Marc Rey : “Avec le temps, les travailleurs de nuit supportent de plus en plus difficilement les changements de rythme.”

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L’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) a pour but de faire reconnaître le sommeil comme une composante de santé publique à part entière auprès des pouvoirs publics. Cette association créée en 2000 fait campagne informe et sensibilise le grand public pour une meilleure prise en compte du sommeil. Son président, Marc Rey est neurologue. Il évoque l’impact des troubles du sommeil liés au travail de nuit.

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Sur leurs jours de repos, les travailleurs de nuit ou en horaires atypiques vont récupérer leur dette de sommeil accumulée au cours des nuits travaillées. Il n’empêche que cette population de travailleurs, est soumise à des risques de troubles de la santé liés à la privation chronique de sommeil. Ainsi, la privation
chronique de sommeil fait le lit de l’obésité. Pourquoi ? Parce que pendant que je dors la nuit, je ne mange pas. J’ai donc sur cette période de huit heures environ une période d’abstinence alimentaire. Ce n’est pas le cas quand je travaille la nuit. Au final, la privation chronique de sommeil favorise l’obésité
mais aussi le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires.

Ils doivent tenir compte du rythme veille/sommeil. Leurs horaires de coucher doivent être réguliers et ils doivent pouvoir gérer des périodes de sieste pendant la journée, de manière à récupérer. Il doit y avoir une discussion au cas par cas pour gérer les siestes diurnes en fonction de la typologie de l’individu, et ses horaires de travail, pour savoir quand une ou des siestes pourraient être le plus bénéfiques dans les 24 heures et quel type d’alimentation prendre. Par exemple, les sucres facilitent le sommeil et il faut donc les éviter au début d’une période d’éveil, alors que les protéines sont plutôt stimulantes.

Non. Ce n’est pas envisageable, ne serait-ce que d’un point de vue familial. Par ailleurs, après un certain temps, cet effort qui est demandé au travailleur, il ne pourra plus s’y plier. C’est ce qu’on appelle le syndrome de désadaptation. Un certain nombre de travailleurs de nuit vous disent que suite à une longue période de congés, lorsqu’ils reprennent le travail, tout va bien pendant quelques mois parce qu’ils dorment bien donc ils récupèrent mieux. Sauf que, peu à peu, cette période pendant laquelle ils se sentent bien va se réduire. Cela signifie qu’avec le temps, les travailleurs de nuit se soumettent de plus en plus difficilement aux changements de rythme. C’est un signal qui doit les alerter sur la nécessité de retrouver un rythme diurne.

Les traitements médicaux, comme les somnifères, sont utiles lors de phases aiguës, pendant quelques jours. Mais sur des périodes chroniques, les traitements qui fonctionnent le mieux sont les thérapies cognitivocomportementales prévoyant une prise en charge du sujet sur son comportement. Le simple fait de se réveiller pour quelqu’un qui souffre de troubles du sommeil est générateur de stress et donc d’incapacité à se rendormir.
Il faut l’aider à trouver des techniques pour se rendormir. Par exemple, il ne faut pas rester au lit à tourner et à amplifier le stress de ne pas dormir. Il faut se lever ce qui peut sembler contre-intuitif au premier abord, d’où l’importance de suivre une thérapie permettant une prise en charge à plus longue échéance.

À l’INSV, nous avons développé des partenariats avec la Médecine du travail, elle-même très active pour alerter les salariés et les entreprises concernées des problèmes liés au sommeil. En effet, le travail de nuit se développe dans la société actuelle. L’exemple le plus caricatural est l’ouverture des magasins jusqu’à tard dans la nuit, dans certaines zones touristiques. Mais la prise en compte des risques liés à la perturbation des rythmes veille/sommeil pour leurs collaborateurs est une réalité pour de nombreuses entreprises, les grandes en particulier, telles que la SNCF ou RTE où le travail ne s’arrête jamais. Des dispositifs de prévention ont été mis en place.

Pour les autres, c’est plus aléatoire. Certaines d’entre elles ont toutefois mis à disposition de leurs travailleurs de nuit une salle de repos en plus d’une salle à manger, parce que c’est aussi important de faire une sieste au milieu de la nuit que de prendre du temps pour manger.

Propos recueillis
par Stéphane Chabrier

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