La récente loi “pour renforcer la prévention en santé au travail” instaure par son article 3 un “passeport prévention” contenant l’ensemble des formations suivies par le travailleur et relatives à la sécurité et la prévention des risques professionnels. Ce passeport prévention contiendra notamment les “formations obligatoires, ainsi que les attestations, certificats et diplômes obtenus dans ce cadre”.
L’employeur a l’obligation, dans le cadre de sa démarche de prévention, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Parmi ces mesures, qui doivent être adaptées notamment à la taille de l’établissement, à la nature de l’activité et aux risques qui sont identifiés, figurent des actions de formation et d’information.
Ces actions sont mentionnées dans les neuf principes généraux de prévention et précisées dans le Code du travail qui, depuis 1976 (loi n°76-1106 du 6 décembre 1976 relative à la prévention des accidents du travail), prévoit une formation générale à la sécurité. Celle-ci est complétée, selon la nature de l’activité ou des entreprises, par des formations techniques spécifiques. En contrepartie, le salarié a le devoir de suivre ces formations et de respecter les consignes qui lui sont données.
De quoi s’agit-il ?
L’article L4141-2 du Code du travail prévoit une formation générale à la sécurité “pratique et appropriée”. Le rôle de cette formation est de renforcer les compétences des travailleurs et de les instruire sur les précautions à prendre pour assurer leur propre sécurité et celle des autres. Elle porte sur :
- les conditions de circulation dans l’entreprise (règles de circulation des véhicules et des engins, chemins d’accès aux lieux de travail, issues et dégagements de secours, consignes d’évacuation, etc.),
- les conditions d’exécution du travail (comportements et gestes les plus sûrs, modes opératoires, fonctionnement des dispositifs de protection, etc.),
- la conduite à tenir en cas d’accident.
Une attention particulière doit être portée aux changements possibles : modifications des conditions d’exploitation ou des circulations, création ou modification de postes de travail, survenance d’un accident grave…
A ce dispositif, s’ajoutent des formations techniques spécifiques liées aux postes de travail ou aux matériels utilisés. Elles ont pour but de former les travailleurs au poste de travail et à ces risques particuliers, dont l’utilisation de matériel spécifique. Ces formations techniques peuvent, par exemple, concerner : l’amiante, les agents biologiques, les appareils de levage, l’électricité, les équipements sous pression, les travaux en hauteur ou ceux de démolition, etc.
Il s’agit d’une obligation légale, s’inscrivant pleinement dans la politique de prévention de l’entreprise et constituant “l’un des éléments du programme annuel de prévention des risques professionnels” (article R4141-1 du Code du travail).
L’employeur a également une obligation d’information des travailleurs, notamment quant aux risques qu’ils encourent du fait de leur activité et des mesures prises pour y remédier.
Pour qui ?
La formation générale à la sécurité est organisée par l’employeur au bénéfice : des travailleurs nouvellement embauchés et de ceux qui changent de poste ou de technique, des salariés temporaires et à la demande du médecin du travail, de ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’au moins 21 jours. Plus largement, la formation à la sécurité concerne toute personne placée sous l’autorité du chef d’établissement et donc également les salariés d’entreprises extérieures ou sous-traitantes, les stagiaires, le personnel intérimaire…
Les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés temporaires bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés, dès lors qu’ils sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers.
Il appartient au chef d’entreprise de déterminer les formations obligatoires, générales ou spécifiques. À ce titre, le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER) se révèle un outil précieux précisant les risques généraux et particuliers, ainsi que les dangers ou les risques créés ou accentués par un défaut de formation. Le chef d’entreprise doit également dresser la liste du personnel concerné. Si tout le personnel doit suivre la formation générale à la sécurité, les formations spécifiques sont définies en fonction de l’activité de chacun et des besoins de l’entreprise.
Comment ?
Le Code du travail (article D6113-1) définit un “socle de connaissances et compétences” comme l’ensemble de celles “qu’il est utile pour un individu de maîtriser afin de favoriser son accès à la formation professionnelle et son insertion professionnelle”. Il intègre des notions de prévention en devant notamment comprendre “la maîtrise des gestes et postures et le respect des règles d’hygiène, de sécurité et environnementales élémentaires” (art. D6113-2).
Au-delà de ce socle minimal, la formation à la sécurité doit être pratique et appropriée. Elle est dispensée autant que possible directement sur les lieux et postes de travail concernés et comprend des démonstrations d’utilisation d’équipements de travail, une visite des lieux de travail, des mises en situation pour s’approprier les bons gestes et les comportements sûrs. Elle doit être dispensée durant les horaires habituels de travail.
Déléguer ou non ?
Un choix encadré légalement
L’organisation de la formation à la sécurité incombe au chef d’entreprise. Il peut la dispenser lui-même ou, et c’est le cas le plus général, confier cette mission à des salariés expérimentés sur les postes de travail concernés ou à des organismes de formation extérieurs.
Certaines formations techniques spécifiques sont dispensées obligatoirement par des organismes agréés ou certifiés (par exemple la formation aux travaux électriques sous tension).
Les modalités de mise en œuvre des formations à la sécurité sont donc variées. Elles peuvent être dispensées sur site ou à distance, mais doivent toujours être adaptées aux travailleurs concernés et surtout faire l’objet d’une traçabilité précise. La multiplication des supports numériques et leur facilité d’accès par le plus grand nombre rend particulièrement intéressantes les solutions d’apprentissage numérique (que d’aucuns, qui ne maîtrisent pas notre langue, appellent e-learning). Elles permettent en effet un apprentissage traçable et réalisé au rythme du travailleur concerné.
Exigence de traçabilité et de renouvellement
Cette nécessité de traçabilité est encore rappelée par la loi “pour renforcer la prévention en santé au travail” qui met en place un “passeport prévention” contenant l’ensemble des formations suivies par le travailleur et relatives à la sécurité et à la prévention des risques professionnels.
En matière d’information et outre la tenue à disposition des travailleurs du DUER, l’affichage des consignes de sécurité et des fiches de sécurité aux postes de travail constitue une bonne pratique.
Enfin, les formations et l’information des travailleurs en matière de sécurité doivent être renouvelées régulièrement. Le champ des possibles est vaste : réunions sécurité, campagne d’affichage, organisation d’ateliers sécurité, modules d’apprentissage numérique, etc.
Philippe Mège