Le chef d’entreprise est tenu à une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Le Code du travail est clair à ce sujet : “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs” (Article L.4121-1). Le plus souvent indissociables de l’activité économique de l’entreprise, les déplacements n’échappent pas à la règle. Ainsi, confier un véhicule de l’entreprise à un salarié n’est pas un acte anodin et le risque routier constitue, pour l’employeur, un enjeu qui peut engager sa responsabilité civile et/ou pénale.
Y compris dans les structures les plus petites, le chef d’entreprise, doit envisager diverses mesures pour respecter son obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés, telles que des actions d’information et de formation, des actions concrètes de prévention des risques et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Pour ce faire, il doit veiller au respect des règles de la part de ses salariés conducteurs, contrôler voire sanctionner leur non-respect des règles applicables, mais il doit aussi être vigilant sur le véhicule qu’il leur fournit et qui est aussi leur outil de travail. Dès lors, l’employeur doit se poser plusieurs questions pour s’assurer qu’il participe effectivement à réduire le risque routier au sein de son entreprise et, à défaut, connaître les risques qu’il encourt.
1. Le salarié a-t-il un permis de conduire et celui-ci est-il valide ?
Ne pouvant pas avoir accès au relevé d’information intégral de son salarié, l’employeur a comme seule possibilité, pour vérifier la validité d’un titre du permis, de demander régulièrement la présentation physique dudit document (et non pas seulement une photocopie). Ce procédé a malgré tout ses limites, comme l’éloignement du salarié du siège de l’entreprise ou l’invalidation du permis quand le conducteur ne l’a pas encore restitué malgré une demande de l’administration en ce sens. C’est pourquoi, à la présentation du document, l’employeur pourra aussi demander en plus une déclaration sur l’honneur à son salarié.
Il faut, en outre, informer le salarié qu’il doit immédiatement prévenir l’employeur si son permis est suspendu.
2. Le salarié a-t-il la catégorie de permis adéquate à la conduite du véhicule qui lui est confié ?
Pour conduire un véhicule de l’entreprise, l’employeur doit s’assurer que le salarié est titulaire du permis de conduire adéquat, notamment dans le cadre d’un véhicule tractant une remorque. Le permis B, par exemple, reste suffisant pour tracter une remorque d’un poids maximum de 750 kg de PTAC avec un véhicule de 3,5 tonnes de PTAC, au maximum. Si la remorque dépasse 750 kg mais que l’addition des PTAC : véhicule tracteur + remorque n’excède pas 4 250 kg, un permis B complété par une formation de 7 heures reste suffisant. Cette formation permettra de faire apparaître la mention “96” sur le permis de conduire en question. En revanche, le permis BE devient nécessaire si le véhicule tracte une remorque de plus de 750 kg de PTAC (sans excéder 3,5 tonnes) et que l’addition des PTAC : véhicule tracteur + remorque, excède 4 250 kg. Ajoutons que la catégorie B du permis de conduire permet la conduite : des ambulances, des taxis et des voitures de transport avec chauffeur, des véhicules affectés au ramassage scolaire et plus globalement au transport public de personnes, uniquement si le conducteur est en possession d’une attestation délivrée par le préfet, après vérification médicale de l’aptitude physique.
3. Quels sont les documents obligatoires, à bord ?
Outre son permis de conduire, le conducteur d’un véhicule d’entreprise doit pouvoir présenter, lors d’un contrôle, plusieurs documents que le chef d’entreprise doit mettre à sa disposition. Pour les véhicules d’un maximum de 3,5 tonnes de PTAC, il s’agit :
- de l’attestation d’assurance, à jour (Le chef d’entreprise doit vérifier que son véhicule est assuré et que son salarié est bien déclaré en tant que conducteur de celui-ci),
- du certificat d’immatriculation du véhicule sur lequel figure le timbre du contrôle technique, et sa date limite de validité.
Le cas échéant, il devra aussi être en possession du contrat de location. D’autres documents tels que l’horaire de service, le livret de contrôle et le registre de délivrance sont obligatoires pour l’utilisation d’un véhicule léger effectuant des missions spécifiques de transport routier. Un carnet de bord, lui, n’est pas obligatoire mais il est fortement conseillé pour assurer un suivi du véhicule, lorsque plusieurs conducteurs sont susceptibles de l’utiliser.
4. Est-il nécessaire de rappeler au salarié les infractions au Code de la route ?
En tant que titulaire du permis de conduire, le salarié est certes censé connaître les règles du Code de la route. Toutefois, un récapitulatif des règles à respecter peut être transmis aux salariés utilisant un véhicule d’entreprise, sous la forme d’une note de service par exemple (remise contre signature du salarié). Celle-ci peut rappeler les principales règles du Code de la route : le respect des limitations de vitesse, l’interdiction de téléphoner en conduisant, ne pas prendre le véhicule en cas de consommation préalable d’alcool ou de stupéfiants, ne pas faire monter à bord du véhicule une tierce personne, etc. Tous ces points, et d’autres selon les besoins et l’activité de l’entreprise, doivent, de surcroît, faire l’objet d’une information régulière. À défaut, il pourrait être reproché au chef d’entreprise, notamment en cas d’accident, de ne pas avoir suffisamment rappelé à ses salariés les règles à respecter pour l’utilisation des véhicules qui leur sont confiés.
5. Qui est responsable des infractions commises au volant ?
Le conducteur est responsable pénalement des infractions commises au volant. Si le chef d’entreprise donne au salarié des directives incompatibles avec le respect du Code de la route, il est susceptible d’engager sa responsabilité. Si, en pratique, le conducteur en infraction est clairement identifiable en cas d’intervention, la situation n’est pas aussi simple quand l’infraction est constatée par voie automatisée. Le représentant légal de l’entreprise est en effet destinataire de l’avis de contravention. Il doit désigner le conducteur, faute de quoi c’est le chef d’entreprise qui se verra lui-même imputer l’infraction et ses conséquences directes (paiement de l’infraction) ou indirectes (augmentation de la cotisation d’assurance en cas d’accident, par exemple).
Si la faute de conduite est imputable au conducteur, elle peut avoir des répercussions sur le chef d’entreprise, notamment en matière de contrôle d’alcoolémie (si le salarié est contrôlé positif en sortant de l’entreprise, par exemple).
6. Qui est responsable de l’état du véhicule ?
La mise à disposition d’un véhicule permettant des conditions de travail dans les normes de sécurité incombe à l’employeur au titre de son obligation de sécurité vis-à-vis du salarié. Il en va de même pour le contrôle technique effectué à l’initiative du propriétaire, dans les délais prescrits et à ses frais. En pratique, les véhicules légers (PTAC inférieur ou égal à 3,5 tonnes) doivent faire l’objet d’un contrôle technique dans les six mois précédant l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de la date de leur première mise en circulation, puis d’un contrôle technique périodique, renouvelé tous les deux ans. Attention toutefois, si le contrôle technique est nécessaire, il ne suffit pas forcément à garantir le bon état du véhicule. Un véhicule mal entretenu est potentiellement un véhicule dangereux. Il est donc préférable de maintenir un contrôle régulier de son état, a minima pour les organes essentiels de sécurité (feux, freins, pneumatiques…).
Enfin, dans le cadre d’un véhicule de fonction, c’est le salarié qui dispose du véhicule qui est responsable de son entretien.
7. Quels sont les équipements de sécurité nécessaires à bord ?
Le gilet de haute visibilité et le triangle de signalisation sont les deux équipements de sécurité obligatoires dans un véhicule. Ainsi, lorsqu’un véhicule immobilisé sur la chaussée constitue un danger pour la circulation, notamment parce que la visibilité est insuffisante, le conducteur doit assurer sa pré-signalisation en faisant usage de ce triangle. Il doit, par ailleurs, revêtir un gilet de haute visibilité conforme à la réglementation lorsqu’il est amené à quitter un véhicule immobilisé sur la chaussée ou ses abords, à la suite d’un arrêt d’urgence. Un extincteur est obligatoire pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes de PTAC, ainsi que dans tous les véhicules affectés au transport de matières dangereuses. De manière générale, comme pour l’entretien, un défaut d’équipement incombe au chef d’entreprise.
8. Surcharge et arrimage : qui est responsable ?
La surcharge d’un véhicule engage par principe le chef d’entreprise. Il a donc intérêt à fixer des poids maximums de chargement en fonction de la carte grise du véhicule (la charge utile d’un véhicule est la différence entre le PTAC et le poids à vide). Toutefois, dans certains cas de surcharge évidente, celui qui a chargé le véhicule (le conducteur, le plus souvent, dans les petites structures) peut être rendu responsable, notamment dans le cas d’un chargement dommageable ou dangereux voire dans celui d’un mauvais arrimage.
9. Mission ou trajet domicile/travail, quelle est la responsabilité du chef d’entreprise ?
Afin de remplir l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu vis-à-vis de ses salariés, l’employeur doit prendre toutes les mesures de prévention nécessaires. En cas d’accident, sa responsabilité pénale peut être engagée pour mise en danger d’autrui par négligence ou imprudence (charge de travail excessive par exemple). En revanche, sa responsabilité civile ne peut être engagée pour un accident de trajet du seul fait de son salarié. Dans certaines circonstances (retenue du salarié au-delà d’un horaire de sortie raisonnable, mise sous pression en fin de journée de travail, appel téléphonique du salarié en cours de conduite), la responsabilité du chef d’entreprise peut être engagée sur le trajet entreprise-domicile.
10. Quels risques encourt l’employeur en cas d’accident d’un salarié au volant ?
Un accident aura une incidence sur le taux de cotisation accident de travail/maladie professionnelle (AT/MP) de l’entreprise. Rappelons que ce taux, fixé par la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), est déterminé, pour chaque établissement, en fonction de son activité principale, de la taille de l’établissement, de son secteur d’activité et de la fréquence et de la gravité des sinistres (AT/MP) survenus. Plus l’entreprise compte de salariés, plus la sinistralité impacte directement son taux AT/MP. Ainsi, pour les entreprises de moins de 20 salariés, un taux collectif s’applique : tout établissement relevant d’une même activité cotise sur la base du même taux. Enfin, en cas d’accident d’un salarié sans permis ou si celui-ci n’est plus valide, l’employeur ne sera pas couvert par l’assurance automobile de l’entreprise, en application d’une déchéance de garantie. Les conséquences financières peuvent être catastrophiques pour une entreprise, notamment en cas d’accident responsable avec des suites corporelles et matérielles.
11. Quels sont les pouvoirs de l’employeur face aux salariés conducteurs ?
Le chef d’entreprise dispose de trois types de pouvoir :
- Un pouvoir d’information écrite. Il peut l’exprimer via le contrat de travail, des notes de service, des opérations de prévention et des formations adaptées.
- Un pouvoir de contrôle. L’employeur doit procéder régulièrement à des vérifications, telles que la validité du permis de conduire des conducteurs ou l’entretien du véhicule.
- Un pouvoir de sanction. Il s’étend de l’avertissement au licenciement pour faute grave.
Stéphane Chabrier avec Hervé Brizay (Juriste Tutor – Pôle Prévention)