SANTÉ AU TRAVAIL : Prévention et promotion

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De plus en plus d’entreprises multiplient les initiatives visant à promouvoir la santé de leurs collaborateurs au-delà de la seule prévention des risques professionnels. Sans en avoir nécessairement conscience, elles participent ainsi à une nouvelle manière d’appréhender la santé au travail, également promue par les pouvoirs publics.

Longtemps la question de la santé au travail a été régie par une approche centrée sur les risques. Il s’agissait avant tout, pour les entreprises, d’évaluer les risques générés par leur activité et ensuite de prendre des mesures visant à supprimer ce risque ou de le réduire lorsqu’il n’est pas possible d’en venir totalement à bout.


Le travail, c’est la santé !

Comme on le sait, cette approche passe par la réalisation et la mise à jour d’un document unique d’évaluation des risques professionnels et par l’élaboration, puis la mise en oeuvre, d’un plan d’actions de prévention.

Cette façon de faire, centrée sur la recherche et l’élimination des risques réellement présents dans chaque entreprise, a fait ses preuves. On lui doit une part substantielle de la réduction du nombre des accidents du travail et de maladies professionnelles lors des 20 dernières années. Toutefois, elle tend aujourd’hui à être complétée par une seconde approche visant à ne pas seulement protéger la santé des collaborateurs, mais aussi à la promouvoir.

Le succès de cette approche a été notamment facilité par l’agacement légitime que suscitait, chez de nombreux employeurs, la perception négative d’un travail principalement envisagé sous l’angle des risques qu’il génère alors que de nombreuses études épidémiologiques confirment que, globalement, les actifs jouissent d’une meilleure santé que les personnes privées de travail.

Comme le rappellent Emmanuelle Wurtz, avocate à la chambre sociale de la Cour de cassation, et Hervé Lanouzière, directeur de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (Intefp), dans un récent ouvrage consacré à la santé au travail (1), certains acteurs du monde du travail et de celui de la santé considéraient que « la dimension d’un travail producteur de santé, voire émancipateur, aurait été sous-estimée et appellerait aujourd’hui une approche proactive, s’appuyant sur des actions positives en faveur de la santé au travail plutôt que sur des seules actions de nature défensive ».

Cette vision renouvelée trouve cependant sa source initiale dans la définition que l’OMS a donnée de la santé : « Un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». En effet, si la santé est vue comme tributaire d’une série de facteurs physiques, psychiques, sociaux et environnementaux sur lesquels il convient d’agir afin de tendre vers un « état de bien-être », alors la seule suppression de facteurs de risque ne suffit plus.

L’irruption de la notion de Qualité de vie au travail (QVT) et la quête du « bonheur au travail » ou encore le désir croissant d’assurer un bon « équilibre entre vie privée et vie professionnelle » traduisent une prise en compte de cette vision ambitieuse de la santé dans le domaine professionnel.

Nouvelles pratiques et nouvelles responsabilités

Il ne faut en effet pas s’y tromper : la promotion de la santé au travail ne relève pas d’une lubie de consultant en management : elle implique de nouvelles pratiques d’entreprise visant à agir conjointement sur les comportements individuels et sur les facteurs environnementaux.

Cette nouvelle acception n’est pas neutre car « elle modifie les représentations du rôle de l’employeur et de la nature des responsabilités qui lui incombent […]. Il est attendu de lui qu’il offre un environnement de travail qui non seulement préserve le travailleur des risques de son activité mais soit propice au développement de sa santé », préviennent Emmanuelle Wurtz et Hervé Lanouzière.

Et les pouvoirs publics ne sont pas en reste puisque le 4e Plan Santé au Travail (PST 4) fait sienne cette nouvelle conception en affirmant que « la réussite d’un plan santé au travail ne se mesure pas uniquement à l’aune de la sinistralité » (voir encadré ci-dessous). Pour le dire plus directement : éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles restera bien sûr essentiel mais pas suffisant pour être considéré comme une entreprise exemplaire en matière de santé.

Dès lors, comment l’employeur peut-il s’acquitter de ces nouvelles obligations ? Quelles mesures doit-il mettre en oeuvre pour y répondre ?

Volet comportemental et volet environnemental

La façon d’agir la plus évidente consiste à promouvoir auprès de ses salariés les comportements individuels bénéfiques à la santé. Ils comprennent les campagnes de sensibilisation portant sur l’amélioration de l’hygiène de vie : alimentation et diététique, incitation à la pratique sportive, lutte contre les addictions, sécurité routière, gestion du sommeil ou encore équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Pour Philippe Mège, directeur technique chez Pôle Prévention, « la réussite de ce type de programme dépend toutefois de l’exemplarité de l’entreprise en matière de prévention des risques et de conditions de travail ». En effet, dans tout autre contexte, « les salariés risquent d’y voir des écrans de fumée visant à masquer les défaillances de l’entreprise, voire une manœuvre insidieuse visant à reporter sur les individus la responsabilité d’éventuelles maladies ». Et d’ajouter : « Les démarches de promotion de la santé sont intéressantes pour compléter les démarches de prévention et d’amélioration des conditions de travail mais impuissantes à les remplacer ».

Une autre façon de procéder consiste à apporter à ses salariés, des dispositifs d’accompagnement leur permettant de mieux faire face à des risques ou des difficultés rencontrées dans leur vie personnelle : deuil, situation financière délicate, divorce… Le cas emblématique est celui des salariés aidants, dont le nombre est appelé à croître en raison de l’évolution démographique du pays. Afin de les soutenir dans cette tâche source de charge mentale, de nombreuses entreprises leur proposent des solutions élaborées par certains groupes de protection sociale.

Toutefois, chacun s’accorde à considérer qu’une véritable promotion de la santé au travail ne peut en rester à ces seules initiatives ciblées, partielles ou ponctuelles. Comme le précise le PST 4, « la promotion de la santé est un processus global qui comprend non seulement des actions visant à renforcer les aptitudes et les capacités des individus, mais également des mesures visant à changer la situation sociale, environnementale et économique, de façon à réduire les effets négatifs sur la santé publique et sur la santé des personnes ».

Le volet le plus prometteur de la promotion de la santé est donc celui qui passe par des actions de nature organisationnelle, portant sur le cadre de travail et l’environnement de travail, l’articulation entre vie privée et vie professionnelle, le développement des compétences et des relations sociales.

Le document unique reste le socle

Venant prolonger – et non pas remplacer – la démarche de prévention des risques, les initiatives de promotion de la santé au travail doivent donc être cohérentes avec les préconisations du Plan de prévention annexé au Document unique de prévention des risques (DUERP). Elles représentent une nouvelle façon de répondre dans la durée à l’exigence d’amélioration continue des conditions de travail sous la responsabilité de l’employeur. Mais le DUERP reste le socle de tout l’édifice.

Aujourd’hui, la promotion de la santé ne relève pas encore d’une obligation légale. Mais selon Emmanuelle Wurtz et Hervé Lanouzière, « il n’est pas aberrant de prédire une extension progressive des exigences publiques à l’égard du contenu des politiques et programme de prévention des entreprises ». Il n’est de surcroît pas sûr que les entreprises aient intérêt à attendre que ces démarches deviennent obligatoires avant de s’en emparer. En effet, dans un contexte de vieillissement de la population, d’exigence accrue des salariés à l’égard de leurs conditions de travail et d’augmentation de l’absentéisme, tous les leviers de performance doivent être saisis. Et nul doute que la promotion de la santé au travail en est un !

Christophe Blanc

(1) La Santé au travail. Droit et pratique, par Emmanuelle Wurtz et Hervé Lanouzière, Éditions Economica, juin 2023, 587 p, 67 €.

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