Ni trop petite ni trop grande, cette entreprise familiale à taille humaine gère ses risques professionnels « en bon père de famille ». Un défi dans ce secteur où les dangers ne manquent pas pour étanchéifier le toit des bâtiments et où la concurrence joue sur l’exécution des chantiers.
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0n est souvent les vilains petits canards pour les assureurs car il y a des risques d’incendie, de chute, d’objets qui tombent », reconnaît Lionel Rochon du Verdier. Avec son frère, Patrice, il dirige SES Etanchéité Service, une PME située à Brignais, en région lyonnaise, qui oeuvre dans le secteur du BTP.
Depuis sa création, en 1984, l’entreprise s’est spécialisée dans l’étanchéité des bâtiments. Un métier qui s’exerce sur les toits et avec du feu, entre autres dangers. À 58 ans, Lionel Rochon du Verdier (ci-contre) n’ignore rien des risques qu’encourent ses salariés.
D’abord parce qu’il est monté lui aussi sur les toits, dès sa jeunesse, pour soulager son père. Ensuite parce que les valeurs familiales se sont solidement ancrées dans les esprits de cette fratrie de sept enfants. Aujourd’hui encore, elles expliquent le soin de l’entreprise à assurer la sécurité de son personnel. « Cela vient de mes parents et de ma foi catholique, confesse le dirigeant. Tu dois mettre les autres au centre de ta vie, protéger et rendre heureuses les personnes. »
Cette dimension humaniste s’étaye par des connaissances techniques puisque Lionel Rochon du Verdier a suivi des études d’ingénieur en bâtiment avant de prendre les rênes de l’entreprise familiale, en 1991. Deux ans plus tard, son frère le rejoint et, ensemble, ils structurent la société en quatre services dont ils se partagent les responsabilités.
Faire face à une activité
qui se développe
À la tête de la partie commerciale, Patrice dirige la prospection avec des métreurs qui chiffrent les futurs chantiers. Pour sa part, Lionel prend en charge la partie travaux et entretien. Sous sa direction, trois conducteurs de travaux coordonnent chacun quatre à cinq équipes opérationnelles. Un service achats et logistique ainsi qu’un service administratif et financier complètent cette organisation interne. L’entreprise travaille bien et le bouche-à-oreille lui assure de nouveaux clients. Les effectifs grimpent de 5 à 25 salariés. « Notre publicité, ce sont nos clients et nos fournisseurs », rappelle Lionel Rochon du Verdier. SES Etanchéité Service remporte notamment des appels d’offres publics auprès de la région qui construit des lycées ou encore auprès d’offices HLM. 50 % de ses clients sont des organismes publics, contre 30 % d’industries et de copropriétés et 20 % de particuliers. « Quand on prépare un chantier, on a des chances qu’il se passe bien », résume le dirigeant.
Ces bonnes pratiques se confrontent parfois à la concurrence : « On fait aussi de la couverture tuiles pour laquelle on met systématiquement un échafaudage donc on est plus cher en sécurité », illustre-t-il. Ce qui n’empêche pas l’entreprise de se développer puisque son carnet de commandes pour 2023 représente 5,5 M€ de chiffre d’affaires. Son approche respectueuse des conditions de travail permet également à l’entreprise de recruter puis de fidéliser ses salariés dans un secteur en pénurie de main-d’oeuvre. « Il y a une continuité et une stabilité des équipes depuis 7 à 9 ans », confirme Gilles Gamot, intervenant en prévention des risques professionnel (IPRP) Rhône-Isère chez Pôle Prévention, qui accompagne SES Etanchéité Service depuis une dizaine d’années.
Structurer la démarche
de prévention
Lionel Rochon du Verdier a fait appel à Pôle Prévention pour l’accompagner, notamment sur la réalisation de son document unique de prévention des risques professionnels et sur la formation de ses salariés. « Nous avons commencé à faire le document unique puis à le travailler chaque année », explique-t-il. Les risques sont nombreux à commencer par les bonbonnes de gaz qu’il faut monter sur les toits puis le maniement des chalumeaux avec le risque de se brûler ou d’enflammer des matériaux isolants.
Autre risque majeur, la chute d’un toit ou lors de l’utilisation d’engins de levage (l’entreprise possède une grue). Sans compter le risque routier (chargement des fourgons, surcharge…). « L’entreprise fait signer des chartes qui engagent les salariés à bien prévenir en cas de perte de points et à respecter le code de la route et la consommation d’alcool et de stupéfiants », décrit Gilles Gamot. Tous ces risques professionnels font l’objet de formations. « Chaque année, on réunit tout le monde pour une formation en fin d’année et une autre en juillet. Je veux qu’il y ait tout le monde car ça créée une cohésion », insiste Lionel Rochon du Verdier qui assume de perdre ainsi des journées de production. En point d’orgue de cette organisation avec Pôle Prévention, le risque d’incendie, comme le décrit Gilles Gamot : « On fait une session de mise à feu chaque année sur le parking de l’entreprise suivie de deux heures en salle et nous utilisons des supports pour engager les salariés à porter les équipements de protection individuelle. »
Faire réfléchir chacun
à sa sécurité
Ces sessions ont pour but de faire réagir. « Les langues se délient sur le presque accident. Ça les fait réagir et on les fait de nouveau réfléchir », résume le patron. En effet, les règles de sécurité ne pèsent guère si elles ne sont ni comprises ni acceptées. « Trop de sécurité tue la sécurité, tranche-t-il. Il y a un Document technique unifié. (DTU) (1) mais il faut le connaître et le comprendre, par exemple sur les hauteurs à respecter. »
Le port des EPI reste un sujet particulièrement sensible. Chaque recrue, y compris en intérim, reçoit un livret d’accueil avec les règles à respecter, en même temps que son matériel, et l’entreprise lui explique comment s’en servir. «On prévoit des baudriers et on fait des formations mais il est arrivé récemment qu’un de nos ouvriers ait été interpellé par l’Inspection de travail parce qu’il travaillait sur un toit, à trois mètres de hauteur, sans harnais », confie Lionel Rochon du Verdier. S’il voit dans cette mésaventure l’occasion pour le salarié de réfléchir à sa sécurité, il ne condamne pas systématiquement de tels « oublis », fort de sa propre expérience : « Qu’on ne s’attache pas quand on travaille au centre de la terrasse, je peux le comprendre car le harnais coince au niveau des jambes. » Pour améliorer le port des EPI, le patron prévoit de tester des gilets qui n’entraveraient pas les mouvements. Il réfléchit également à la pose de garde-au-corps permanents, « même si ça a un coût pour le maître d’ouvrage. »
L’entreprise sait qu’elle devra encore tâtonner avant de trouver une solution à la fois protectrice et acceptée par les salariés. Cet alliage de bienveillance, de pragmatisme et d’exigence de sécurité façonne Lionel Rochon du Verdier : « C’est un équilibre à avoir. »
Jean-Philippe Arrouet
Pour en savoir plus : www.etancheite.fr