En 2025 s’étendra la restriction d’accès aux métropoles à tous les véhicules pourvus de la vignette Crit’Air 3. Une mesure qui concerne les entreprises ayant conservé des véhicules immatriculés avant 2010. Mais des aménagements sont prévus.
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Les entreprises savaient depuis longtemps à quoi s’attendre mais l’heure est venue. En 2025, les zones à faibles émissions (ZFE) des grandes métropoles se fermeront aux véhicules classés « Crit’Air3 ». Il s’agit des modèles à essence immatriculés entre 1997 et 2005 ainsi que des diesels mis à la route entre 2006 et 2010. Les plus anciens (Crit’Air 4, 5 ou non classés) étant déjà bannis depuis au moins trois ans, en raison de leurs émissions trop polluantes. Il y a de quoi se poser des questions dans les entreprises dont l’activité nécessite d’être mobile.
Cette réglementation nationale prévoit toutefois des adaptations locales. En premier lieu, les ZFE ont été créées (loi d’orientation des mobilités en 2019 et loi climat et résilience en 2021) avec l’idée de distinguer les agglomérations dépassant régulièrement les seuils de qualité de l’air et celle faisant l’objet de pics de pollution sporadiques. En second lieu, l’État a laissé les autorités locales définir les modalités propres à leur ZFE. Selon la localisation d’une entreprise, ses véhicules ne seront donc pas soumis aux mêmes règles, celles-ci pouvant être aussi différées pour les professionnels et les particuliers. Exemple à Lyon, où la nouvelle municipalité a interdit, dès 2021, la circulation des poids lourds et des véhicules utilitaires légers (Crit’Air 5,4 et 3) dans le périmètre de la ZFE (incluant également les communes Caluire-et-Cuire, Villeurbanne, Bron et Vénissieux), tout en les laissant emprunter les voies structurantes, jusqu’en janvier 2024.
Des ZFE à géométrie variable
D’autres métropoles, en revanche, font moins de zèle. Ainsi, concernant la métropole d’Aix-Marseille-Provence, l’échéance de janvier 2025 d’interdiction des véhicules à vignette Crit’Air3 a été reportée sine die.
Autre cas particulier, celui des métropoles dans lesquelles les émissions polluantes ont diminué en deçà des seuils de qualité de l’air, ce qui les exempte d’appliquer le nouveau calendrier d’interdiction en 2025. Tel est le cas à Rouen où les derniers relevés de qualité de l’air sont bons. Par conséquent, la métropole a décidé, sur la base de ce constat, de ne pas interdire les Crit’Air 3. En revanche, « il n’y a pas de changements pour les Crit’Air 4 et 5 » nous précise-t-on.
Il est vrai que nombre d’élus se montrent mal à l’aise avec ces ZFE qui ont des répercussions sur l’économie locale. Les ménages qui possèdent une voiture encore en bon état mais trop polluante seront contraints d’en changer ou d’emprunter les transports publics, à condition de ne pas habiter à la campagne, dans des secteurs pas ou trop peu irrigués par ces réseaux. Quant aux professionnels, ils ont souvent besoin un véhicule pour transporter outils et matériaux et ne pourront donc pas se passer de leur véhicule. Certes, toutes les métropoles ont déjà voté des aides financières, qui se cumulent d’ailleurs avec celles de l’État, pour aider à l’acquisition de véhicules à faibles émissions, mais toutes les entreprises n’ont pas une santé financière qui leur permet de renouveler leur véhicule ou leur parc de véhicules dans un délai aussi court.
Les « Pass ZFE » jouent les prolongations
Les métropoles accordent donc des laissez-passer, les « pass ZFE », ceux-ci étant temporaires. Le 7 octobre dernier, la métropole du Grand Paris a instauré son « Pass 24h ». Objectif : apporter « plus de souplesse pour les automobilistes concernés par la ZFE », expliquait-on à l’époque. Le sésame permet en effet de circuler à l’intérieur de cette immense ZFE soit 77 communes comprises à l’intérieur du périmètre de l’A86 qui regroupe 5,61 millions d’habitants. Pourvus de leur « Pass 24h », les professionnels comme les particuliers, peuvent y pénétrer avec un véhicule Crit’Air 3, à concurrence de 12 jours dans l’année (à condition de déclarer à l’avance en ligne les jours choisis). La métropole du Grand Paris pourrait lâcher encore du lest en augmentant le nombre de jours de ce pass. Il est vrai que d’autres ZFE ont déjà choisi de se montrer plus arrangeantes. À Lyon ou à Toulouse, par exemple, le pass ZFE permet de circuler 52 jours par an malgré une vignette Crit’Air défavorable. D’autres métropoles, pourtant engagées dans la transition énergétique, préfèrent prendre le temps nécessaire pour permettre un renouvellement des véhicules en circulation. Tel est le cas à Strasbourg où « l’évolution du parc est très forte sur les véhicules les plus anciens, Crit’Air 4 et 5 », observe Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole, en charge notamment de la transition énergétique. Cependant, l’élue constate qu’« il y a encore beaucoup de Crit’Air 3 et notre capacité à aider les professionnels ne suit pas. » Malgré un budget de 30 M€, la demande dépasse les moyens de la collectivité alsacienne.
Des métropoles engagées mais pas de sanctions
Célèbre pour ses vélos, Strasbourg s’est impliquée dans le dispositif de la ZFE. Après une vaste concertation, impliquant notamment les professionnels, qu’elle a réalisée en 2021, elle s’est dotée d’une « Agence du climat ». Sa mission consiste à conseiller les professionnels, comme les particuliers, sur les aides financières mais aussi sur les alternatives de mobilité. « Pas mal de jeunes professionnels ont opté pour le vélo cargo », se félicite d’ailleurs l’élue. Malgré cette politique volontariste, la métropole a choisi de ne pas verbaliser les véhicules Crit’Air 3 à compter du 1er janvier 2025. Cette date ouvrira en effet à Strasbourg une « période pédagogique » de deux années supplémentaires. Derrière ce choix, une explication technique. Pour contrôler les accès aux ZFE, il faudra installer des radars à leurs entrées, or, ces équipements, ne sont toujours pas prêts, malgré déjà plusieurs reports. Dès lors, ces radars pourraient commencer à « flasher » les vignettes Crit’Air, pas avant fin 2026.
Jean-Philippe Arrouet