Même dans une activité aussi répandue que le BTP, les spécificités ne manquent pas. En Touraine, ROC Confortation s’est spécialisée dans les travaux qui nécessitent un savoir-faire particulier dans des situations parfois extrêmes, en hauteur ou en sous-sol. Pour répondre à ses besoins en personnel, l’entreprise est pourtant plus sensible aux personnes qu’à leurs compétences.
La Touraine, où est installée l’entreprise ROC Confortation, compte de nombreux coteaux en particulier sur les bords de la Loire, du Cher ou de l’Indre. Les travaux de confortement de falaises y sont donc fréquents, quelles que soient les techniques utilisées : ancrage, grillage plaqué ou béton projeté… De la même manière le confortement de cavités est répandu dans cette région viticole où, historiquement, l’extraction de tuffeau a nécessité l’exploitation de carrières souterraines.
Au fil de sa croissance, l’entreprise a développé d’autres techniques comme le micropieu, le renforcement de superstructures ou de balcons et les reprises en sous-œuvre de maisons ou de bâtiments, dont des bâtiments remarquables telles que les églises ou autres cathédrales, représentent aussi une part importante de l’activité de l’entreprise, outre la découpe de béton le carottage.
Le travail s’apprend, pas le savoir-vivre
L’entreprise compte 90 salariés dont plus des deux tiers interviennent sur les chantiers, par équipes de deux ou trois, le plus souvent.
En perpétuelle croissance (le chiffre d’affaires, de 9,1 M€ en 2021, devrait atteindre 11 M€ en 2022), l’entreprise embauche sans cesse. Mais si cette activité nécessite des compétences, le choix des candidats ne repose pas prioritairement sur ce critère.
“Nous n’avons pas d’a priori. L’intérim est un volet important de recrutement pour l’entreprise qui emploie en permanence entre 20 et 30 travailleurs intérimaires. Souvent ceux-ci sont embauchés après 6 mois à un an d’activité, mais dans la grande majorité des cas, nous recrutons surtout selon le savoir-vivre et le savoir-être des candidats”, signale Grégoire Pierson, le gérant de l’entreprise.
Chacun peut choisir sa spécialisation, dans la limite de ses aptitudes. Un cordiste devra obligatoirement avoir de vraies capacités athlétiques. “Dans tous les cas, nous essayons de développer leurs compétences
afin qu’ils s’intéressent et maîtrisent d’autres activités. C’est enrichissant pour eux et comme les équipes peuvent se croiser sur un enchaînement de tâches sur un même chantier, ils peuvent ainsi appréhender les difficultés rencontrées par une autre équipe”, explique le patron. Les spécialisations nécessitent
des techniques précises, la formation d’un bon “compagnon” nécessite donc entre deux et trois ans d’apprentissage.
Santé et sécurité : la prévention au sens large
“Il ne faut pas s’y tromper, ajoute le gérant, le métier est difficile et s’effectue souvent dans des conditions difficiles, que ce soit : en intérieur, dans des lieux confinés, ou en extérieur en raison des conditions météorologiques aléatoires ou parce que le travail s’effectue en hauteur. Il y a aussi beaucoup
de manutention”. Face aux risques d’accidents, les moyens de prévention commencent par le port des
équipements de protection individuelle (EPI), comme les lunettes ou masques de sécurité lors de l’usage des disqueuses, en raison des risques d’éclats dans les yeux. Les salariés participent eux-mêmes au
choix des EPI car il est essentiel qu’ils se les approprient. Le danger peut aussi provenir de l’usage d’outils mécaniques lourds et encombrants pas faciles à manipuler, comme les foreuses. Les accidents potentiels ne sont pas les seuls à requérir l’attention dans l’entreprise. Les impacts à long terme, comme
les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont également considérés avec rigueur. À cette fin, l’entreprise ROC Confortation s’est rapprochée d’un organisme de kinésithérapie spécialisé dans le bien-être au travail. En plusieurs modules de formation, chacun des salariés bénéficie, pendant deux ans, d’un suivi par des kinésithérapeutes pour limiter les incidences de son activité sur sa santé quel que soit son poste de travail. Plus globalement, dans le cadre de sa stratégie de prévention des risques, l’entreprise est accompagnée depuis une dizaine d’années par un partenaire extérieur qui l’aide dans la rédaction et la mise à jour de son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Sur cette base, l’entreprise déploie régulièrement des actions permettant d’améliorer la sécurité sur les chantiers. “La difficulté, mais aussi l’intérêt des activités spécifiques de l’entreprise, reconnaît Grégoire Pierson, est qu’il n’y a pas un chantier identique à un autre. Il est donc difficile de mettre au point et de rédiger des procédures pour encadrer les activités sur les chantiers. Toutefois, sur les conseils de l’intervenant en prévention des risques professionnels, auquel nous faisons appel depuis plusieurs années, nous avons
développé une politique de formation dynamique.”
En raison de ses activités de BTP spécifiques, l’entreprise utilise de multiples engins et outils mécaniques. “Chacun des salariés intervenant sur les chantiers, est détenteur de trois à six CACES ! Plusieurs formations à la conduite en sécurité sont réalisées en interne, de manière à ce qu’elles soient plus concrètes et qu’elles correspondent à nos besoins”, souligne le gérant. C’est un conducteur de travaux, intéressé par les formations, qui organise les sessions liées aux CACES. Ces sessions se limitent néanmoins aux formations les plus accessibles, comme celle liée à l’utilisation de la mini-pelle. En revanche, pour les formations les plus compliquées et nécessitant le plus d’expérience (nacelles, foreuses…), elles restent réalisées à l’extérieur de l’entreprise.
En ajoutant à cela les formations recyclage cordiste et autres formations SST, Grégoire Pierson estime à deux ou trois semaines la durée des formations pour chaque ouvrier de l’entreprise, chaque année. “C’est compliqué à gérer en termes d’organisation et c’est relativement onéreux d’autant plus que, pour les entreprises de plus de 50 salariés, les aides se font rares, d’où l’intérêt au-delà de la spécificité de notre activité de réaliser les formations en interne.”
Pourtant, l’entreprise ne s’autorise aucun manquement. Sur les chantiers, il y a au moins un salarié formé SST, dans chaque équipe. Cela exige de la rigueur car l’entreprise se développe continuellement : les ouvriers deviennent à leur tour chef d’équipe si bien que les groupes d’intervention évoluent fréquemment. La présence d’un salarié SST est donc un paramètre de plus à prendre en compte.
Optimiser les compétences de chacun
La promotion en interne, à tous les échelons, est une autre facette du bien-être au travail promu par l’entreprise. Le gérant est convaincu des bienfaits de cette politique : “Pour qu’un salarié soit positif et constructif, quand il vient au travail le matin, il faut qu’il adhère au projet d’entreprise en sachant qu’il aura des perspectives, selon ses compétences.”
Aujourd’hui, la majeure partie des conducteurs de travaux sont des ouvriers qui ont débuté sans qualification dans l’entreprise. C’est aussi un ouvrier à fort potentiel, embauché dans l’entreprise cinq ans auparavant, qui a été nommé responsable de l’agence créée en région parisienne.
Cette politique de valorisation des compétences est répandue dans tous les domaines, même les plus inattendus. Ainsi, c’est un ancien ouvrier qui s’est vu proposer le poste de cuisinier du restaurant d’entreprise, récemment créé. Une manière pour lui de réaliser son rêve et pour l’entreprise d’optimiser ses compétences.
Stéphane Chabrier