SÉCURITÉ ROUTIÈRE : Sanction et prévention, pour faire face à la hausse de l’accidentalité

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Un Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le premier depuis janvier 2018, s’est conclu le 17 juillet 2023 sur l’annonce de près d’une quarantaine de mesures favorisant notamment le partage de la route et la protection des usagers vulnérables mais également la lutte plus drastique contre les comportements dangereux, tout en associant les entreprises afin de promouvoir la prévention du risque routier.

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Avec 3 267 personnes tuées sur les routes, et en hausse depuis deux ans, la mortalité routière a retrouvé en 2022 le niveau qui était le sien avant la crise sanitaire de la Covid-19, en 2020. Un rebond inquiétant ! Vitesse excessive ou inadaptée, consommation d’alcool et usage de stupéfiants, etc., les principaux facteurs de risque restent sensiblement les mêmes et les actifs, même s’ils ne se déplacent pas à l’occasion de missions professionnelles, le font le plus souvent dans le cadre de leurs trajets entre leur domicile et le travail. Qu’en reste-t-il dans le cadre des mesures du récent CISR ?

Prévenir le risque routier en entreprise

Si le risque routier demeure la première cause de mortalité au travail (485 personnes tuées dans un accident de la route lié au travail, en mission ou sur le trajet domicile-travail, en 2022), une mesure vise en particulier les déplacements dans le contexte professionnel : la mise en place de conventions de partenariats pour la prévention du risque professionnel avec les fédérations professionnelles. Répandues dans le cadre global de la prévention des risques professionnels, ces conventions restent rares lorsqu’elles ciblent des risques précis. Concernant plus spécifiquement le risque routier, une convention a toutefois été signée, le 4 juillet 2023, avec les organisations professionnelles du transport routier de marchandises et autres activités auxiliaires (logistique, déménagement), afin de développer et promouvoir des actions de prévention et/ou de sensibilisation des entreprises du secteur.

Parmi ces actions, sont évoquées : l’accompagnement des entreprises de moins de 50 salariés pour définir des actions concrètes, à consigner dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), le rappel de l’obligation d’intégrer le risque routier professionnel dans le DUERP et la promotion de la charte des 7 engagements pour une route plus sûre.

Les comportements les plus dangereux en ligne de mire

Pour une route plus sûre, il est plus efficace de lutter contre les comportements les plus dangereux.

Comportement à risque particulièrement ciblé, les grands excès de vitesse (au moins égal à 50 km/h au-dessus de la vitesse maximale autorisée). Le nombre d’infractions de ce type est en forte hausse (70 845 infractions en 2022). Une mesure consiste dès lors à délictualiser la contravention de cette infraction, sans condition préalable de récidive (puni de 2 mois d’emprisonnement, d’une amende de 3 750 € et d’un retrait de 6 points sur le permis de conduire). Ce délit, sera éligible à la procédure de l’amende forfaitaire pour favoriser une réponse pénale immédiate. Un délit de désignation frauduleuse du conducteur du véhicule ayant commis une infraction verra aussi le jour et pour empêcher tout détournement du dispositif de désignation, la consignation du montant de l’amende sera imposée lors de la désignation d’un conducteur titulaire d’un permis de conduire étranger ou résidant à l’étranger. En revanche, la sanction administrative visant les petits excès de vitesse (inférieurs à 5 km/h) sera assouplie dès le 1er janvier 2024. La contravention sera maintenue, mais une exemption sera accordée concernant la perte de point sur le permis de conduire.

La lutte contre la conduite après l’usage de stupéfiant sera également renforcée avec la systématisation de la suspension administrative du permis, à la suite de la constatation de l’infraction. Jusqu’ici, seul le préfet avait ce pouvoir. Lorsque l’article L.224-2 du Code de la route sera modifié, il ne pourra plus intervenir que sur la durée de la suspension. Dans les mêmes conditions, le préfet aura obligation de procéder à la suspension du permis de conduire pour le délit de conduite en état alcoolique.

Mieux cerner les aptitudes et les inaptitudes à la conduite

Pour lutter contre les comportements à risque, il est nécessaire de mieux les détecter. Le dépistage à la fois d’alcool et de stupéfiant sera davantage systématique et une meilleure sensibilisation des intervenants du monde de la santé et des forces de sécurité intérieure devrait permettre à ces acteurs
de développer une conscience relative aux risques routiers plus forte, concernant les pathologies et les addictions susceptibles de révéler des inaptitudes à la conduite. Une réforme complète du contrôle de l’aptitude médicale à la conduite, qui concerne les conducteurs des catégories du permis dites
« lourdes » et autres conducteurs professionnels, est aussi envisagée.

Au-delà de l’arrêté du 28 mars 2022 qui a permis à certaines personnes souffrant d’un déficit auditif complet ou d’un handicap moteur lourd d’accéder à la conduite des véhicules du « groupe lourd » qui leur était jusque-là interdite (catégories BE, C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D et DE), une autre mesure entend favoriser l’insertion des personnes handicapées sur des postes de conducteurs routiers lorsque cela est rendu possible, en toute sécurité, au moyen d’aménagements techniques. Cette mesure s’accompagnera d’actions de communication auprès, notamment, des employeurs.

Des usagers de plus en plus vulnérables

Si un seuil de la mortalité semble se dessiner depuis quelques années au-dessus de 3 000 décès par an, sur les routes, la structure de l’accidentalité a toutefois évolué. Ainsi, la part des personnes tuées en tant qu’usagers de modes doux (marche, vélos, EDP (1) motorisés ou non) s’élève à 24 %, contre 19 % neuf ans plus tôt. Le nombre de blessés graves, sur cette même période, a augmenté de 19 %. Dans un contexte où les modes de circulation se diversifient, il est nécessaire d’éduquer précocement les nouvelles générations aux notions de partage de la route, d’où l’intégration du mode vélo dans le continuum éducatif au collège et l’amélioration de la préparation à l’ASSR 2, comme un véritable précode de la route.
Pour mieux protéger les usagers vulnérables sur la route, la limitation à 30 km/h pourrait être rendue obligatoire dans les rues sans trottoir, la faisabilité d’un dispositif de contrôle des règles du « corridor de sécurité « pour mieux protéger les intervenants de la route sera étudiée et une concertation sera
organisée pour définir des règles de circulation plus appropriées aux vélos cargos.

Enfin, pour simplifier la vie des usagers de la route, la dématérialisation des documents et des démarches administratives se poursuivra avec la simplification des règles relatives à la récupération des points sur le permis de conduire, la mise à disposition des titulaires dudit permis d’une version numérique, via une application mobile (France Identité) et la suppression de la vignette et de la carte verte de l’assurance automobile.

Les textes de lois et autres modifications du Code de la route nécessaires à la mise en place de ce train de mesures sont attendus dans les mois voire les prochaines semaines. L’entrée en vigueur de certaines mesures devrait intervenir dès le début de l’année 2024.

Stéphane Chabrier

(1) Engins de déplacement personnel.

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