Pressnett : une TPE qui fait le pari gagnant de la sécurité

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Améliorer la santé et la sécurité des salariés, ce ne sont pas que des coûts et des efforts mais aussi des retours bénéfiques. Chez Pressnet. La stabilité des effectifs, la productivité et les résultats commerciaux sont au rendez-vous. Au point que le bien-être de ses collaborateurs devienne le moteur de son développement;

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Salariés heureux, patron heureux. La formule prêterait à sourire tant les tensions au travail sont courantes et la concorde l’exception. Pressnett, une entreprise de pressing et de blanchisserie située à Suresnes (Hauts-de-Seine), fait partie de ces exceptions. En témoigne le trophée que lui a décerné la Cramif en 2022 pour son investissement dans les conditions de travail de ses salariés. « Ce sont des “collaborateurs”, pas des “employés”, et on se tutoie », insiste le patron, Laurent Grandisson, à propos des huit personnes qu’il emploie. À 40 ans, dont plus de la moitié dans cette activité, l’entrepreneur a appris les ficelles du métier sur le tas. Lors de ses débuts, l’image des pressings est surannée, presque un repoussoir : locaux vieillots, exigus, mal ventilés, surchauffés, et partout l’odeur du perchloréthylène, un produit entêtant et surtout cancérogène puisqu’il finira par être interdit en mars 2013. Laurent Grandisson n’a pas attendu que ce couperet tombe pour s’interroger et lorsqu’en 2021 il acquiert ce local à Suresnes, il entend partir d’une feuille blanche pour faire un pressing moderne pour les clients comme pour les salariés. De nouveaux solvants, à base d’hydrocarbures oxygénés, ont remplacé le perchloroéthylène mais leur emploi nécessite une extraction d’air, or la copropriété de Suresnes refuse les travaux nécessaires. Une mésaventure dont le patron va tirer avantage en généralisant le nettoyage à l’eau, exempt de toute émission. Ainsi, ce qui n’était pas un choix, initialement, va devenir un des atouts de la santé et de la sécurité au travail chez Pressnett.

Un aménagement concerté

Cette décision libère de la place car les laveuses à eau sont bien plus menues que les immenses machines à solvants. Encore faut-il savoir tirer parti de cet avantage pour configurer les 100 m2 du nouveau local. « J’ai fait appel à un architecte pour optimiser les emplacements car chaque vêtement doit suivre un cycle de production. Le sale ne doit pas croiser le propre », insiste l’entrepreneur. À son échelle, Pressnett s’apprête à ressembler à une petite usine avec ses postes de travail dont l’enchaînement ne doit rien au hasard. Dans le local, tout en enfilade, la disposition des machines suit le flux d’activité depuis le comptoir où les clients déposent leur linge souillé jusqu’à le récupérer propre, repassé et sous film. Entre-temps, les vêtements auront suivi un parcours en U, le long duquel ils vont passer de mains en mains, sans discontinuité. « Nous sommes six à travailler dans 100 m² donc il faut éviter de se croiser et de faire des allers-retours dans le magasin. On évite la fatigue, les chutes, c’est plus logique, et on gagne du temps », campe le patron.

Avant de se lancer, il a pris soin d’interroger ses salariés. « Je leur ai montré le projet et demandé leur avis sur le placement des machines car ce sont eux qui allaient travailler là au quotidien », souligne-t-il. L’échange n’a pas été de pure forme puisque des suggestions ont bien été prises en compte. Ainsi, l’emballeuse, qui sert à « filmer » les vêtements, a changé d’orientation afin que l’accès et les gestes soient plus commodes.

L’accueil des clients repensé

L’accueil de Pressnett résume à lui seul la démarche. Il se veut une vitrine attractive pour les clients et une espace de travail avec le minimum de contraintes. La tonalité est « zen », avec une rangée de bonsaïs, un mobilier en bois naturel

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encore un ciel de toit aux motifs de nuages rétroéclairés. En façade, une vaste baie vitrée rend le pressing « transparent » depuis la rue. Cette menuiserie, réalisée sur-mesure, remplit une autre fonction : en coulissant sur toute la largeur du local, elle laisse l’air s’engouffrer. L’été, grâce à d’autres ouvertures qui ont été percées au fond du local, l’air circule naturellement, ce qui évite aux salariés de subir l’ambiance surchauffée des pressings qui est source de fatigue. En entrant chez Pressnett, le client se dirige vers un comptoir qui sert au contrôle des articles déposés. Ce mobilier abrite également un bac à roulettes qui sert à réceptionner le linge. Cependant, cet équipement n’est ici ni ordinaire ni bon marché (1 000 € l’unité) car son fond, monté sur glissières et ressorts, remonte progressivement, à mesure que le bac se vide. Cette cinématique évite aux salariés de se casser le dos pour attraper les vêtements au fond. Ce système contribue à l’évitement des troubles musculosquelettiques (TMS). Toujours par souci d’ergonomie, le linge qui doit être rendu plié (vêtements, literie…) trouve sa place dans une « ruche » de casiers muraux, derrière le comptoir. Tout y est rangé par code afin de limiter les tâtonnements. Surtout, les articles sont à portée de main ce qui évite des allers-retours dans l’arrière-boutique.

Quant aux articles suspendus tels que les vestes ou les robes, ils « voyagent » suspendus à un convoyeur automatisé. En scannant le ticket du client l’opérateur déclenche la mise en marche du convoyeur qui porte à sa hauteur les articles demandés. Là encore on évite des déplacements inutiles.

Détachage et lavage en tête

Cette localisation des déplacements laisse le champ libre aux collègues qui travaillent en retrait. À l’instar de Dalinda Zoghlami, dix ans d’ancienneté, qui a la responsabilité du détachage. De son attention et ses traitements qu’elle applique dépendent la qualité du nettoyage mais aussi le rythme de travail de ses collègues, situés en aval. « On ne vend pas de marchandise mais un travail humain, c’est une fierté », confie cette professionnelle expérimentée. Pour travailler vite et bien, elle dispose d’un poste de détachage réglé à sa hauteur, qui se commande en partie aux pieds pour ne pas avoir à se baisser, et qui est baigné dans une intense lumière blanche. « Au départ, la lumière était jaune et je ne voyais pas suffisamment bien car il faut “scanner” pièce par pièce », évoque-t-elle. À sa demande, la lampe a été changée ce qui permet une meilleure vigilance et une vitesse d’exécution accrue. Une fois détaché, le linge alimente les machines à laver et les sèche-linges puis il est réparti entre les postes de repassage. « Les trois tables ont été changées avec l’aide de la Cramif (1) et de la médecine du travail, après des essais », relate Laurent Grandisson qui n’a pas lésiné sur le matériel (7 000 € pièce). Les tables sont à la fois aspirantes et soufflantes selon les besoins, ajustables en hauteur, tout comme leur « jeannette ». Quant au fer à repasser, il pèse 1,35 kg contre plus de 2 kg habituellement. « La table qui monte et le fer aussi, grâce à un ressort, font que c’est moins lourd à manipuler », témoigne Caroline Huet, 35 ans de métier dont deux chez Pressnett. Elle relève une autre différence avec ses anciennes expériences : « Je n’ai plus de maux de tête dus au perchloroéthylène. » Au cours de la journée, il y a bien une fatigue qui finit par se faire sentir dans les bras et le dos mais elle se gère d’autant mieux « qu’on s’arrête quand on veut », se réjouit-elle. Ici pas de pointeuse, chacun peut prendre un café dans la cuisine aménagée au fond où aller fumer une cigarette sur le trottoir quand le besoin s’en fait sentir. Autre preuve de cet état d’esprit, Caroline a pu personnaliser son poste de repassage en choisissant un éclairage jaune, plus doux, et une housse en coton. Des préférences personnelles qui sont ici reconnues.

Soulager les corps

À côté d’elle, Élisabeth de Almeida repasse pour sa part sous une lumière d’un blanc digne d’un bloc opératoire une housse synthétique. « Les gestes sont répétitifs, il est donc important d’avoir un fer léger et de pouvoir monter la table pour des articles qui sont lourds, comme des rideaux par exemple. » Elle aussi a contribué à l’ergonomie de son poste de travail : les tables avaient été livrées avec une tringle en hauteur pour y suspendre le fer à repasser. Une fausse bonne idée à l’usage, en raison de l’ampleur des mouvements à effectuer pour prendre et reposer le fer. À sa demande et celle de ses collègues, cet équipement a depuis été retiré. Par ailleurs, pour soulager le repassage, Pressnet a investi dans deux « mannequins » capables de repasser les chemises et les vestes. Des bijoux de technologie, certes coûteux (respectivement 25 000 € et 10 000 € aidés par la Cramif) mais efficaces. Dernier arrivé, il y a deux mois, Abdel est toujours en phase d’apprentissage. Il s’applique à placer le linge aussi soigneusement que possible sur les mannequins afin qu’il ne reste plus aux repasseuses qu’à effacer quelques plis. Ce sont : du temps gagné et des efforts physiques épargnés, tout comme pour l’emballage semi-automatique des vêtements repassés. Une fois suspendus, il suffit de presser un bouton sans avoir à se pencher, pour que le film se déroule et se coupe à la bonne dimension. Il ne reste plus qu’à accrocher le tout à l’emplacement indiqué sur le convoyeur qui a été fixé au plafond. Un piétement au sol aurait fait courir un risque de chute.

Un esprit d’équipe

« Je me suis endetté pour renouveler le matériel » tranche Laurent Grandisson. Un effort qui, comme la rémunération, lui paraît nécessaire pour recruter puis fidéliser ses salariés. « Le but c’est de les faire évoluer professionnellement et en rémunération. Former les gens prend du temps donc je n’ai pas envie qu’ils partent tous les deux ans. » À l’embauche le patron leur distribue des vêtements de travail dont des chaussures de sécurité « même si ce n’est pas obligatoire », précise-t-il. Quant aux trois chauffeurs qui assurent le service de pressing à domicile, bien qu’ils soient autoentrepreneurs et non pas salariés, Pressnett leur fournit des véhicules électriques neufs et bien équipés.

Régulièrement, Laurent Grandisson organise aussi des évènements de « Team Building », sportifs ou festifs (saut en chute libre, repas gastronomique…) avec ses salariés. Une récompense pour travail accompli (le chiffre d’affaires de Pessnett a doublé depuis 2018) et une motivation supplémentaire car, Laurent Grandisson l’assure, « le bien-être au travail c’est ce qui fait qu’on a envie de se lever et de s’investir dans son travail. »

Jean-Philippe Arrouet

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