Formateur depuis 2008, Richard Fuhrmann est responsable du département Formation chez Point Org. Sécurité (groupe Pôle Prévention), qui dispense trois types de formation : SST, gestes et postures et incendie, formant ainsi des profils utiles voire nécessaires dans les entreprises pour prévenir les risques ou intervenir lors d’un accident de travail. Ces compétences s’inscrivent pleinement dans le cadre de l’obligation de sécurité du chef d’entreprise.
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Comment faire face à l’éventualité de l’accident du travail (AT) dans l’entreprise ?
Dans le cadre de son obligation de sécurité, le chef d’entreprise doit notamment mettre en place des moyens de secours adaptés. Parmi ceux-ci, il doit prévoir des consignes écrites et un dispositif d’alerte efficace et disposer de moyens humains compétents pour intervenir lors d’un accident.
Il paraît invraisemblable, par exemple, qu’il y ait des extincteurs dans une entreprise sans que personne sache s’en servir. Dans les activités les plus exposées, cela s’impose mais il peut y avoir parfois une carence dans les entreprises où a priori cela s’impose moins. Potentiellement pourtant, y compris dans des bureaux où les salariés accomplissent des tâches administratives, le risque reste présent. Surcharge de tension sur une multiprise, Court-circuit, etc., le risque incendie est présent, sauf que cette réalité peut échapper aux salariés dans le cadre confortable et du bureau. Dans un atelier ou sur un chantier, en revanche, des ouvriers qui font de la soudure sont forcément davantage sensibilisés d’autant plus lorsque leur activité est dangereuse et qu’elle peut générer dans un environnement approprié un début d’incendie.
Quelle est la place de la formation dans le cadre d’une intervention liée à un accident au sein de l’entreprise ?
Ce n’est pas toujours formalisé par une formation réelle mais, logiquement, toute personne dans l’entreprise doit être en mesure d’utiliser les moyens d’extinction mis à sa disposition, en cas d’incendie. Pour le dire autrement, tous les salariés d’une entreprise doivent être formés à la manipulation d’un extincteur. La formation peut être faite en interne mais on se contente parfois de regarder la notice de l’appareil et on s’en tient à ce rapide coup d’oeil qu’on aura vite oublié par la suite. C’est donc plus efficace et plus crédible également au niveau administratif qu’un organisme de formation, qui pourra délivrer une attestation, intervienne pour dispenser cette formation. Ainsi, en cas d’incendie, les personnes formées à la manipulation de l’extincteur vont en priorité combattre le feu, si c’est encore possible, sinon ils doivent alerter les secours. Parallèlement, un sauveteur secouriste du travail (SST) pourra intervenir en complément de cette action par la prise en charge d’une éventuelle victime.
Le SST est-il le profil indispensable dans l’entreprise pour porter les premiers secours en cas d’accident ?
Dans les petites entreprises en particulier, l’employeur étant soumis à de multiples obligations ou n’étant pas toujours sur site peut, en formant un ou plusieurs SST dans son entreprise, déléguer à ceux-ci l’action le cas échéant de porter secours ou de contacter les secours d’urgence. Mais le chef d’entreprise peut lui-même suivre une formation SST et cela arrive souvent dans les très petites entreprises notamment, de manière d’une part à bénéficier des acquis de la formation et d’autre part d’être parfaitement informé de ses pouvoirs et de ses obligations dans le cadre de la prévention.
D’ailleurs, si on considère l’aspect réglementaire, l’article R4224-15 du Code du travail stipule la nécessité pour l’entreprise de disposer d’un personnel formé SST dans « chaque atelier où sont accomplis des travaux dangereux » et sur « chaque chantier employant vingt travailleurs au moins pendant plus de quinze jours où sont réalisés des travaux dangereux ».
Comment peut-on définir un travail dangereux ?
Si vous passez votre temps derrière un bureau et que l’outil le plus dangereux que vous manipulez au cours de la journée c’est une agrafeuse, a priori vous pensez ne pas avoir besoin de SST. La notion de travail dangereux prête toutefois à interprétation, Ainsi, l’article R4121-1 précise que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Plus spécifiquement, ce qui peut convaincre le chef d’entreprise d’avoir des salariés formés SST, c’est l’article R4224-16. Il exige du chef d’entreprise qu’à partir du moment où il ne dispose pas de la présence d’un infirmier sur site, c’est à lui qu’incombe de prendre « les mesures nécessaires pour assurer les premiers secours » aux accidentés, mais aussi aux malades.
À partir de quelle taille minimum une entreprise doit-elle disposer d’un SST dans ses rangs ?
Pour une activité qui pourrait être jugée à risque, comme de la soudure par exemple, et même si le texte du Code du travail ne le précise pas, il semble évident que la présence d’un SST soit nécessaire dès le format minimal de l’entreprise. Il existe par ailleurs une circulaire de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), certes relativement ancienne, qui préconise de former 10 % de l’effectif d’une entreprise. Logiquement, il faudrait compter deux SST par site de travail, de manière que l’un d’entre eux soit toujours présent pour couvrir les périodes de vacances ou les éventuels arrêts de travail et autres absences. Mais ce n’est pas une formule figée dans la mesure où il faut tenir compte de l’architecture de l’entreprise, du nombre d’étages pour celles qui sont dans un bâtiment en hauteur ou du nombre de bâtiments quand ceux-ci sont éparpillés sur un même site. C’est pourquoi l’employeur doit former un maximum de collaborateurs au titre de SST, afin que leur répartition permette de couvrir tout le périmètre d’une entreprise sur site et sur les chantiers éventuels.
Dans le cas d’un accident, quelle est la procédure à suivre ?
Il s’agit en général d’une procédure simplifiée, avec intervention du SST sur la victime, appel des secours, et au besoin en se faisant guider au téléphone par les secours. C’est presque une procédure instinctive, mais celle-ci peut être un peu plus élaborée en fonction de la spécificité de l’activité de l’entreprise. Dans certains environnements comme le milieu médical ou dans des entreprises exécutant des travaux d’installation électrique ou encore manipulant des produits toxiques ou exécutant d’une manière générale des travaux dangereux. Exemple, sur un site nucléaire ou classé Seveso, les SST ont une formation initiale de base mais les risques spécifiques ont été abordés avec le médecin du travail lors de la formation.
Le SST doit intervenir de manière responsable et raisonnée, en évitant un éventuel risque de suraccident. Trop souvent il arrive dans ces situations que des personnes non formées interviennent de manière précipitée, risquant soit de se mettre en danger elles-mêmes, soit d’accentuer le caractère de gravité de l’accident.
S’il est présent, le chef d’entreprise doit être en mesure d’organiser les secours. C’est aussi pour cela qu’il est préférable qu’il assiste à la formation SST. Dans la mesure où plusieurs articles du Code du travail spécifient son obligation de résultat, sa responsabilité peut être engagée en cas d’accident et son inaction pourrait lui être reprochée.
Et plus concrètement ?
La première chose à faire pour le SST, c’est d’effectuer ce que l’on appelle la protection, c’est-à-dire qu’il va aller à la recherche des dangers persistants de manière à les supprimer, si c’est possible. Dans le cas inverse, il peut mettre en place un balisage pour isoler le danger ou encore dégager une victime qui serait, par exemple, soumise à une atmosphère toxique. Ce sont des gestes de mise en sécurité à effectuer le plus tôt possible, chaque fois que nécessaire.
Très rapidement, ensuite, le SST doit commencer par faire à faire un bilan avec la victime en recherchant les signes de détresse vitale. Saignement abondant, étouffement, et dans le cas où celle-ci ne répond pas et ne réagit pas, s’assurer qu’elle respire de façon le cas échéant à pratiquer un massage cardiaque et plus globalement repérer ce qui peut menacer sa vie.
Quand le risque vital est écarté, on intervient sur un schéma beaucoup plus classique même s’il faut pouvoir désigner le type d’atteinte : brûlure, plaie, traumatisme, hémorragie interne, etc. Le SST est en mesure de constater ces atteintes lors du bilan. On ne lui demande pas de faire un diagnostic mais une collecte des informations sur la victime ou chacune des victimes, si elles sont plusieurs. Ces informations permettront aux secours de gagner du temps, d’intervenir avec les moyens adéquats et de s’organiser en arrivant sur place.
Le SST peut-il être remis en cause dans son action d’intervention ?
De manière générale, lorsque le SST intervient au sein de son entreprise et au profit d’un salarié de l’entreprise, il est sous la responsabilité civile de l’employeur. En effet, il intervient dans le cadre de sa relation contractuelle avec l’entreprise, dans une mission pour laquelle il a été désigné par son employeur. En revanche le SST, qui intervient pour apporter les premiers secours dans son entreprise à une personne qui n’appartient pas à l’entreprise, agit aussi dans le cadre de sa relation contractuelle, pour la mission de secouriste pour laquelle il a été désigné. Dans ce cas, rien n’interdit à la victime de l’accident de former un recours en responsabilité civile contre le secouriste, s’il a aggravé ses blessures par des gestes fautifs. Cette mise en jeu de la responsabilité civile du SST est cependant strictement encadrée, car si la responsabilité des SST était systématiquement engagée, il n’y aurait plus de volontaires dans l’entreprise pour être formés et assurer ce rôle. Il ne s’agit pas là de dédouaner le SST de sa compétence à intervenir mais cela permet d’éviter qu’il soit poursuivi personnellement et systématiquement. La jurisprudence en général est quand même du côté des sauveteurs secouristes. Il peut malgré tout être mis en cause lors d’une intervention de sa part s’il est manifeste qu’il a effectué des gestes inappropriés, de manière volontaire.
Le SST est quand même l’interlocuteur indispensable et privilégié. Dans les entreprises, sur site et sur les chantiers, il doit être facilement identifiable par ses collègues, d’où la présence de stickers sur les portes de bureau ou sur les trombinoscopes affichés parfois dans les couloirs des entreprises. Quel que soit le moyen, il s’agit de faire savoir aux salariés qui sont les SST dans l’entreprise et où on peut les trouver.
Au-delà du risque d’accident, la formation du SST porte aussi sur un volet préventif. Ainsi, un salarié formé remplira plus aisément et plus légitimement le rôle de salarié compétent comme référant santé sécurité pour irriguer au sein de l’entreprise les actions de prévention, pour faire aussi remonter à la direction les informations en cas de constat d’une situation dangereuse.
D’autres profils peuvent-ils intervenir, lors d’un accident de travail ?
Lors d’un d’accident, les primo-intervenants sont souvent les collègues proches, d’où le rôle essentiel du SST pour un collaborateur. Comme c’est le cas hors cadre professionnel, toute personne est susceptible de devoir porter secours. C’est une obligation pour tout citoyen à condition de ne pas mettre sa propre vie en danger, ou celle d’un tiers.
Mais un autre profil peut-être envisagé comme indispensable dans le cadre d’une intervention d’urgence, c’est l’équipier de première intervention qui peut coordonner une intervention contre un incendie.
Tout salarié peut et doit suivre une formation incendie, mais à part la connaissance des classes de feu pour choisir l’extincteur adéquat, sa connaissance s’arrête le plus souvent à la manipulation de l’extincteur. L’équipier reçoit une formation plus élaborée et plus complète associant la maîtrise de l’utilisation de l’extincteur avec des compétences fondamentales pour donner l’alarme, organiser une évacuation, comprendre les mécanismes de développement d’un feu, etc. Il s’agit en général d’un salarié choisi par l’employeur à l’issue d’une formation incendie initiale, pour ses compétences, son aisance à intégrer les informations et sa détermination.
Propos recueillis
par Stéphane Chabrier