De la navigation à l’étal du poissonnier… Un inventaire des risques

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Entre la pêche, les activités de transport de frêt ou de personnes, de commerce, de maintenance et de réparation ou la manipulation des produits issus de la pêche, les métiers de la mer sont constitués d’une grande variété d’activités parfois très différentes les unes des autres. Cela sous-entend une multitude de risques possibles.

Dans le détail du genre des accidents de travail avec arrêt, l’ENIM constate la prédominance des chutes dans les cultures marines (24 %) et à la pêche (23 %) et de blessures traumatiques causées par des actions du type : frappé, entraîné, coincé par, etc. (23 %). Viennent ensuite les coupures et autres piqûres (16 %) puis les efforts excessifs et les faux mouvements (15 %). Ce sont ces derniers qui sont les plus nombreux dans la navigation de commerce et la navigation professionnelle de plaisance (34 %), devant les chutes (21 %).

Dans la poissonnerie, 32 % des accidents sont liés à l’utilisation des outils à main. Mais les blessures traumatiques aux mains peuvent aussi être causées par les produits de la mer, eux-mêmes : épines sur de nombreuses espèces de poissons ou sur les oursins, nageoires tranchantes, particularités coupantes des carapaces des crustacés et des coquilles… Elles peuvent entraîner des surinfections. Sans surprise, la répartition des lésions concerne majoritairement les membres supérieurs, y compris les mains, à hauteur de 56 %, loin devant les membres inférieurs (17 %). Dans ce contexte, la nature des lésions révèle une prédominance des plaies ouvertes. En 2021, l’Institut Maritime de Prévention (IMP) a lancé une campagne « Stop blessures aux mains », s’inquiétant de voir que les mains représentent à la pêche et dans les cultures marines le premier siège des lésions. Ces accidents génèrent principalement des plaies tandis que dans le secteur du commerce maritime, ce sont les heurts et autres coincements qui provoquent avant tout des contusions, des fractures ou des plaies.

13 % des accidents restent liés à des chutes chez les poissonniers. En effet, l’activité s’effectue essentiellement sur des sols humides voire mouillés. Mais les éventuelles glissades n’expliquent pas tout. L’activité se déroule aussi le plus souvent sur des sites à taille réduite (ateliers ou marchés), où les passages sont étroits et les sols peuvent être jonchés de divers objets. Des sols propres et dégagés mais aussi l’installation de revêtements non glissants, lorsque c’est possible, permettront de réduire les risques. Concernant les solutions individuelles, des chaussures à semelles antidérapantes doivent être fournies par l’entreprise à tous les salariés amenés à se déplacer sur les sols glissants dans le cadre de leur activité. Dans la conchyliculture, les déplacements sur l’estran peuvent aussi réserver de mauvaises surprises (déséquilibre dans une ornière, heurt sur un rocher qui affleure, glissade sur des algues…). Sur des bateaux sans cesse en mouvement sur l’eau, ce sont les déséquilibres qui sont principalement à l’origine des chutes.

Outre les chutes de plain-pied, le risque de chute de hauteur est également à surveiller, notamment dans les opérations de maintenance et d’entretien des bateaux, le long des coques ou sur les gréements.

Des gestes saccadés et répétitifs, le port de poids répété également, les troubles musculosquelettiques (TMS) sont un des dangers les plus diffusés pour les salariés des métiers de la mer. C’est le cas sur les chaînes de transformation ou de préparation des produits de la mer, c’est le cas aussi sur les marchés. Les mains, le dos mais aussi les épaules peuvent être mis à rude épreuve. Ainsi, concernant ce dernier cas, la manutention de la glace est une opération contraignante et pour prévenir le risque de TMS, il est important de réfléchir à trouver des équipements et des matériels adaptés comme des pelles légères et des bacs à glace maniables et de taille relativement réduite pour limiter le port de poids trop élevé. Concernant les conchyliculteurs, les opérations de chargement et déchargement, le retournement des poches pour les ostréiculteurs ou l’accrochage des cordes des mytiliculteurs, sont maintes fois répétées et peuvent laisser apparaître des TMS, au dos ou aux épaules, principalement. En outre, les phases de triage ou de conditionnement doivent faire l’objet d’une attention rigoureuse afin d’améliorer les conditions de travail pour réduire les risques de TMS. Plus généralement, les postures courbées, fréquentes dans toutes les activités, sur le bateau, sur l’estran, dans les ateliers de production ou de transformation des produits, et jusque sur les marchés peuvent, à terme, générer des pathologies.

Les professionnels de la pêche ainsi que les employés des commerces alimentaires et des restaurants sont exposés au risque de dermatites de contact aux produits de la mer. Ces dermatites peuvent avoir une origine chimique (le jus des poissons, essentiellement lors des opérations de découpe ou d’évidement des viscères) ou traumatique, suite à une coupure par exemple survenue au contact d’épines des crustacées, d’oursins et autres coquillages, telles que les huîtres ou au contact des épines caudales, dorsales ou pectorales de certains poissons. Il est donc nécessaire de réduire au maximum le contact cutané avec les produits de la mer ou de le bannir totalement notamment pour les personnes atopiques, en raison des allergènes identifiés : les parvalbumines (poissons) et la tropomyosine (crustacés et mollusques).

Dans les activités spécifiques de traitement manuel des produits de la mer, le port de gants adaptés est bien sûr indispensable. Mais attention, le port prolongé de gants équivaut à un travail en milieu humide. La sudation peut ainsi favoriser la pénétration des irritants et des allergènes.

Contact cutané ou inhalation, des réactions allergiques peuvent se développer chez les salariés exposés des activités de pêche, aquaculture, conchyliculture ou dans l’industrie agroalimentaire, pour les activités de préparation et de transformation des produits de la mer. Asthme, conjonctivite ou rhinite sont les principaux signes permettant d’identifier une allergie possible ou probable.

La rhinite d’origine professionnelle dont le premier symptôme est une inflammation nasale intermittente ou persistante doit toutefois être différenciée d’une rhinite préexistante avant l’arrivée sur le lieu de travail et elle peut précéder une phase d’asthme qui peut associer une toux chronique et des crises d’asthme sur le poste de travail. Une étude de ce poste permettra d’identifier les risques susceptibles de générer l’aérosolisation des protéines (poissons ou crustacés), des produits de nettoyage et autres produits chimiques à l’origine de la réaction allergique.

Afin de réduire ou limiter le niveau d’exposition aux allergènes, plusieurs mesures préventives peuvent être envisagées comme le nettoyage régulier des locaux et des postes de travail en particulier, voire un système d’aspiration sur les postes les plus à risque, une ventilation générale des locaux, etc.

Certaines activités, notamment dans le cadre de l’entretien et de la réparation (bateaux, moteurs et autres engins et matériels), nécessitent aussi l’usage de produits chimiques. Toutes ces manipulations nécessitent des EPI adaptés, tels que les gants et les masques, pour prévenir les risques liés au contact ou à l’inhalation de ces produits.

Le contexte des activités de travail peut amplifier les risques d’accidents. Ainsi, les déplacements véhiculés ne doivent pas être sous-estimés dans l’étude des risques des entreprises sous prétexte qu’ils ne représentent qu’un moyen d’accomplir un travail. Il y a quelques années, une enquête sur l’activité d’exploitations mytilicoles (élevage de moules) révélait que les déplacements, cumulant les aller-retour sur le site de travail et ceux sur l’estran, pouvaient atteindre jusqu’à la moitié du temps de travail. Or, effectués le plus souvent dans une remorque attelée à un tracteur, ces déplacements sont source de heurts ou de chutes et à plus long terme de pathologies du dos, en raison des chocs et des vibrations au niveau du rachis.

Dans les entreprises de mareyage et autres poissonneries, voire dans les activités de réparation et d’entretien des bateaux, l’usage des engins de levage et autres tire-palettes peuvent causer des accidents, certes peu nombreux mais avec un caractère de gravité important.

Autre danger pour les mareyeurs et les poissonniers qui, très tôt le matin, se rendent à la criée ou sur les marchés ou les conchyliculteurs dont les horaires de travail peuvent varier régulièrement, en fonction des horaires de marée, la fatigue induite par des horaires de travail décalés et une amplitude journalière importante. Au final, cette fatigue peut augmenter les risques sur la route lors des trajets domicile/travail ou une baisse d’attention sur le lieu de travail. L’exposition au froid et aux intempéries peut aussi dans ce cadre être considérée comme un facteur aggravant de la sinistralité dans toute la filière des métiers de la mer.

Stéphane Chabrier

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