Faire des EPI des alliés contre les dangers et la chaleur

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Travailler sous de fortes chaleurs représente une contrainte supplémentaire voire un danger pour les salariés. Les fabricants d’équipements de protection individuelle (EPI) commencent à adapter leurs produits à cette réalité, outre celle de prévenir des risques.

Une étude québécoise fait le point sur ces fonctions en développement.

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Même si de larges portions du territoire français ont connu, cet été, des températures en dessous de la moyenne saisonnière, juillet 2023 a été, d’après l’ONU, l’un des plus chaud au niveau planétaire. Difficilement supportable pour tout un chacun et moins encore pour les travailleurs qui doivent produire des efforts physiques. « Turbiner sous le cagnard », comme le font des ouvriers sur un chantier à ciel ouvert, n’est pas chose facile mais d’autres salariés souffrent également des pics de chaleur en intérieur : les cuisiniers face à leurs fourneaux, les chauffeurs dont la cabine n’est pas climatisée, les métallos des hauts fourneaux ou encore les pompiers face aux incendies. Bref, des dizaines de métiers s’avèrent vulnérables aux pics de chaleur ou, plus exactement, à la « contrainte thermique » qui résulte d’une combinaison entre le climat (température et humidité ambiantes) et l’activité professionnelle (intensité et durée des efforts).

La répétition des pics de chaleur apparaît désormais inévitable et des scientifiques québécois ont examiné la possibilité que des équipements puissent aider les travailleurs à mieux supporter ces épisodes. Cette étude (1), réalisée en 2022 par l’IRRST (Institut de recherche Robert Sauvé en santé et en sécurité du travail), s’interroge sur les nouvelles fonctions que pourraient remplir les EPI. Pourtant, leur constat initial s’ouvre sur un paradoxe : les EPI sont parfois lourds, encombrants ou peu respirants et ils contribuent malgré eux à l’élévation de la température corporelle.

L’exemple le plus frappant est celui des pompiers avec des dizaines de kilos d’équipements sur le dos, certes destinés à les protéger de graves dangers mais qui épuisent leurs ressources physiques. Dans des contextes de travail moins extrêmes, nombre d’EPI font aussi obstacle aux quatre processus qui permettent de réguler la température corporelle : le rafraîchissement, la ventilation, la convection et la sudation.

Des EPI prévenant du danger

Les EPI pourraient-ils, au contraire, devenir des alliés face à la chaleur ? Les scientifiques québécois ont considéré la possibilité que de tels équipements soient capables de détecter des niveaux élevés de « stress thermique ». Un coup de chaleur se traduit par un emballement de l’activité cardiovasculaire, or, on sait déjà le mesurer. C’est le cas des sportifs qui s’entraînent pour les marathons en portant des bracelets ou des montres connectés affichant ces informations en temps réel.

Des fabricants travaillent désormais sur des vêtements capables de mesurer eux aussi ces données. Deux technologies sont sur la table : des capteurs de pression (sensibles aux mouvements que produit le muscle cardiaque à la surface de la poitrine) ou optiques (mesure des variations dans l’absorption d’un flux lumineux qui est projeté sur la poitrine). D’autres dispositifs existent déjà sous la forme d’électrodes placées en contact avec la peau dans la région du cœur, par exemple, au moyen de sangles pectorales. L’autre fonction, que pourraient jouer les EPI, serait d’alerter en cas d’élévation excessive et prolongée de la température interne. De tels équipements sont encore rares mais ils existent déjà pour les pompiers et autres sauveteurs.

Avant de pouvoir les intégrer dans des vêtements de travail, la difficulté consiste à les fiabiliser. La mesure de la température doit être précise, à 0,1 °C près, et exacte. Elle n’est toutefois pas simple à effectuer sans aucun dispositif intrusif ou sans interrompre le salarié dans sa tâche.

Des vêtements rafraîchissants

L’autre grand chantier abordé par l’étude de l’IRSST est celui des EPI rafraîchissants. Il en existe déjà sous la forme de vêtements (vestes, chemises, t-shirts…) mais avec des technologies et des performances hétérogènes. Les plus simples, dits « passifs », utilisent l’évaporation à l’instar d’un linge humide que l’on placerait sur soi et qui finirait par sécher naturellement. Ce processus a été perfectionné, notamment, sous la forme de gilets que l’on trempe dans l’eau froide et qui sont capables de la retenir plusieurs heures grâce à une lente évaporation. Autre technologie, les vêtements à « effet de phase » qui contiennent un liquide capable de produire du froid (ou du chaud pour d’autres usages), par réaction chimique. Là encore, la limite tient au laps de temps assez court durant lequel ce froid est produit. Leurs performances sont également affectées par les conditions environnementales : plus la chaleur est intense, plus vite se dissipe la sensation de fraîcheur. Un inconvénient que n’ont pas les EPI « actifs », c’est-à-dire capables de maintenir longtemps la même performance de rafraîchissement.

Tous ces produits nécessitent une alimentation électrique portable donc une recharge régulière. Cette énergie vient alimenter des ventilateurs incorporés dans un vêtement ou faire circuler un fluide caloporteur (un peu à l’image d’un circuit de refroidissement sur le moteur d’une voiture). Les chercheurs québécois ont recensé par moins de sept technologies différentes, dont certaines plus rares telles que le branchement sur un circuit d’air comprimé (pour des travailleurs à poste fixe) ou le recours à un courant électrique pour déplacer l’air chaud (selon le principe de Peltier utilisé dans les glacières électriques). Cependant, cette course tous azimuts au développement d’EPI anti-chaleur se heurte encore à des obstacles.

La capacité de rafraîchissement ne fait pas tout : encore faut-il que les salariés aient l’impression d’en ressentir les bienfaits. Il faut que les vêtements restent souples, pratiques, pas trop lourds, lavables, etc. En l’absence de réglementation et de normalisation, il faudra sans doute d’autres canicules avant que ces EPI équipent massivement les salariés.


Jean-Philippe Arrouet


(1) « État de l’art sur les technologies actuelles facilitant une gestion thermique intelligente dans les équipements de protection individuels », Alireza Saidi et Chantal Gauvin, 2022. À consulter sur www.irsst.qc.ca

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