Dans les activités pour lesquelles la conduite d’un véhicule est essentielle à la bonne exécution du contrat de travail, l’invalidation du permis de conduire peut avoir de sérieuses conséquences pour l’entreprise. Avant de recevoir la lettre 48 SI qui acte cette invalidation, un recours est cependant toujours possible pour le salarié et son employeur.
L’invalidation du permis de conduire est un processus administratif long et rigoureux. Lorsque le nombre de points sur le permis tombe à zéro, cela entraîne son invalidation et déclenche l’envoi par l’administration de la lettre 48SI. À réception par le détenteur, le permis de conduire doit être restitué dans un délai de 10 jours. Il n’est plus assuré et ne peut plus conduire. Mais avant d’en arriver là, le conducteur concerné ainsi que son employeur ont la possibilité d’agir.
La perte de points… de trop !
Vers la fin 2019, le salarié ouvrier TP polyvalent d’une entreprise de BTP de Bourgogne Franche-Comté commet une infraction entraînant une perte de 3 points sur son permis. Il consulte son solde de points et se rend compte qu’il ne lui restait que 3 points sur son permis. Il comprend qu’il vient de commettre l’infraction de trop qui va lui faire perdre ses derniers points et entraîner l’invalidation de son permis.
Or, amené à conduire tous les jours dans le cadre professionnel, pour se rendre sur les différents chantiers, le permis de conduire est nécessaire à l’exécution de son contrat de travail. Dans le cadre de l’activité de l’entreprise, l’employeur ne peut se permettre non plus une mise à l’écart de son salarié faute de permis de conduire. Il va solliciter l’aide de sa protection juridique.
La perte de point n’ étant enregistrée qu’au moment où l’infraction devient définitive, c’est-à-dire au moment du paiement de l’amende forfaitaire ou de la date de la majoration (en cas de non-paiement), soit un délai de 45 jours, le salarié avec le soutien de son employeur s’inscrit à un stage de sensibilisation à la sécurité routière, avant de payer l’amende. Celui-ci aurait dû lui permettre de récupérer suffisamment de points avant que la perte de ceux restant sur le permis ne soit enregistrée et donc d’éviter l’invalidation de son permis (selon le mode : 3 pts + 4 pts – 3 pts = 1 point).
Une question de date
Le stage initialement prévu les 19 et 20 mars 2020, sera toutefois reporté à plusieurs reprises en raison du confinement lié à la crise sanitaire (COVID-19). Un contexte imprévisible ! Pendant cette période, le salarié consulte régulièrement son solde de points et s’aperçoit qu’il est à zéro, la perte de points ayant sans doute été enregistrée à la suite de l’émission d’une amende forfaitaire majorée.
Le conducteur se voit alors notifier l’invalidation de son permis de conduire par une lettre 48 SI émise le 14 mai 2020 et présentée le 12 juin, en son absence. Il ne prendra connaissance de la lettre que le 24 juin. Dans l’intervalle, il a toutefois suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière : les 15 et 16 juin 2020. Il aurait, dès lors, dû (par application de l’article R 223-8 du code de la route), bénéficier d’une reconstitution de 4 points sur son permis de conduire.
Avec l’assistance de la protection juridique de son employeur, il exerce un recours gracieux auprès du Bureau national des droits à conduire mais n’obtient aucune réponse. Il reçoit simplement un courrier du préfet, daté du 25 septembre 2020, l’informant que le stage suivi n’ouvre pas droit à reconstitution partielle de point de permis de conduire, au motif que la lettre 48 SI lui avait été notifiée avant l’accomplissement du stage.
En effet, le préfet peut refuser de procéder à une récupération de points demandée après un stage de sensibilisation, quand avant le dernier jour dudit stage, le conducteur a régulièrement reçu notification d’une décision l’informant que son permis a perdu sa validité en raison de l’épuisement de son capital de points. En l’espèce, il considérait que la décision de retrait ayant été présentée avant que le stage de sensibilisation ne soit effectué, celui-ci n’avait pas à être pris en compte. Or, la reconstitution de points était antérieure à la notification de la décision d’invalidation du permis qui, conformément à une jurisprudence constante, est la date de retrait de la lettre recommandée avec accusé de réception.
Recours administratif
S’engage alors une bataille avec l’administration sur la question de la date d’opposabilité de la lettre 48 SI portant notification de l’invalidation du permis de conduire : l’invalidation du permis intervient-elle à la date de la première présentation de la lettre 48 SI ou à la date à laquelle elle est portée à la connaissance du titulaire du permis ?
Le relevé d’information détaillé de la lettre recommandée, que le salarié a réussi à se procurer, établit le cheminement du courrier recommandé. Forte de cette pièce, la protection juridique de l’employeur réussit à convaincre le salarié d’exercer un recours contentieux devant le tribunal administratif. Un avocat est saisi qui déposera deux recours : une requête en annulation et une requête en référé-suspension.
Compte tenu des informations et documents concordants attestant que le pli recommandé contenant l’imprimé 48 SI a été retiré le 24 juin 2020, et que le salarié n’a eu connaissance de l’imprimé qu’à cette date, étant également prouvé que la reconstitution de points était antérieure à la notification effective de la décision d’invalidation du permis de conduire, le tribunal administratif donne raison au titulaire du permis de conduire. Il décide d’annuler la décision du 14 mai par laquelle le ministère de l’Intérieur a prononcé l’invalidation du permis de conduire du salarié et enjoint celui-ci d’attribuer 4 points au permis de conduire.
En conclusion, il est nécessaire de surveiller son solde de points sur le permis de conduire. Dans le cas de l’infraction de trop, susceptible de mettre en danger son permis, il faut réagir rapidement. Dans la situation présente, outre l’assistance de la protection juridique de l’employeur, la réactivité du salarié pour procéder à une inscription au stage de sensibilisation, avant d’avoir pris connaissance de la lettre 48 SI portant notification de l’invalidation du permis, aura été primordiale.
Tatiana Naounou,
Juriste TUTOR SEPR – Groupe Pôle Prévention