Renaître des flammes : Les conseils d’un restaurateur sinistré

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À Mercuer, petit village ardéchois, Benoît Court a vécu une expérience traumatisante : la destruction, du fait d’un incendie, de son restaurant. En attendant la réouverture de son établissement, le gérant évoque des améliorations pour prévenir les risques d’incendie et limiter les dégâts.

Situé dans la campagne ardéchoise, à quelques kilomètres d’Aubenas, “Aux vieux arceaux”, est un restaurant ouvert en 1986 par Alain Court. Cette activité familiale, reprise en 2006 par son fils Benoît, s’est développée au fil des années, le restaurant comptant jusqu’à 150 couverts. Elle s’est également diversifiée, avec un hôtel de six chambres ouvert en 2009 et une activité traiteur destinée à une clientèle d’entreprises et de personnes âgées (pour 150 repas livrés en moyenne, chaque jour), nécessitant huit salariés. Mais le 11 avril 2022, tout bascule !

Incendie ravageur

Alors qu’il a fermé son restaurant pour recevoir un client dans l’hôtel, un bâtiment séparé du restaurant de quelques dizaines de mètres à peine, Benoît Court s’absente désormais une trentaine de minutes pour faire une pause, chez lui, dans un autre bâtiment indépendant. Soudain, vers 17 heures, le gérant est interpellé par le déclenchement de l’alarme incendie. Il se précipite au restaurant où il constate un départ de feu dans l’espace dédié au secrétariat. Son premier réflexe est de combattre ce début d’incendie à l’aide d’un extincteur puis d’un jet d’eau. Mais très vite, trop vite, il doit se rendre à l’évidence : “A un moment, je me suis rendu compte qu’il fallait lâcher l’affaire car je n’y voyais plus rien en raison des épaisses fumées qui avaient envahi la pièce. J’ai dû quitter le bâtiment”. Malgré l’isolement de l’établissement de toute zone urbaine, les pompiers et le Samu arrivent sur place entre 15 et 20 minutes plus tard.
Le gérant est hospitalisé quelques heures, mais il revient sur place à 22 h 30. L’incendie est toujours en cours. Il se poursuivra jusqu’à 5 h 30 du matin. En regardant son établissement partir en fumée, Benoît Court a conscience de tout perdre.
Au petit matin, il constate : “Proches du secrétariat, les cuisines qui s’étendent sur 600 m2 sont détruites dans leur intégralité. Le feu a été stoppé par les portes coupe-feu mais la salle de réception de 150 m2, située au même niveau, est aussi détruite par la chaleur et la fumée. La chaleur, passée par le monte-charge a aussi détruit la seconde salle du restaurant, de 350 m2 située à l’étage”. Le restaurant est ainsi détruit dans sa totalité. L’hôtel a certes été épargné par l’incendie mais il n’est plus fonctionnel en raison des dégâts électriques et d’autres provoqués sur la conduite de gaz, ces réseaux reliant tous les bâtiments de l’établissement.

Expertise difficile

Dès le lendemain de l’incendie, Benoît Court est interrogé par la gendarmerie intervenue sur place. À l’issue, elle rédige un rapport. Il en ressort qu’il ne pouvait pas s’agir d’un acte criminel car il n’y avait personne dans l’établissement et il n’y a pas eu d’effraction. Dès lors, c’est l’assureur qui va se charger d’établir les causes du départ de feu. La déclaration de sinistre incendie effectuée par le gérant, l’assureur dépêche sur place, moins de trois jours plus tard, un inspecteur de la compagnie accompagné d’un expert. “Les premières dispositions ont consisté à évacuer toutes les marchandises qui étaient restées dans la chambre froide et qui se putréfiaient. C’est une entreprise spécialisée qui a pris en charge cette évacuation. La semaine suivante, précise le gérant, une entreprise privée est venue enquêter sur place à la demande de l’assureur. Comme la gendarmerie, ils m’ont interrogé et ont procédé à des recherches techniques pendant une demi-journée pour tenter de déterminer les causes de l’incendie. Le problème est que le secrétariat, d’où est parti l’incendie, était dans un si mauvais état qu’ils n’ont pas pu déterminer une cause”, ajoute-t-il. “Ayant assisté au départ du feu, je pense personnellement qu’il s’agit d’un court-circuit. Nous ne sommes pas dans la cuisine où les risques de départ d’incendie sont plus nombreux, donc je ne vois pas d’autres causes possibles”.
Néanmoins, le réseau électrique de l’établissement était aux normes et, réglementation oblige, il était contrôlé chaque année. Comme dans la cuisine pour le réseau de gaz, toutes les autres vérifications étaient à jour : extincteurs, alarmes incendie, etc.
“Un incendie ne détruit pas que le matériel, constate Benoît Court, il détruit tout y compris toutes les traces de ces contrôles et plus généralement toutes les traces administratives liées à l’entreprise. Par exemple, le registre de sécurité, obligatoire dans les établissements recevant du public, et qui m’a été demandé, a bien sûr été détruit dans l’incendie.”

Sauvegarder l’essentiel

Depuis dix mois, le gérant essaye de reconstituer sa comptabilité : “Je sais que, désormais, je ferai en sorte d’avoir une copie numérique, une sauvegarde de toute la documentation nécessaire au bon fonctionnement de mon établissement. Je parle d’une sauvegarde extérieure à l’entreprise sur le ‘cloud’, et non pas seulement sur une clé USB ou un disque dur externe. Dans le cas de l’incendie, ces deux dernières solutions n’auraient en rien été une garantie de préserver la documentation liée à l’établissement. Elles seraient parties en fumée avec le restaurant”. Ironie du sort, cette sauvegarde était prévue avant l’incendie. Benoît Court avait signé avec une entreprise pour une remise à niveau du système informatique. Elle devait intervenir avant la fin du mois d’avril. Outre sa documentation administrative, le gérant qui est aussi cuisinier a perdu ses recettes. Celles-ci étaient écrites et se trouvaient dans son bureau.
Quant à la question du dédommagement matériel, il faut pouvoir prouver tous les investissements en mobilier et autres matériels professionnels… Pas simple, quand tout a brûlé ! Comme solution, le gérant envisage après la réouverture de son établissement de créer un fichier photo de tout son établissement, de manière à apporter des éléments tangibles à son assureur, si nécessaire.

Sécurité : des améliorations dès la conception

Mais avant d’en arriver là, Benoît Court a aussi analysé des moyens d’améliorer la sécurité de son établissement et de l’équiper pour répondre plus efficacement aux risques d’incendie.
Avec le recul, le gérant peut désormais mettre le doigt sur les manquements ou simplement les améliorations à apporter lors de la reconstruction de son établissement, en termes de sécurité : présence d’un défibrillateur, révision de la disposition des alarmes incendie pour lesquelles il envisage un report d’alarme par moyens numériques (via tablette et autres téléphones portables) ou automatisation du système de désenfumage. En effet, lors de l’incendie, il n’a pas pu accéder à la ventilation à actionner manuellement. Mais, pour être pleinement efficaces, ces systèmes doivent être déconnectés du réseau électrique classique.
Les échanges avec les pompiers ont aussi convaincu le gérant d’inclure, lors de la reconstruction du restaurant, un RIA, un robinet d’incendie armé. De l’aveu même des pompiers, il aurait sans doute permis à Benoît Court de sauver son restaurant. Aujourd’hui, le RIA n’est pas obligatoire mais à la lumière de sa douloureuse expérience, il estime que cet équipement est indispensable.

Alerte sur certains matériaux dangereux

Par-dessus tout, il s’avère que le bâtiment du restaurant était pourvu de très mauvaises isolations qui répondaient pourtant aux normes en vigueur. Toute la cuisine, refaite en 2007, était constituée de “panneaux sandwich” isolants, en polyuréthane. “C’est une calamité, y compris pour l’intervention des pompiers. Une fois que c’est chaud, la combustion est ininterrompable et cela coule comme du miel !” Si le feu de la cuisine a été circonscrit en début de nuit, le toit va ainsi continuer de se consumer toute la nuit à cause de l’isolant, les pompiers étant impuissants pour interrompre le processus.
Malgré la dangerosité de ces matériaux en cas d’incendie, ils sont extrêmement répandus, dans la construction, en raison notamment de leur montage aisé et rapide. Le gérant affirme sans détour : “Tous ces matériaux devraient être interdits !” Si son restaurant avait été conçu “à l’ancienne”, avec des matériaux plus classiques, telle que la laine de roche pour l’isolation, du placo ou de la brique, le feu n’aurait pas tout détruit. Il ajoute : “Les endroits qui étaient encore recouverts de faïence traditionnelle, comme on peut en voir dans une cuisine ou une salle de bains, ont résisté au feu, si bien qu’une fois nettoyé et même si quelques carreaux ont éclaté sous l’effet de la chaleur, il n’y paraît plus rien. Le carrelage n’a pas bougé !”
Suite à cette expérience malheureuse qui l’a fait réfléchir sur la mise en sécurité de ses clients, de ses salariés et plus globalement de son établissement, et même s’il était déjà sensibilisé aux questions liées à la sécurité, Benoît Court envisage avec optimisme la réouverture de son établissement d’ici la fin de cette année. Tout en ayant conscience que le risque zéro n’existe pas, il sait pouvoir s’en rapprocher.

Stéphane Chabrier

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