DES RISQUES DIVERSIFIÉS au contact du bois

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La filière bois déplore un accident par an pour dix salariés et, parmi les victimes, une sur cent devra faire face à des séquelles permanentes. En raison de la multitude et la diversité des activités, en amont et en aval de la filière, les risques sont tout aussi diversifiés. Voici un panorama des situations et des risques inhérents aux métiers de la filière bois.

MANUTENTIONS MANUELLES

Selon les statistiques de la CNAM et de la MSA, 52 % des accidents du travail sont liés aux manutentions manuelles. Elles concernent le transport ou le soutien d’une charge et plus précisément, des actions telles que : déplacement, pose, port, poussée, traction… Ces efforts ainsi que les gestes répétitifs sont à l’origine de sciatiques, de lombalgies, de hernies discales et de troubles musculo-squelettiques (TMS) et pas uniquement dans les entreprises de transformation du bois. Responsable du service Prévention des risques professionnels pour la MSA Lorraine, Didier Orivelle confirme que “le dos ou les zones articulaires sont particulièrement impactés notamment dans le cadre de l’activité de sylviculture”. Cette activité cumule des phases de culture, d’entretien et de plantation afin de régénérer les forêts.

Pour améliorer les conditions de travail lors des étapes de débardage forestier (déplacement des arbres abattus sur le site de coupe), la MSA Ain-Rhône a expérimenté l’utilisation d’un câble léger mais très résistant (en polyéthylène), facile à manipuler. Il s’est révélé être un élément de sécurité important, les travailleurs étant moins soumis à des problèmes tendineux et autres TMS.

Sur les sites d’usinage, outre l’entraide d’un collègue ou l’alternance des tâches qui permettent de soulager un effort ou de limiter sa répétition, les solutions d’aides à la manutention sont de plus en plus nombreuses : palonniers, ponts roulants, tables élévatrices, transpalettes électriques, etc., afin de réduire les postures sensibles. L’INRS évoque ainsi la mécanisation des manutentions, quand cela est techniquement possible, comme étant une action de prévention prioritaire pour la filière bois.

UTILISATION DES ENGINS ET MACHINES

L’Assurance Maladie signale que les secteurs industriels, dont celui du bois, affichent un fort taux de sinistralité lié à l’usage de machines : 25% des accidents du travail, environ. Si la réglementation européenne impose depuis 1995 des règles techniques de conception pour assurer un haut niveau de sécurité des machines, lors de leur utilisation, le renouvellement de celles-ci, dans la filière bois notamment, n’a pas encore permis d’éradiquer les modèles les plus anciens donc les moins sûrs, ne répondant pas à toutes les obligations actuelles de sécurité. Par ailleurs ces modèles, de par leur vétusté, peuvent fonctionner parfois en mode dégradé du fait d’un manque d’entretien, d’une maintenance aléatoire ou de modifications susceptibles d’amplifier leur niveau de dangerosité.

Ainsi, les machines pour le travail du bois représentent 4 % des AT ayant nécessité au moins 4 jours d’arrêt. Le groupe de machines concerne les défibreuses, les refendeuses ou les taraudeuses, mais il ne comprend ni les scies (en raison des difficultés à distinguer leur usage) ni les machines portables motorisées ou les engins de levage qui peuvent néanmoins être utilisés lors d’une activité spécifique aux métiers du bois.

En amont de la filière, 22 % des accidents du travail dans les scieries sont liés aux machines et autres outils. Pour réduire les risques, il est préférable de prévoir des dispositifs de sécurisation, en particulier sur les machines qui n’en bénéficient pas d’origine. Ainsi, un système d’arrêt d’urgence automatique basé sur la détection d’une main, trop proche d’une lame ou d’un engrenage, sera une solution indispensable pour protéger l’opérateur. Certaines machines disposent de commandes bimanuelles qui maintiennent les mains de l’opérateur éloignées pendant son fonctionnement. Une autre protection, collective, consiste à interdire l’accès d’une zone dangereuse par le biais d’obstacles matériels, comme une porte d’accès, voire d’interdire à des tiers le périmètre d’une machine par la mise en place d’un balisage. Une formation à l’utilisation des machines peut contribuer à sensibiliser les opérateurs. Elle peut aussi s’étendre à la maintenance ou à l’entretien de celles-ci.

En effet, les accidents ne se cantonnent pas aux phases de fonctionnement des machines. Leur maintenance peut tout autant occasionner des blessures (coupures, écrasements, brûlures, projections d’éclats…). Dans ce cas aussi, il est possible de réduire les risques, en mettant en place un graissage automatique par exemple et plus généralement en limitant tous les contacts avec la machine.

CHUTES DE HAUTEUR OU DE PLAIN-PIED

Quand on évoque les chutes dans le cadre des métiers du bois, on pense naturellement aux bûcherons dans les arbres. Pourtant, ces opérations à risque avéré sont bien souvent les mieux prises en compte préventivement par les professionnels : barrières garde-corps, passerelles, plateformes… et parmi les EPI, les harnais sont indispensables pour les techniciens intervenant en hauteur, dans les arbres. Ces accidents sont toutefois plus nombreux en aval de la filière, dans les activités de construction.

En revanche, les chutes de plain-pied (faux pas, glissades, pertes d’équilibre, trébuchements…) sont répandues dès l’amont de la filière. De manière générale, elles représentent la deuxième cause d’accidents du travail. “En fait, analyse Didier Orivelle, lors des activités professionnelles en forêt, la chute n’est pas forcément le risque avec l’indice de gravité le plus important, mais les chutes sont fréquentes. Dans la plupart des cas, ce sont des chutes de plain-pied qui se produisent sur des sols accidentés ou sur les obstacles sur le site de travail.” Il signale ainsi, “une kyrielle de déclarations d’accidents du travail liés à des entorses”. Des accidents graves, voire fatals dans quelques cas, surviennent malgré tout chaque année.

En forêt, sur les sites d’abattage, les facteurs de risque concernent bien sûr l’état des sols instables, glissants et jonchés d’obstacles naturels alors que l’attention du personnel intervenant sur place est captée par son activité. Mais les chutes de plain-pied ne doivent pas être perçues comme une fatalité. Préparer le site d’intervention, gérer les déplacements et planifier les opérations doit permettre de réduire les risques, ainsi que le port de chaussures appropriées. Dans les ateliers ou sur les chantiers, lorsque les sols sont plus stables, aménagés et dégagés, les mesures préventives doivent permettre d’obtenir des résultats sans équivoque pour la sécurité des salariés, du fait d’une meilleure maîtrise de l’environnement dans lequel s’effectue l’activité professionnelle.

EXPOSITION AUX POUSSIERES DE BOIS

Longtemps sous-estimé voire oublié, l’impact des poussières de bois sur la santé fait aujourd’hui l’objet d’une attention soutenue des services de santé au travail. Les poussières de bois sont nocives par contact cutané et par inhalation, quel que soit le type de bois. Elles sont principalement générées lors de l’abattage et au cours des opérations de transformation du bois : sciage, broyage, usinage de bois bruts ou reconstitués, mais aussi lors des travaux de finition ou à l’occasion du transport des copeaux ou des sciures.

L’absence de précautions pour les travailleurs soumis à ce risque peut avoir des conséquences à court terme sur leur santé, telles que : eczéma allergique, conjonctivite, etc., pour la peau et les yeux, ou bronchite chronique, toux irritative ou allergique, asthme, pour les voies respiratoires. De plus, une obstruction ou un écoulement nasal persistant, un saignement de nez répété, une toux persistante dans l’environnement de travail… sont aussi des symptômes à ne pas négliger et à signaler au médecin du travail, en raison du risque de maladie professionnelle. Dans ses statistiques, la MSA dénombre 128 cas de maladies professionnelles, en moyenne chaque année, dues aux poussières de bois. Pour près des deux-tiers de ces cas, il s’agit de cancers qui peuvent surgir plusieurs dizaines d’années après l’exposition. Les poussières de bois représentent aujourd’hui, la deuxième cause de cancers professionnels en France (après l’amiante). La MSA a donc investi ce risque, par le biais d’études notamment, afin de mieux connaître cet impact. Dans le Limousin, elle a lancé une étude, en 2017 et 2018, basée sur une campagne de mesurage de l’exposition à ces poussières dans 22 entreprises ayant une activité de scierie. Par la suite, des campagnes d’information ont été déclenchées et une solution technique permettant de diminuer les taux d’empoussièrement est testée. Le retour d’expérience devrait être publié d’ici la fin 2024.

Mais les entreprises sont-elles sensibilisées à ce risque ? Dès 2013, dans les départements de l’Ain et du Rhône, une autre étude a permis de contrôler la conformité des conditions de travail de 65 salariés travaillant dans des scieries au profil de TPE dans 75 % des cas. L’étude a aussi permis d’indiquer les postes les plus exposés : zone d’empilage, travail de tri en sortie de déligneuse et à proximité des machines, et mis l’accent sur le bienfait des postes en cabine protégés du danger des poussières de bois.

EXPOSITION AU BRUIT

Les activités d’abattage ou de transformation du bois font le plus souvent intervenir des machines et outils mécanisés non seulement dangereux à l’usage mais également bruyants et source de fatigue et de lésions auditives susceptibles d’être classées en maladies professionnelles. Outre le risque accru d’accidents et de stress en travaillant dans un environnement bruyant, on rappelle au Ministère du Travail que le coût moyen d’une surdité professionnelle indemnisée par la sécurité sociale représente près de 100 000 € et qu’il s’agit donc d’une des MP les plus coûteuses pour la collectivité. Le seuil de danger au-delà duquel des dommages peuvent survenir est estimé à 85 dB(A) (niveau moyen sur une journée de travail de huit heures), mais, à partir d’un niveau sonore moyen de 80 dB(A) sur huit heures, le niveau d’exposition est considéré comme préoccupant.

Pour limiter les risques liés au bruit, plusieurs solutions sont possibles. Lors du renouvellement des machines ou de certains accessoires, le niveau sonore peut être un critère de choix. Ce n’est pas toujours suffisant et plusieurs leviers peuvent être actionnés : déplacer la machine dans le secteur le plus isolé du site de l’entreprise, l’isolement de la cabine de pilotage, l’encoffrage des machines et le maintien des capotages. De manière individuelle, il faut tenir à disposition des opérateurs concernés et de tous les salariés se déplaçant dans l’environnement des machines bruyantes des EPI adaptés, comme des casques antibruit ou des bouchons d’oreilles moulés.

PRODUITS CHIMIQUES

Au cours des opérations de transformation du bois ou des travaux de finition, l’usage de produits tels que les colles, décapants, liants, peintures et autres vernis est parfois nécessaire. Ces produits intègrent des composants chimiques. Leur inhalation ou leur contact cutané peut provoquer des expositions chroniques ou des intoxications aiguës, jusqu’au développement pour l’utilisateur exposé de maladies graves. Dans le cas des produits de traitement préventif ou curatif du bois, l’INRS cite les solvants, les insecticides et fongicides parmi les produits dangereux les plus courants, ainsi que l’acétone, les résines époxy ou aminoplastes, le formaldéhyde ou le dichlorométhane, etc., pour les applications post-usinage. Pour prévenir les risques, il est essentiel de bien connaître les produits utilisés en prenant connaissance de toutes les informations liées aux produits, via les étiquettes et les fiches de données de sécurité.

S’il n’est pas possible de les substituer les produits en question par d’autres moins dangereux, il faut prévoir des mesures de protection collective (usage en cabine ou atelier isolé, stockage sécurisé, gestion des déchets…) et individuelle (port des EPI). Il ne faut pas omettre d’informer et de former les salariés utilisateurs, de ces produits, à leur manipulation et leur utilisation dans le respect des mesures d’hygiène et de sécurité.

RISQUES NATURELS ET AUTRES

Cette liste des risques auxquels sont confrontés les travailleurs de la filière bois ne serait pas exhaustive sans l’évocation des dangers d’origine naturelle rencontrés en forêt dans le cadre des activités de bûcheronnage et plus généralement dans la sylviculture, nous alerte Didier Orivelle. “Si les travailleurs doivent faire attention où ils mettent les pieds pour éviter les chutes intempestives sur les obstacles de la nature, ils doivent aussi faire attention aux chutes d’arbres ou des branches mortes issues de leur houppier.” Le représentant de la MSA en veut pour preuve les ravages du scolyte, “cet insecte qui s’incruste sous l’écorce des arbres, provoquant leur dessèchement, donc leur dépérissement, et la chute des branches.” Les épicéas sont particulièrement touchés par cette épidémie.

Plus directement, d’autres bestioles doivent inciter à la prudence dans les forêts :

– Les chenilles processionnaires. Leurs poils très urticants peuvent provoquer des conjonctivites, des éruptions, des démangeaisons et des irritations des voies respiratoires (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail recense plus d’une centaine de cas par an).

– Les tiques. Ces acariens répandus peuvent transmettre à leurs hôtes de nombreux agents pathogènes, qui peuvent provoquer des allergies voire transmettre la maladie de Lyme, difficile à diagnostiquer en raison d’une gamme variable de symptômes non systématiques (éruption cutanée, fatigue, fièvre, maux de tête…) et d’un délai d’incubation étendu. Un traitement antibiotique existe néanmoins.

Des maladies à hantavirus (liées à un contact possible avec les rongeurs et chauve-souris ou leurs excrétas) peuvent également faire l’objet d’une reconnaissance en maladie professionnelle.

D’autres risques généralisés sont aussi à prendre en compte, lors de la rédaction et de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), les risques routiers et autres risques psychosociaux (RPS), notamment. Ils ne doivent pas être sous-estimés faute d’être représentatifs de l’activité première de l’entreprise. Dans le premier cas, toutes les entreprises sont concernées par le transport de bois, de matériaux ou d’outils sur site ou sur les chantiers. Les déplacements domicile-travail des salariés doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière du chef d’entreprise, quand par exemple ceux-ci sont consécutifs à des heures supplémentaires ou à l’issue de plages horaires de travail aléatoires. Dans le second cas, il est parfois difficile d’anticiper le danger. Pourtant dans les petites entreprises qui représentent une large majorité des structures de la filière bois, en amont notamment, le chef d’entreprise est au contact quotidiennement de ses salariés. Si le danger RPS est moins visible, il est donc plus aisé pour lui de déceler un changement d’attitude et d’intervenir. Il en va du bien-être de ses salariés mais aussi de leur sécurité au travail et de son obligation de sécurité.

Stéphane Chabrier

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