4 risques de saison à mieux prévenir

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Même si, au fil de son histoire, l’humanité est parvenue à se protéger de mieux en mieux des aléas climatiques, les conditions de travail restent fortement tributaires des conditions météorologiques. C’est particulièrement vrai en hiver, lorsque la chute des températures entraîne, pour les travailleurs, des risques spécifiques qu’il convient de prévenir.

1. Coups de froid, gelures et engelures

Employés du bâtiment, ouvriers agricoles, personnels assurant l’entretien de la voirie, éboueurs, policiers, marins- pêcheurs, commerçants travaillant sur des étals extérieurs… Chaque hiver, de nombreux travailleurs voient leurs conditions de travail directement affectées par la chute des températures.

Obligation de prévention

Cet aléa climatique est inévitable et le Code du travail ne prévoit d’ailleurs pas de température minimale en deçà de laquelle le travail serait interdit. En effet, comme le précise l’INRS, “il n’est pas possible de définir une valeur seuil de température froide en milieu professionnel. Des critères physiques, climatiques ou individuels sont à prendre en compte, ainsi que la dépense énergétique liée à la réalisation du travail” (1). Mais cela ne signifie nullement qu’il ne faille pas prendre des mesures de prévention pour éviter les effets du froid sur la santé des travailleurs.
Pour la médecine, Un environnement est considéré comme froid pour une température de l’air inférieure à 18 °C car c’est en deçà de ce seuil que se produisent des phénomènes de déperdition de la chaleur corporelle. “Après une exposition prolongée au froid, le corps se refroidit (atteinte des tissus profonds). En dessous de 37 °C de température interne, on observe la mise en jeu des phénomènes de régulation physiologiques (frissons, vasoconstriction). L’hypothermie est atteinte lorsque la température interne descend en dessous de 35 °C, avec une mise en jeu du pronostic vital si celle-ci devient inférieure à 32 °C”, explique Bernard Siano, chef du Département Études et Assistance Médicales de l’INRS (2).

Des dangers sournois

Outre l’hypothermie, le froid peut également provoquer des gelures : des lésions dues à des expositions de certaines parties du corps à une température inférieure à 0 °C provoquant un gel des tissus. Les cas les plus fréquents concernent les orteils, les doigts, le nez et les oreilles et peuvent parfois aboutir à des amputations. “Dans le milieu professionnel, la gelure peut être provoquée en quelques secondes au contact d’un corps métallique très froid”, précise Bernard Siano.
L’hypothermie comme les gelures sont des dangers sournois. Ainsi, passée une phase initiale de frissonnement, la personne concernée présente des troubles de la conscience, puis un état comateux, qui l’empêchent de réagir efficacement. De la même façon, les gelures commencent par une phase d’insensibilité qui peut retarder la réaction salvatrice car aucune douleur n’est alors ressentie.
Tous les salariés ne sont pas égaux face au froid. Les personnes ayant une mauvaise condition physique y résistent moins bien de même que les personnes âgées et, dans une moindre mesure, les femmes. Pour des raisons physiologiques, ces dernières sont particulièrement sujettes aux engelures, un gonflement inflammatoire et douloureux, de couleur rouge violacé, parfois accompagné de crevasses, provoqué par le froid sur les extrémités des membres et le visage.

Adaptation de l’organisation

Pour protéger les travailleurs des dangers associés au froid, les premières mesures à prendre sont collectives et organisationnelles. “Lorsque les températures baissent, l’objectif prioritaire est de veiller à limiter le temps d’exposition au froid des salariés en organisant une rotation des tâches, des pauses régulières dans un endroit sec et chaud, voire une nouvelle planification du travail aux heures les plus chaudes de la journée”, explique Isabelle Mège, intervenante en prévention des risques professionnels du groupe Pôle Prévention. Pour des raisons de sécurité, il est également recommandé de constituer des équipes d’au moins deux salariés afin d’éviter le travail isolé.
Vêtements et équipements de protection individuelle
Évidemment, l’employeur doit également fournir à ses salariés des vêtements et équipements de protection individuelle (EPI) adaptés au froid mais aussi à la tâche à accomplir. “L’une des erreurs classiques consiste à remplacer des gants anti-coupures par des gants protégeant contre le froid mais pas contre les coupures ou encore de remplacer le casque de chantier par une cagoule…”, relate Isabelle Mège.
Responsable d’études à l’INRS, Laurence Robert confirme : “Le choix des équipements de protection individuelle et des vêtements pour travailler en environnement froid doit donc respecter différents critères : efficacité vis-à-vis du froid, confort, compatibilité avec les autres EPI nécessaires au travail, persistance d’une mobilité et d’une dextérité correctes (3).”

Information et formation

Enfin, le travail au froid doit faire l’objet d’actions d’information et de formation. Les salariés doivent être informés des risques du travail au froid et formés sur les moyens de les prévenir. Cette formation minimale est d’autant plus nécessaire que la protection contre le froid est l’objet d’un grand nombre d’idées fausses. Ainsi, nombre de travailleurs pensent encore que le café ou même une rasade d’alcool peuvent les aider à lutter contre le froid, alors que ces boissons ont sur les vaisseaux sanguins une action qui va, au contraire, accentuer la déperdition de chaleur corporelle. “Le froid nous est si familier que certains professionnels peinent parfois à l’identifier comme un risque à part entière. Or, c’en est bien un !”, conclut Isabelle Mège.

(1), (2), (3) Dossier “Travailler dans des ambiances thermiques chaudes ou froides”, in Hygiène et sécurité du travail, n° 259, juin 2020.

2. Chutes et glissades

Les chutes de plain-pied représentent une des principales causes d’accidents du travail et ce quel que soit le secteur d’activité. En 2020, elles ont été à l’origine de 17 % des accidents du travail reconnus par l’Assurance Maladie. Or, ce risque est considérablement renforcé par les aléas climatiques de l’hiver : pluie, neige, verglas, feuilles mortes contribuent en effet à rendre les sols plus dangereux et glissants tandis que le raccourcissement des jours diminue l’acuité visuelle.

Un risque trop souvent négligé

“Le risque des chutes de plain-pied est souvent négligé parce qu’il intervient le plus souvent lors de la marche qui est, pour l’homme, une action si naturelle qu’on l’accomplit spontanément, sans même y penser et parce que ce risque n’étant pas spécifique à un secteur d’activité, il est souvent ignoré des bonnes pratiques propres à chaque métier. C’est un risque important mais trop banal pour focaliser l’attention qu’il mériterait”, déplore Emmanuel Pochet, directeur de Point Org Sécurité. Or, cette lacune est d’autant plus regrettable que les mesures à prendre pour prévenir ce risque relèvent généralement du bon sens et sont très aisées à mettre en œuvre.

Favoriser une bonne visibilité

Un grand nombre de chutes sont provoquées par la mauvaise visibilité, notamment au lever du jour et à la tombée de la nuit mais parfois aussi lors des journées d’hiver, lors desquelles la lumière naturelle est moins vive. Il convient donc de s’assurer que les lieux de travail (locaux ou chantiers) et leurs allées d’accès extérieures sont suffisamment éclairés, tout particulièrement lorsqu’ils sont dotés d’escaliers ou de marches isolées. À ces endroits, la luminosité minimum recommandée est de 100 lux contre 20 lux dans les allées de circulation. Et bien sûr, il faut s’assurer que ces lieux soient éclairés au bon moment en tenant compte du raccourcissement des journées.

Bien entretenir les accès

Certains sols, aussi bien extérieurs qu’intérieurs, se révèlent très glissants lorsqu’ils sont mouillés ou empruntés avec des semelles de chaussures humides. Dans ce cas, il convient de les changer ou de les aménager avec des revêtements antidérapants, par exemple.
Enfin, les accès aux locaux doivent être correctement entretenus, notamment pour les prémunir du verglas, de la neige ou encore des feuilles mortes qui peuvent les rendre moins praticables. “Il ne suffit pas, comme c’est trop souvent le cas, de mettre à disposition des bacs à sel pour le salage des zones verglacées mais de donner des consignes et de désigner une ou plusieurs personnes responsables de cet entretien”, précise Emmanuel Pochet. Il ajoute que les entreprises auraient tout intérêt à envisager ce risque avec sérieux et rigueur car, “contrairement à une idée reçue, les chutes de plain-pied peuvent avoir des conséquences graves voire fatales”.

Pour aller plus loin : L’INRS a récemment consacré une série de brochures au risque des chutes de plain-pied (références ED 6447, ED 6448 et 6449), consultable sur www.inrs.fr

3. Déprime hivernale

Manque d’allant, baisse de moral, profonde lassitude, sensation de fatigue, difficultés de concentration, sautes d’humeur… Si l’un de vos collaborateurs présente ses symptômes de début novembre à fin février, il est peut-être victime du “blues d’hiver” pouvant prendre chez certaines personnes la forme d’une véritable dépression saisonnière.

12 % des Français affectés

On estime qu’environ 12 % des Français, essentiellement des femmes, et près de 20 % des Scandinaves souffrent de ce trouble affectif saisonnier (TAF). Rien que de très normal car il trouve son origine dans le manque de lumière naturelle ! Plus les journées sont courtes et la luminosité réduite, plus la proportion de personnes atteintes est importante. La déprime hivernale s’explique en effet par l’influence de la lumière sur notre horloge biologique interne. Comme l’explique le Docteur Catherine Solano, “les dérèglements hormonaux causés par un manque de lumière peuvent être suffisamment importants pour entraîner des symptômes liés à la dépression”. Or, sous nos latitudes, on estime que la luminosité d’une journée d’été ensoleillée est de 50 000 à 130 000 lux contre seulement 2 000 à 20 000 lux pour une journée d’hiver !

Recours à la luminothérapie

Afin de prévenir l’apparition de la déprime saisonnière, les experts recommandent aux travailleurs de s’exposer à la lumière extérieure au moins une heure par jour, de préférence au moment où la luminosité est la plus forte mais aussi de faire pénétrer au maximum la lumière extérieure dans leurs lieux de travail. En revanche, si un meilleur éclairage artificiel des locaux peut contribuer au confort des salariés et au maintien de leur moral, il ne suffira pas à contrer la dépression saisonnière stricto sensu. En effet, non seulement un bureau correctement éclairé culmine au mieux à 1 000 lux, mais l’éclairage d’intérieur est doté d’un spectre lumineux très différent de celui du soleil et n’a absolument pas le même effet que la lumière naturelle.
Dans les pays exposés à des hivers longs et rigoureux, des séances de luminothérapie avec des lampes spécifiques sont organisées au sein même de certaines entreprises pour l’ensemble des salariés qui le souhaitent avec, semble-t-il, un effet positif sur le moral des équipes. Toutefois, pour les personnes sujettes à un véritable syndrome dépressif, une consultation et un suivi médical s’imposent.

4. Grippes, gastros et maladies infectieuses

La Covid-19 n’est pas la première maladie infectieuse à s’inviter sur les lieux de travail et à perturber ainsi leur bon fonctionnement ! Grippe, gastro, rhume… Avec le froid, les maladies infectieuses provoquent chaque hiver fatigue et démultiplication des arrêts maladie au sein des équipes.

Cause majeure d’absentéisme

Les années précédant la pandémie de Covid, on évaluait que 2 à 6 millions de Français, dont deux tiers d’actifs, étaient touchés par la seule grippe saisonnière. Si l’on ajoute à cela que 70 % des travailleurs touchés étaient contraints de déposer un arrêt maladie d’une durée moyenne de presque cinq jours, on comprend que la prévention des maladies saisonnières représente un enjeu sanitaire mais aussi économique majeur.
Or, l’adoption de quelques gestes simples permet de limiter efficacement la propagation des virus dans l’entreprise :

  • se laver les mains avec du savon liquide (le séchage devant se faire de préférence avec un essuie-mains en papier à usage unique ou à l’air libre) ou avec une solution hydroalcoolique, notam­ment après s’être mouché, avoir toussé ou éternué, avant de manger et après être allé aux toilettes ;
  • se couvrir la bouche et le nez avec sa manche ou un mouchoir en cas de toux ou d’éternuements ;
  • en cas d’écoulement nasal, utiliser des mouchoirs en papier à usage unique ;
  • aérer régulièrement le local de travail pour renouveler l’air.

Autant de gestes qui nous sont devenus familiers à l’occasion de la crise sanitaire mais qui, loin des mesures exceptionnelles prises lors de celle-ci, relèvent de l’hygiène ordinaire et devront donc perdurer pour protéger la santé des travailleurs et le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dossier réalisé par Christophe Blanc

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