Brand France (Groupe BrandSafway) est une entreprise spécialisée dans la conception, la location et le montage de matériel de BTP sur les chantiers (étaiement, échafaudage, nacelles, etc.). L’entreprise, dont le siège social est situé à Trévoux (Ain), emploie 500 salariés répartis sur seize sites. Sa position face aux risques professionnels est sans équivoque : la sécurité prime sur tous les autres aspects de ses activités. Parmi les enjeux, l’entreprise s’est saisie de celui des addictions, il y a quatre ans déjà. Elle est par ailleurs une des premières à avoir signé la charte ESPER (1) visant à promouvoir les bonnes pratiques en matière de prévention des addictions.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de signer la charte ESPER ?
Le dispositif ESPER correspond précisément à une démarche de prévention des conduites addictives que nous mettons en place depuis quatre ans. Elle consiste à prévenir le risque, en communiquant et en sensibilisant nos collaborateurs, et à accompagner les personnes sous l’emprise d’une addiction. Nous avons, pour nous y aider, conclu un partenariat avec l’association Addictions France [NDLR : anciennement ANPAA]. C’est donc logiquement que nous participons au dispositif ESPER, avec le souhait que les entreprises signataires puissent travailler ensemble pour partager les bonnes pratiques et échanger leurs expériences.
À l’origine de votre propre démarche, aviez-vous constaté la réalité de cette problématique dans l’entreprise ?
En effet, nous avons déjà, dans l’entreprise, été confrontés au problème des addictions. Les contrôles c’est une chose, mais une fois que nous avons identifié le cas d’un collaborateur sous l’emprise d’une addiction, que fait-on ? Nous nous sommes posé la question de notre utilité sur le sujet et de ce que nous pouvions faire concrètement dans le cadre de notre responsabilité sociale. L’entreprise a donc créé un groupe de travail avec des salariés, pour imaginer comment mettre en place notre démarche.
Quelle est l’approche de l’entreprise vis-à-vis du risque lié aux addictions ?
Il y a, dans la société, un rapport à l’addiction peut-être pas naturel mais inné malheureusement, qui consiste à se dire que s’il s’agit d’une addiction, ce n’est pas si grave. C’est cette culture-là, que l’entreprise et l’association avec laquelle nous sommes en partenariat voulons combattre. L’entreprise a donc changé d’approche, en prenant en considération le risque sans mésestimer une addiction éventuelle face à un autre type de risque. Quelle que soit la situation, lorsqu’un risque est lié à une problématique de santé, nous en parlons dans le cadre global de la politique de prévention des risques.
Comment cette démarche a-t-elle été perçue en interne ?
En échangeant avec Addictions France, nous avons appris que 95% des personnes qui viennent dans leurs centres viennent sous la contrainte : de leur entreprise ou d’une décision judiciaire. À la lumière de ce constat, nous avons voulu mettre en place un climat social favorable de manière à échanger librement sur les addictions, les conduites addictives et l’aide aux personnes. Nous avons ainsi fait la démonstration qu’il y avait une alternative à la sanction. C’est une position qui est particulièrement bien perçue dans l’entreprise.
Quels sont les premiers résultats que vous constatez ?
Nous avons d’abord été agréablement surpris de l’engouement suscité par une recherche de volontaires pour relayer notre démarche sur les différents sites de l’entreprise. Outre les dépistages ou les remontées d’information, cette position forte de l’entreprise a marqué les esprits en interne et a permis de libérer la parole. Concernant les addictions, deux collaborateurs dont un intérimaire ont fait la démarche, d’eux-mêmes, de nous demander de l’aide. C’est une preuve de confiance. Nous les avons notamment mis en relation avec Addictions France. Notre volonté c’est de les accompagner dans leur démarche personnelle jusqu’aux soins, en leur offrant la protection de l’entreprise et de faire la démonstration que la sanction n’est plus le seul exutoire.
Est-il aussi aisé, pour l’entreprise, de traiter les différents types d’addiction ?
Avec toute la bonne volonté que l’on peut mettre dans l’accompagnement des conduites addictives, il faut considérer plusieurs situations : des cas que nous avons identifiés, d’autres aisément identifiables par le comportement, mais il y a aussi des cas invisibles parce que peu perceptibles en public. L’addiction médicamenteuse rentre plus souvent dans cette dernière catégorie, d’autant que le risque lié à la prise de médicaments reste galvaudé. Le rapport à l’addiction, de manière générale, doit changer. Il est certes plus ou moins évident d’en discuter avec le collaborateur concerné. Il est toutefois cohérent et légitime pour l’entreprise d’instaurer un échange sur cette question.
Propos recueillis par Stéphane Chabrier