Le risque routier reste la première cause de mortalité au travail. Toute aussi alarmante soit-elle, cette réalité n’en demeure pas moins méconnue par les chefs d’entreprise, dans les TPE et PME, en particulier, et des efforts d’information et de sensibilisation des salariés s’imposent.
Les Journées de la sécurité routière au travail, organisées du 9 au 13 mai 2022 par la Sécurité Routière, ont permis après des mois d’occultation par les impacts de la crise sanitaire de remettre le problème du risque routier sur le devant de la scène, quant à l’indispensable politique de prévention des risques des entreprises. Les accidents de la route représentent chaque année près de 4 millions de journées de travail perdues pour les entreprises. Pour la seule année 2020, malgré la baisse de la circulation (donc des déplacements professionnels) due aux confinements, 356 personnes sont décédées dans un accident de la route lié au travail. Malgré une baisse (de 12 %, depuis 2019), les accidents de la route représentent près d’un tiers des accidents mortels dans le cadre du travail, en mission ou sur le trajet domicile-travail.
Comportements dangereux
La 7e édition de l’étude annuelle de l’assureur MMA(1), révèle cette année une recrudescence des comportements à risque, au volant. Si 42% des salariés interrogés sont amenés à conduire dans le cadre de leurs déplacements professionnels, une large majorité (82 %) admet avoir, au moins occasionnellement, un comportement à risque. Parmi les comportements dangereux sur la route, le non-respect des limitations de vitesse est le plus répandu (pour 71 % des salariés fautifs). Dans plus de la moitié des cas, le conducteur reconnaît que ces infractions sont plus fréquentes depuis la mise en place des nouvelles limitations de vitesse (30 km/h en ville ou 80 km/h sur certaines routes hors agglomération). Viennent ensuite : l’utilisation du téléphone en conduisant (52 %), la somnolence au volant (32 %), le non-respect des règles de priorité (28 %) et la conduite après consommation de plus de deux verres d’alcool (18 %). Résultat ? Près d’un actif sur deux (49 %) indique avoir “manqué de peu d’avoir un accident”, lors d’un trajet professionnel au cours des cinq dernières années. Ils n’étaient que 43 % un an plus tôt. Dans les cas d’accidents, le manque d’attention demeure la principale cause avouée par les actifs concernés même si cette cause affiche une forte décrue. À l’inverse, la faute de conduite du type refus de priorité, non-respect d’un stop ou d’un feu de signalisation remonte fortement parmi les causes d’accidents (à peine en deçà du niveau de 2015, année de la première édition de l’étude).
Un risque sous-estimé par les dirigeants
Tout aussi inquiétant que les comportements inadaptés, l’étude révèle également que seul un tiers des actifs effectuant des missions véhiculées identifient le risque routier professionnel comme la première cause d’accidents mortels au travail. Pire, ce chiffre ne dépasse pas 17 % pour les chefs d’entreprise. Une majorité d’entre eux (59 %) s’estiment néanmoins suffisamment informés sur les enjeux et les règles relatifs au risque routier en entreprise. Ainsi, près des deux tiers des dirigeants (65 %) savent qu’ils peuvent être tenus pour responsables lorsqu’un de leurs salariés est impliqué dans un accident survenu dans le cadre de son activité professionnelle, en mission. Cette part augmente avec la taille de l’entreprise. En revanche, ils ne sont plus que 43 % à avoir conscience que leur responsabilité peut aussi être engagée en cas d’accident d’un salarié sur le trajet domicile-travail (de 40 % dans les entreprises de moins de 10 salariés à 65 % dans les entreprises de 50 à 250 salariés).Pourtant, le risque routier en mission représente en moyenne en France 0,71 accident pour mille salariés, alors que sur le trajet entre le domicile et le travail il représente en moyenne 2,12 accidents pour mille salariés.
Stéphane Chabrier
(1) Étude Ifop : “Les professionnels et la route : quelle connaissance du risque routier ?”, réalisée (en avril 2022) auprès d’un échantillon de 251 dirigeants représentatifs des entreprises françaises de 1 à 1 000 salariés et de 501 personnes effectuant des déplacements professionnels au moins une fois par mois.
4 axes de prévention du risque routier des salariés en mission
Agir sur le seul comportement des salariés ne saurait constituer une véritable politique de prévention du risque routier. Comme le précise l’INRS (1), il convient de mettre en place de bonnes pratiques à l’échelle de l’entreprise tout entière.
1. Améliorer le management des déplacements
“La première mesure de prévention consiste d’abord à s’interroger sur la nécessité de prendre la route. Réduire de 10 % les déplacements routiers des collaborateurs réduit d’autant le risque d’accident.” Les experts suggèrent ainsi de recourir à des solutions techniques telles que les audioconférences, les visioconférences, Internet et l’intranet qui permettent de travailler à distance. Avec, à la clef de substantielles économies de temps, d’argent et d’énergie.
Autre possibilité trop souvent négligée : le recours aux transports en commun ou les formules mixtes combinant l’avion ou le train avec la location de véhicules plutôt que le “tout automobile”. Enfin, lorsque le déplacement routier est inévitable, il est recommandé de les gérer avec le même soin qu’une tâche professionnelle. “Leur planification doit être compatible avec le respect du Code de la route : par exemple, en ne faisant pas peser de contraintes horaires trop lourdes sur les conducteurs, en incluant des temps de pause, ou encore en anticipant sur les difficultés de circulation”.
2. Améliorer le management du parc de véhicules
La sécurité dépend aussi grandement de l’état des véhicules. “Les véhicules doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par l’entreprise. Un carnet d’observations doit être affecté à chaque véhicule pour garantir le suivi de la maintenance”, rappellent les experts. Ils soulignent aussi que “les équipements de sécurité et de confort permettent d’éviter des accidents ou d’en réduire la gravité : ABS, airbags conducteurs et passagers, climatisation, direction assistée, équipement d’assistance électronique à la conduite, commande de la radio au volant, limiteur de vitesse, système d’aide à la navigation, pneus neige, témoin de pression, bandes réfléchissantes, indicateur de gabarit, témoin de surcharge du véhicule…” De façon plus globale, ils insistent sur le choix de véhicules adaptés à leur usage : une berline n’est pas destinée au transport de charges, fut-il occasionnel…
3. Améliorer le management des communications
L’usage du téléphone au volant est aujourd’hui l’une des principales causes d’accidents de la route. “Le protocole de communication instauré par l’entreprise doit préciser certaines règles d’usage du téléphone en mission. De nombreuses entreprises ont défini des règlements intérieurs n’autorisant pas l’usage du téléphone portable pendant la conduite.” Mais ces initiatives de nature réglementaires rappelant que le Code de la route interdit le téléphone au volant – y compris avec une oreillette – doivent être complétées par une organisation globale visant à réduire la nécessité de communiquer pendant les déplacements.
4. Améliorer le management des compétences
“Le permis de conduire B permet à des conducteurs non professionnels de conduire tout véhicule d’entreprise, jusqu’à 3,5 tonnes, y compris un véhicule affecté au transport régulier de personnes jusqu’à 8 salariés. Du point de vue de la prévention, cette situation n’est pas satisfaisante”, déplorent les experts. Ils suggèrent ainsi de recourir aux nombreuses formations spécifiques permettant d’améliorer les compétences de conduite des salariés amenés à beaucoup circuler dans le cadre de leur mission même s’ils ne sont pas, à proprement parler, des conducteurs professionnels.
(1) Brochure “Le risque routier en mission” (ED 6329), téléchargeable sur www.inrs.fr.