FRANÇAIS AU TRAVAIL : Gare aux idées reçues !

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La récente fronde sur le report de l’âge de la retraite a relancé les clichés portant sur le rapport des Français à l’égard du travail. Une récente enquête menée par l’Institut Montaigne auprès de 5 001 actifs en emploi remet en cause les idées reçues (1). Elle souligne en effet que les Français sont globalement satisfaits de leur travail, même s’ils pointent une hausse significative de leur charge de travail et de la pénibilité psychologique dans de nombreux secteurs d’activité, et expriment de nouvelles aspirations.

1. Les Français globalement satisfaits de leur travail

Un premier constat s’impose : une grande majorité des travailleurs se déclarent globalement satisfaits de leur travail. Sur une échelle de 0 à 10, quelque 77 % des actifs en emploi expriment un degré de satisfaction supérieur ou égal à 6, avec une note moyenne de satisfaction très supérieure chez les chefs d’entreprise de plus de dix personnes (7,8), les artisans (7,8) et les indépendants (7,6), à celle des salariés (6,7).
Le niveau de satisfaction le plus faible concerne les professions intermédiaires de la fonction publique (6,5), les employés administratifs d’entreprise (6,5), les employés de commerce (6,4), les conducteurs d’engin et magasiniers (6,4), les ouvriers peu qualifiés de type industriels (5,9).
Un zoom sur les différents facteurs de satisfaction au travail fait apparaître que les travailleurs sont, en grande majorité, satisfaits de l’intérêt de leur poste de travail et des missions qui leur sont confiées (81 %), du degré d’autonomie dont ils disposent dans leur travail (87 %), de leur intégration dans l’équipe de travail lorsqu’ils sont salariés (88 %) et même de leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle (79 %).
Sur la plupart de ces critères, les travailleurs indépendants sont plus nombreux à être satisfaits que les salariés. C’est bien sûr le cas en termes d’autonomie (96 % vs 86 %) mais aussi d’intérêt pour les missions (91 % vs 80 %), d’équilibre vie privé / vie professionnelle (84 % vs 79 %), d’épanouissement dans le travail (86 % vs 72 %), de développement des compétences (90 % vs 71 %) et de conditions matérielles de travail (88 % vs 76 %).

4 motifs d’insatisfaction à résoudre :

1. La reconnaissance du travail effectué. 38 % des salariés se disent insatisfaits de “la reconnaissance de leur travail par leurs supérieurs”. Même si ce déficit de reconnaissance était encore plus élevé dans le passé (45 % en 2018), il reste très supérieur à celui constaté chez nos voisins : plus de 70 % des salariés britanniques et allemands se déclarent satisfaits de la reconnaissance qui leur est témoignée.

2. les perspectives d’évolution. L’insatisfaction par rapport aux possibilités d’évolution professionnelle reste élevée, tout particulièrement chez les salariés : 42 % d’entre eux se déclarent insatisfaits à cet égard, contre seulement 23 % des indépendants.

3. La rémunération. Près d’un salarié sur deux (46 %) se dit insatisfait de sa rémunération contre 38 % des indépendants. Cette insatisfaction est évidemment à mettre en lien avec la forte inflation et la préoccupation croissante à l’égard du pouvoir d’achat.

4. Les possibilités de télétravail. 49 % des actifs se sentent insatisfaits en matière de télétravail, “soit qu’ils ne puissent pas pratiquer le télétravail, soit qu’ils ne puissent pas le pratiquer autant qu’ils le voudraient”. 32 % des salariés s’affirment même “pas du tout satisfaits”, faisant redouter l’émergence d’un nouveau clivage entre salariés sur cette question.

2. Un travail jugé de plus en plus intense

Les fameuses “35 heures” ne sont pas la norme, loin de là ! Selon l’enquête, les Français effectuent, en moyenne, 37,3 heures de travail effectif par semaine et 39,8 heures lorsqu’ils sont actifs à temps plein. Pour les indépendants, la durée moyenne de travail hebdomadaire est même de 54,8 heures. Preuve que nos compatriotes ne rechignent pas à la tâche, ils sont de plus en plus nombreux à travailler le soir ou le week-end. C’est le cas de 89 % des cadres, 91 % des employés et 61 % des ouvriers.
Quelque 60 % des actifs français estiment que leur charge de travail s’est accrue au cours des cinq dernières années et 24 % la jugent désormais excessive. Toutefois, la durée effective du travail n’explique pas le fait de ressentir une charge de travail excessive car “les travailleurs déclarant des durées de travail plus longues ne ressentent pas plus fréquemment une charge de travail excessive que les autres”. D’autres variables semblent, en revanche, avoir une influence déterminante. Ainsi, les salariés se déclarant “non soutenu par leur manager” sont 34 % à estimer qu’ils ont une charge de travail excessive. Mais ce n’est le cas que de 16 % de ceux qui se disent soutenus par leur manager. De même les salariés disposant d’une faible autonomie sont 47,1 % à estimer avoir une charge de travail excessive alors que ce n’est le cas que de 21,2 % de ceux qui jouissent d’une forte autonomie.

Fort impact du management sur le bien-être professionnel

Pour les auteurs, “ces résultats confirment à quel point les conditions de travail contemporaines peuvent peser sur le bien-être physique, et encore plus mental, des travailleurs”. Ils corroborent d’autres enquêtes, notamment l’enquête récente réalisée par l’IFOP pour Diot Siaci, selon laquelle “50 % des salariés considèrent que leur travail a des conséquences négatives sur leur santé physique et 60 % qu’il a des conséquences négatives sur leur santé mentale”.
L’étude démontre ainsi que loin de représenter des questions purement techniques, la santé et la sécurité au travail sont des questions managériales à part entière.

Durée du travail : des aspirations contrastées

S’agissant des souhaits en matière d’évolution de la durée du travail, si une majorité relative (47 %) de salariés à temps plein ne souhaite pas voir sa durée du travail modifiée, une forte minorité se déclare prête soit à “travailler plus pour gagner plus” (31 %), soit, en sens inverse à “travailler moins quitte à gagner moins” (15 %). En revanche, les “35 heures” ne sont clairement pas une norme sociale : en moyenne, les salariés à temps plein qui considèrent leur charge de travail comme “non excessive” travaillent 37 heures par semaine, De même, les indépendants, qui jugent leur charge de travail comme “non excessive” travaillent en moyenne 40,8 heures

3. De nombreux travailleurs exposés aux pénibilités physiques et psychologiques

Une proportion importante des actifs éprouve une forte pénibilité physique ou une forte charge psychologique. Lorsqu’on leur demande d’évaluer sur une échelle de 1 à 10 à quel point leur travail est pénible physiquement, 57 % des Français donnent une note égale ou supérieure à 5 et 33 % une note égale ou supérieure à 7. Sans surprise, le niveau de pénibilité physique varie beaucoup selon les secteurs d’activité. Les salariés déclarant une “forte pénibilité physique” sont 10 % dans l’agriculture et la pêche, 8,1 % dans le secteur de la santé et l’action sociale mais 2,3 % dans le secteur de la finance. Aucun ne déclare de pénibilité physique dans le secteur des arts et du spectacle.
La santé psychologique des actifs apparaît encore plus problématique. En effet, lorsqu’on leur demande d’évaluer la charge psychologique de leur travail sur la même échelle de 1 à 10, 74 % des travailleurs donnent une note égale ou supérieure à 5 et 47 % une note égale ou supérieure à 7. En la matière aussi, certains secteurs sont plus exposés que d’autres. Toutefois, signe des tensions qui l’affectent, le secteur de la santé et l’action sociale se retrouve à nouveau dans le peloton de tête avec 10,9 % des travailleurs déclarant une très forte charge psychologique.
L’étude révèle aussi qu’au-delà de facteurs objectifs, la pénibilité psychologique ressentie semble beaucoup dépendre de facteurs subjectifs. Ainsi, les salariés jugeant leur rémunération ou leur autonomie insuffisante déclarent une charge psychologique beaucoup plus importante que les autres. Enfin, preuve que le bien-être professionnel constitue un tout, la pénibilité physique semble en grande partie influencée par l’intensité de la charge psychique ressentie. En effet, les salariés disant faire face à une forte charge psychologique déclarent également une pénibilité physique deux fois supérieure à celle ressentie par leurs collègues bénéficiant d’une faible charge psychologique.

Quel impact du télétravail sur la santé ?

Si l’on se fie aux déclarations des actifs, le télétravail, en lui-même, ne semble provoquer ni une charge de travail excessive, ni une hausse de la charge psychique ressentie, quel que soit le nombre de jours télétravaillés. Pour autant, certaines études récentes alertent sur son impact sur la santé physique et mentale et sur l’absentéisme. En mars 2022, une étude réalisée par l’IFOP pour l’observatoire Diot-Siaci de l’absentéisme souligne ainsi une hausse très significative de l’absentéisme au-delà de 3 jours télétravaillés.

(1) “Les Français au travail : dépasser les idées reçues”, Institut Montaigne, février 2023.

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