Les agressions viennent évidemment en premier à l’esprit lorsque l’on songe aux risques professionnels que doivent affronter les agents de sécurité privée. Ce risque est bien sûr tout à fait réel. Mais, au-delà de celui-ci, ces hommes et femmes sont exposés à un éventail de risques bien plus large, directement lié à la grande diversité des tâches qu’ils accomplissent, pour assurer la protection des biens et des personnes. En voici une recension s’appuyant aussi bien sur les travaux de l’INRS (1) que sur l’expérience des intervenants du Groupe Pôle Prévention.
Pour identifier les risques auxquels sont exposés les agents de sécurité privée, encore faut-il comprendre que cette profession recouvre une multitude de métiers extrêmement variés.
LES DIFFÉRENTES MISSIONS DES AGENTS DE SÉCURITÉ
Les agents de sécurité effectuent une grande variété de tâches selon le cadre dans lequel ils exercent leur métier. Chacune exige des compétences et comporte des risques spécifiques. Voici les principales configurations rencontrées :
➤ Gardiennage de sites divers. L’agent est chargé de surveiller des sites de toutes natures (magasins, entrepôts, chapiteaux, chantiers…), soit de manière statique (par exemple depuis une voiture), soit en effectuant des rondes, plus ou moins fréquentes, à pied ou en véhicule, éventuellement accompagné d’un chien. Si un événement (intrusion, incendie) survient, l’agent n’intervient pas mais prévient un responsable ou la gendarmerie. Les amplitudes de travail, variables, peuvent aller jusqu’à 12 heures. Ce travail s’effectue en dehors des heures d’activité du site surveillé : essentiellement la nuit et le week-end.
➤ Surveillance de boîtes de nuit, concerts et autres événements. La mission de l’agent consiste à assurer la sécurité et la tranquillité des professionnels et du public. L’agent est chargé de surveiller les entrées (palpation des personnes et vérification des sacs à la recherche d’armes blanches, bouteilles, substances interdites, etc.) et d’éviter la resquille. Il peut aussi être amené à intervenir pour faire cesser des bagarres, des chahuts, des dégradations, ainsi qu’à aider les personnes en difficulté (malaise, etc.) ou lors de secours d’urgence. Il joue également un rôle par rapport à la sécurité incendie ou dans le contrôle des flux en cas d’évacuation.
➤ Surveillance de magasins, supermarchés et galeries marchandes. Pour assurer cette surveillance, l’agent de sécurité mène des déambulations dans le magasin, en étant éventuellement guidé par des collègues chargés de la vidéosurveillance. Son rôle consiste à dissuader les délits mais aussi à intervenir directement en cas de vol, de dégradation, de perturbation ou de non-respect des consignes du magasin par un ou des clients. En cas d’évacuation du magasin, il est chargé de veiller à ce que celle-ci se déroule correctement et en toute sécurité. Enfin, il est fréquemment chargé d’assurer la fermeture du magasin après s’être assuré que plus personne n’est encore présent à l’intérieur.
➤ Surveillance des immeubles de grande hauteur (IGH) et des établissements recevant du public (ERP). Cette surveillance s’effectue au moyen de rondes très précises permettant le contrôle de la fermeture des issues, des différents appareils électriques, des locaux techniques, etc. Par souci de rigueur et de traçabilité, les relevés sont reportés sur une main courante. Au-delà de ce coeur de métier, de menues tâches complémentaires peuvent échoir à l’agent : vérification des matériels de lutte contre les incendies, petit entretien, etc.
➤ Surveillance de sites industriels. Dans ce cadre spécifique, le rôle des agents de sécurité consiste le plus souvent à contrôler les entrées de véhicules et de piétons, à identifier les visiteurs en les inscrivant sur des registres, à leur remettre un badge après les avoir informés des consignes de sécurité, à les orienter dans l’entreprise en s’assurant qu’ils sont toujours accompagnés de quelqu’un d’avisé. Ce contrôle d’accès passe aussi par la levée et la descente des barrières de sécurité, l’éventuelle pesée des véhicules, la tenue de registres des visiteurs, des prestataires, voire la gestion de la flotte des véhicules de l’entreprise. Au-delà, les agents de sécurité sont associés à la mise en oeuvre des consignes d’urgence : appel des secours, gestion de l’évacuation, etc. Enfin, ils sont chargés de la protection du site en dehors des heures de travail, en assurant des rondes de nuit.
➤ Surveillance de sites multiples par ronde et intervention automobile. La mission de l’agent consiste à visiter un nombre déterminé de sites afin d’en assurer la surveillance dans le cadre d’une ronde ou sur appel, après le déclenchement d’une alarme. Dans tous les cas, une fois arrivé sur le site, l’agent effectue une ronde à pied autour des locaux à protéger. En une nuit, un tel agent peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres en automobile et marcher pendant plusieurs heures.
LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX ET ORGANISATIONNELS
➤ Risques liés à l’organisation du travail. Le métier d’agent de sécurité est caractérisé par une forte prévalence des horaires décalés et atypiques : travail de nuit, le week-end, journées d’astreinte… Ces contraintes peuvent être aggravées par des difficultés de gestion de planning résultant notamment du turn-over et de l’absentéisme importants dans la profession. La sérénité peut aussi pâtir de consignes ou de procédures peu claires ou d’injonctions contradictoires émanant du supérieur direct et de l’entreprise cliente. La gestion du temps est souvent aussi problématique : les rondiers se retrouvent parfois sous pression en raison du manque de temps attribué pour remplir la mission (temps de parcours mal évalué) tandis que les agents chargés du gardiennage souffrent plutôt d’une forme d’ennui. Ces difficultés sont à l’origine de diverses pathologies psychologiques : stress, anxiété, troubles du sommeil, etc. Elles favorisent aussi des comportements néfastes tels que le grignotage, le tabagisme. Enfin, nombre d’agents souffrent d’un manque de reconnaissance, voire de simple respect, aussi bien de la part de leurs supérieurs et de leurs clients que de la société.
➤ Risques d’agression physique ou verbale. Comme le rappelle l’INRS, “les agents de sécurité ont parfois à gérer des personnes au comportement hostile avec un risque d’agression, d’actes de malveillance, de menaces de représailles sur leur personne ou dans leur sphère privée”. Ce climat tendu favorise l’anxiété, voire provoque d’authentiques traumatismes psychologiques.
➤ Risques liés au travail isolé. Un grand nombre d’agents de sécurité travaillent seuls si bien que personne n’est en mesure d’appeler les secours s’il leur arrive un problème (agression, chute, coup de chaleur, etc.). Afin de réduire ce risque, de nombreuses entreprises recourent toutefois à des procédures (points réguliers), ou à des solutions techniques (localisation GPS). Mais, dans tous les cas, cela ne résout pas le sentiment d’isolement et de solitude jugé pesant par de nombreux professionnels.
➤ Risques liés aux conditions météorologiques et d’hébergement. Lors de leurs missions, les agents peuvent être soumis à des ambiances thermiques extrêmes : canicule, intempéries, froid… Parfois le seul lieu de refuge est la voiture. Ces conditions de travail peuvent être à l’origine de pathologies infectieuses. Enfin, l’accès à des sanitaires et points d’eau doit être recherché en lien avec les clients.
LES RISQUES PHYSIQUES
➤ Le risque routier. Les “rondiers” peuvent parcourir jusqu’à 400 km par session de travail. Ces déplacements sont d’autant plus risqués qu’ils sont souvent effectués seuls, de nuit et sous contrainte de temps et qu’ils ne peuvent pas être reportés lorsque la météo est défavorable. Enfin, facteur aggravant, les rondiers peuvent recevoir des appels téléphoniques durant leurs trajets et ont tendance à y répondre sans toujours s’arrêter.
➤ Risques liés à la posture. De nombreux agents sont astreints à de longues heures de station assise (opérateurs de vidéosurveillance, etc.) ou debout (surveillance d’entrée de magasins, etc.). En intervention, ils sont parfois exposés à de fortes sollicitations physiques : montées d’escaliers, poursuites, interventions d’urgence, etc. Enfin, certaines de leurs activités nécessitent des postures contraignantes : bras en élévation, torsion du buste, etc. Les troubles musculosquelettiques font donc partie des pathologies souvent détectées chez ces professionnels.
➤ Risques de chute. “Une des spécificités du métier d’agent de sécurité, souligne l’INRS, est d’intervenir sur des lieux souvent méconnus, c’est pourquoi des chutes peuvent être provoquées ou favorisées par un sol en mauvais état, par un manque de visibilité, des contraintes de surveillance (chemin de ronde, plate-forme, échelles…) ou par des intempéries.”
➤ Risques liés au travail sur écran. Les agents de sécurité chargés de la surveillance vidéo sont évidemment sujets aux risques inhérents au travail sur écran : fatigue visuelle, troubles posturaux et musculosquelettiques. La nécessité de rester longuement concentré, de contrôler simultanément plusieurs écrans ou d’analyser en temps réel des images complexes ou ambiguës peut également créer du stress. L’INRS souligne aussi les risques entraînés, à long terme, par la nature des locaux où sont fréquemment installés ces PC de sécurité : locaux aveugles, exigus, dépourvus de lumière naturelle.
➤ Risques liés au bruit. Les agents de sécurité peuvent être amenés à travailler dans des sites caractérisés par des niveaux sonores élevés : boîtes de nuit, salles de concert, rave parties, etc. De même, les agents de sécurité peuvent être exposés au bruit généré par les installations et activités bruyantes des entreprises dans lesquelles ils interviennent. Les dommages possibles sont “un déficit auditif mais aussi une fatigue, des troubles comportementaux ou du sommeil”.
➤ Risques chimiques et biologiques. Les agents de sécurité sont également exposés à tous les risques présents dans les établissements et entreprises qu’ils sont chargés de protéger. Au gré de leurs affectations, les agents peuvent ainsi être exposés aux risques chimiques, biologiques, etc. “Les salariés peuvent être exposés à des agents chimiques dangereux, comme des fuites de produits ou des émissions polluantes liées à l’entreprise utilisatrice, des gaz d’échappement dans les parkings”, précise l’INRS. Dans le registre biologique, ils peuvent être victimes de morsures (aussi bien animales qu’humaines…) ou de piqûres avec les risques d’infection que cela entraîne.
CONCLUSION
Les démarches de prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail des agents de sécurité doivent veiller à bien prendre en compte la grande diversité des tâches accomplies. Enfin, une grande attention doit être portée aux problèmes organisationnels et managériaux qui représentent, pour beaucoup de professionnels, les premiers motifs de récriminations et de frustration professionnelle.
Christophe Blanc
(1) “Évaluation et prévention des risques chez les agents de sécurité”, Documents pour le médecin du travail, n° 109, 1er trimestre 2007, consultable sur www.inrs.fr.