Halte au maternalisme ! Les vrais ressorts du bonheur au travail

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Conjuguer travail et bonheur ? L’idée est dans l’air du temps et correspond à une véritable demande de la part des salariés. Mais encore faut-il éviter l’écueil du maternalisme. Voici quelques conseils, dispensés par le cabinet de conseil en management Delta Lead*, pour agir sur les véritables ressorts du bonheur professionnel.

Comprendre qu’au travail le bonheur vient du… travail !

“On nous a bassinés avec la réduction du temps de travail et l’avènement de la société des loisirs, mais c’est une illusion. Le travail reste au cœur de notre société”, s’exclame Alain d’Iribarne, économiste et directeur de recherche au CNRS (1). Un ouvrage piloté par la sociologue Dominique Méda souligne aussi “l’attachement particulier des Français au travail” (2). À rebours d’une idée reçue, nos compatriotes sont en effet, parmi les Européens, ceux qui manifestent le plus grand attachement au travail, 70 % d’entre eux affirmant qu’il est “très important” à leurs yeux, contre seulement 40 % des Britanniques et 50 % des Allemands. Un constat réjouissant qui se double cependant d’un autre : les travailleurs français se distinguent aussi par “leurs attentes extrêmement fortes en matière de réalisation et d’expression de soi dans le travail”. Pour contribuer au bonheur professionnel de leurs collaborateurs, les entreprises françaises seraient donc mal avisées de transformer leurs managers en nounous ou gentils animateurs. Car, in fine, c’est sur leur capacité à proposer un travail impliquant qu’elles seront jugées.

Prendre en compte le besoin humain de liberté

Dans une sorte d’extension à l’entreprise de la logique de l’État providence, on croit souvent que le bonheur des salariés est avant tout indexé sur le niveau de protection dont ils jouissent. Or, comme l’avait bien perçu et exprimé Jean de La Fontaine dans sa fable “Le loup et le chien”, les hommes ont aussi besoin de liberté ! Voici quelques années, l’IRB, un institut canadien spécialisé dans la mesure de “l’indice relatif de bonheur”, a mis en évidence que le bonheur professionnel dépend grandement de l’opportunité qu’ont les salariés de vivre de nouvelles expériences. Les chercheurs ont ainsi remarqué que les salariés travaillant dans “des organisations accueillantes pour les nouvelles idées” se déclaraient “cinq fois plus satisfaits de leur travail que ceux employés par une entreprise fermée aux innovations” . Si bien que les employés de la fonction publique sont ceux qui affichent l’indice de bonheur le plus faible, en raison de “la rigidité de ces organisations pour lesquelles chaque changement prend l’allure d’une révolution.” Gare donc à ne pas se leurrer… Parmi vos salariés, il y a certainement nombre de “loups” qui rêvent de briser leurs chaînes pour explorer de nouveaux horizons !

Favoriser l’action, source de plaisir durable

Bien sûr, un salarié à qui l’on octroie une augmentation ou une prime en sera toujours heureux. Mais pour combien de temps ? Daniel Gilbert, professeur de psychologie à Harvard, relève que, dans nos sociétés matérialistes, nous avons tendance à surévaluer la joie que procure la possession de nouvelles choses : “Certes, une nouvelle maison va vous rendre plus heureux, mais pas tant que cela et pas très longtemps” (4). À l’issue d’une étude portant sur 15.000 salariés, le chercheur Matthew Killingsworth confirme : “Le bonheur au travail résulte avant tout de l’interaction avec les collègues, du projet dans lequel nous sommes investis et de la qualité des contributions quotidiennes”, tandis “qu’un salaire élevé n’a qu’un impact limité” (5). À rebours d’une idée reçue, les salariés ne cherchent pas à gagner le plus possible en en faisant le moins possible. Ils souhaitent certes gagner plus, mais désirent plus encore accomplir des missions gratifiantes.

Permettre à chacun de s’accomplir

Pour les psychologues, la pire situation que puisse affronter un individu est le sentiment d’inutilité. “Le bonheur ce n’est pas de rester assis à regarder le mur. Cela, c’est ce que les gens font quand ils s’ennuient. Or les gens détestent s’ennuyer. Les êtres humains sont plus heureux quand ils poursuivent des objectifs difficiles mais pas impossibles à atteindre”, souligne encore le Professeur Gilbert. Il inscrit ainsi ses pas dans ceux du psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi, soulignant que le plus grand état de bien-être est atteint par les individus “lorsque leurs ressources intellectuelles et physiques sont utilisées jusqu’à leurs limites dans un effort volontaire en vue de réaliser quelque chose de difficile et d’important” (6). C’est cette volonté de progresser qui motive les sportifs, les artistes, les scientifiques mais aussi chacun d’entre nous au travail. Pour les managers soucieux du bonheur de leurs salariés, l’enjeu est donc de faire en sorte que le travail représente l’une de ces possibilités de se surpasser qui font que la vie mérite vraiment d’être vécue.

Faire de l’entreprise une force collective

L’entreprise présente un autre aspect qui la qualifie pour contribuer au bonheur de ses membres : sa dimension collective. Par définition, elle représente, en effet, une mise en commun de talents diversifiés permettant à chacun de contribuer à un objectif qu’il serait bien incapable d’atteindre seul. Le travail constitue ainsi une occasion incomparable de coopérer et d’agir avec les autres. Les nouvelles générations ne s’y trompent pas. Lors d’une enquête sur “les jeunes et le bonheur au travail”, 99 % d’entre eux jugeaient “indispensable” de “prendre du plaisir à aller travailler le matin” et 97 % “d’avoir des moments de convivialité avec ses collègues”. Dans un monde trop souvent caractérisé par l’isolement, voire la solitude, le travail reste le moyen le plus sûr de se hisser au-dessus de soi en participant à une œuvre commune. n

(1) Liaisons sociales, octobre 2011. (2) Travail : la révolution nécessaire, Dominique Méda, Éditions de l’Aube, 2010, 93 p. (3) www.indicedebonheur.com (4) “The Science Behind The Smile”, Pr Daniel Gilbert, Harvard Business Review, janvier 2012. (5) “The Future Of Happiness Research”, Matthew Killingsworth, Harvard Business Review, janvier 2012. (6) Vivre : la psychologie du bonheur, Mihaly Csikszentmihalyi, Éditions Pocket, août 2006, 377 p.
* www.delta-lead.com

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