention au bord d’une route.


Du papier au QR Code


« En 2013, les sapeurs-pompiers de Loire-Atlantique nous ont sollicité pour ne plus avoir de fiches papiers et nous nous sommes associés à une start-up pour créer la première application, Rescue Code », évoque l’expert sécurité tertiaire de Renault Group. Un progrès considérable mais pas encore un aboutissement car les pompiers doivent saisir manuellement une requête dans l’application pour qu’elle les renseigne. Autrement dit, une erreur de saisie ou un clic maladroit sur l’écran de leur tablette ou de leur smartphone fait courir le risque d’ouvrir la mauvaise fiche. Tel est également le cas avec l’application Euro Rescue que Euro NCAP a lancé en 2020 afin de mettre en libre-accès les fiches de secours des différents constructeurs.


Pour réduire le temps d’accès aux informations et éviter les erreurs, Renault a choisi en 2015 de recourir au QR code pour donner accès à ses fiches de secours dématérialisées. « Le gain est estimé entre 10 et 15 minutes sur une intervention car l’information est accessible immédiatement », souligne Claire Petit-Boulanger. En outre, la technologie du QR code se caractérise par l’édition de codes uniques. Par conséquent, flasher un tel code garantit que la fiche qui s’affiche soit bien celle du modèle impliqué dans l’accident. Dans le contexte d’un accident de la route, les pompiers ne courent plus aucun risque de se tromper dans l’identification d’un véhicule, même lorsqu’une carrosserie est susceptible d’abriter plusieurs motorisations différentes, thermiques ou hybrides par exemple.


Un processus « sécuritaire »


Ce QR code, que Renault a baptisé QRescue paraît simple : d’abord sous forme de carré, il prend aujourd’hui celle d’un petit rectangle en noir et blanc, collé sur le pare-brise. Ce détail quasi-invisible si l’on n’y prête pas attention a pourtant nécessité une mise au point technique et industrielle. D’abord chaque véhicule en possède deux. « Nous en avons un à l’avant droit et un autre à l’arrière gauche », détaille l’expert sécurité tertiaire. Cette redondance résulte, là encore, de la collaboration avec les pompiers. Les soldats du feu savent qu’une voiture impliquée dans une collision n’est jamais détruite à l’avant et à l’arrière. En outre, pas question que le QRescue se décolle comme un vulgaire autocollant. C’est pourquoi cet équipement a été classé par le constructeur comme « sécuritaire ».


Autrement dit, il appartient à la catégorie la plus sensible pour laquelle aucune défaillance de sécurité ne peut être tolérée. Ce qui implique d’intégrer la pose du QRescue par des robots sur les chaînes de production. Une modification du processus industriel qui n’est pas anodine et qui a un coût. Ainsi, sa généralisation à l’ensemble de la gamme au losange ne sera pas effective avant la fin de l’année 2024.


Jean-Philippe Arrouet

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