Risque routier : Comment combattre la dégradation des comportements au volant ?

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Vitesse, téléphone au volant, somnolence… Aucune amélioration des comportements dangereux sur la route ne semble poindre à l’horizon. C’est ce qu’il ressort de l’étude de ces comportements sur la dernière décennie. Si le combat contre l’insécurité routière n’est pas encore perdu, il faut peut-être envisager de revenir aux fondamentaux et dans les entreprises, les patrons et les managers peuvent sans doute y contribuer.

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A l’occasion des journées de la sécurité routière au travail (du 27 au 31 mai 2024), l’assureur MMA a publié son étude annuelle sur le risque routier professionnel. Cette dixième édition était l’occasion de faire un bilan et force est de constater que les résultats sont alarmants, Guillaume Wirth, en charge de la prévention des risques routiers chez MMA déclarant : « Malheureusement, nous ne constatons aucune amélioration en une décennie. Au contraire, les comportements se dégradent ».


En effet, la seule information selon laquelle le risque routier est la première cause d’accidents mortels au travail n’est connue que de 28% des actifs interrogés (effectuant des déplacements professionnels au moins une fois par mois), alors qu’ils étaient 35% en 2015.


Revenir aux fondamentaux : l’éducation


Pour Antoine Ruiz, consultant sécurité routière, il faut y voir une forme de déni : « Les français ont bien conscience qu’ils sont confrontés à des mauvais comportements routiers au volant mais ce sont toujours les autres qui en sont coupables. A l’échelle européenne, une étude dans une dizaine de pays l’a confirmé. La France est le seul pays où le premier danger perçu par les conducteurs, ce sont les autres. Ailleurs, les personnes interrogées avaient la lucidité en premier lieu de se désigner eux-mêmes comme conducteur dangereux, lorsqu’ils avaient bu de l’alcool, lorsqu’ils roulaient trop vite, etc. ».


Les campagnes de sensibilisation sont pourtant régulières sur le sujet mais leur impact semble limité. « C’est logique, reprend Antoine Ruiz. Informer les gens ne fait pas changer les opinions ni les comportements. C’est un problème d’éducation. Si on veut amorcer un vrai changement de mentalité, il faut revoir l’éducation sur le long terme. Cela prend du temps ».


Dans le cadre du monde professionnel, on peut dès lors craindre que cela signifie que la génération d’actifs actuelle est une génération perdue sur le plan des comportements routiers. Concernant les plus de 50 ans, en particulier, Antoine Ruiz en convient, il est en effet très difficile de leur faire changer de comportement car après 30 ou 40 ans de conduite derrière soi, ceux-ci se sont forgés leurs propres certitudes, à moins qu’ils aient reçu socialement des compétences pour se remettre en question. « En tant que consultant auprès
des entreprises je le vois, l’éducation peut
se prolonger en entreprise. L’entreprise est
le dernier rempart, si j’ose dire, en termes
d’éducation routière en particulier. Dans les
entreprises qui ont fait le choix de placer les
actions de sensibilisation et les formations
au centre de leur stratégie de prévention,
je rencontre souvent un public qui conduit
déjà depuis des dizaines d’années mais qui a
entrepris ce travail sur soi parce qu’ils sont
confrontés régulièrement à des épreuves
pratiques, aux discours argumentés et à l’expertise
d’animateurs qui ont permis d’écrouler
des certitudes et ce public là, en particulier,
est prêt à se remettre en question. Or,
se remettre en question, arrêter de pointer
du doigt les autres et trouver des marges de
progrès en soi c’est la première qualité du
bon conducteur ».


Cet accès à la pédagogie n’est pas réservé
aux entreprises qui ont les moyens de proposer
à leurs salariés ces formations et plus
globalement ces contacts qui vont les aider
à se remettre en question. C’est ainsi au patron
et au management d’être les éléments
moteurs de cette culture de prévention
dans les entreprises. « Dès lors que les patrons
et les managers sont convaincus que la
prévention n’entre pas en concurrence avec
la production, de l’entreprise, on peut faire
évoluer les mentalités », souligne Antoine
Ruiz.


Et demain : quelle voiture pour quel conducteur ?


Il est urgent de faire changer les mentalités,
car certains comportements dangereux
au volant se dégradent.


C’est le cas notamment de l’utilisation du
téléphone au volant. En 2024, 8 actifs sur
10 déclarent recevoir lorsqu’ils travaillent
des appels au volant et 74% en passent également,
des chiffres en forte hausse comparés
à ceux de 2015 (respectivement 73%
et 60%). Quant au droit à la déconnexion,
seuls 38 % des actifs signalent que leur
entreprise étend ce droit à leurs déplacements
professionnels.


D’autres usages dangereux comme la lecture
et l’envoi de SMS ou de mail se développent
aussi, de sorte que 25% des actifs
considèrent leur voiture comme un deuxième
bureau, aidés ils le reconnaissent
par la multiplication des outils d’aide à
la conduite : GPS, régulateur de vitesse,
avertisseur de zones dangereuses, de franchissement
des lignes ou de radars, applications
mobiles…


Tous ces dispositifs devraient contribuer
à une conduite plus sereine, pourtant
d’autres comportements dangereux
continuent à se développer, comme la
somnolence au volant, avec des conducteurs
plus nombreux à rouler, au-delà de
deux heures, sans faire de pause ou rouler
au-dessus des limitations de la vitesse lors
des trajets professionnels. Sept actifs sur
dix reconnaissent s’y laisser aller et la fréquence
de l’adoption de ce mauvais comportement
augmente.


La limitation des conversations téléphoniques
au volant « aux cas d’urgence » ou le
refus des dépassements des vitesses autorisées
sont poutant des mesures comprises
parmi les 7 engagements de la charte pour
une route plus sure signée par plus de 3000
entreprises et administrations (représentant
un total de 4,8 millions de salariés).
Faut-il craindre que le combat soit perdu
sur ces deux comportements dangereux,
en particulier ? En se rendant dans les entreprises,
Antoine Ruiz constate en effet
que certains patrons ne sont plus aussi intransigeants
qu’il y a quelques années sur
l’interdiction du téléphone au volant, face
notamment à « l’illusion que le kit mains libres
serait un dispositif plus sûr qu’un téléphone
à la main ».


De là à considérer que la solution à ces
problèmes de comportements dangereux
au volant viendra peut-être de la voiture
autonome, il n’y a qu’un pas. Antoine Ruiz
y met un bémol : « Pour que la voiture autonome
soit la solution au problème, il faut
envisager la voiture autonome de niveau 5
[NDLR : niveau de conduite entièrement
automatisée, ne nécéssitant même plus
la surveillance d’une personne à bord],
soit une voiture qui ne sera pas accessible
au grand public avant une ou deux décennies
».


Au final, c’est donc bien d’un changement
des mentalités que la situation pourra évoluer
favorablement, selon Antoine Ruiz :
« Il faut provoquer une prise de conscience,
celle que conduire est un acte qui nécessite
entièrement l’attention du conducteur. Mais
tant que l’éducation ne sera pas rigoureuse
sur ce sujet, dès le plus jeune âge, on ne parviendra
pas à changer les mentalités ».


Stéphane Chabrier

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