Renaître des flammes : les conseils d’un restaurateur sinistré

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À Mercuer, un village ardéchois à proximité d’Aubenas, Benoît Court a vécu une expérience traumatisante : la destruction, du fait d’un incendie, de son restaurant. Deux ans après, son établissement vient de rouvrir et comme promis, le gérant n’a pas lésiné sur les dispositifs de sécurité pour prévenir les risques, faisant de son hôtel-restaurant un établissement modèle en la matière.

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En février 2023, nous avions déjà rencontré Benoît Court, gérant de l’hôtel-restaurant « Aux vieux arceaux » (1). Il avait bien voulu évoquer l’incendie qui s’était déclenché dans l’espace administratif de son restaurant et qui avait fini par ravager son établissement malgré sa tentative d’intervention.

Deux ans après le sinistre, le gérant a procédé à la rouverture du restaurant, ainsi que de l’hôtel, le 7 mai 2024, 25 mois après que le restaurant soit parti en fumée. Entretemps, Benoît Court a vécu deux ans de doutes pendant la reconstruction de son restaurant malgré les difficultés administratives, mais avec une détermination sans faille pour que cette renaissance s’effectue selon les normes, les dispositifs et les matériaux les plus sûrs.


Retour à des matériaux traditionnels

Pour la reconstruction de son restaurant, le gérant avait prévenu, on ne l’y reprendrait plus. Les panneaux frigorifiques en mousse polyuréthane ont été remplacés par des cloisons en plâtre Placo et c’est de la laine de verre qui a été choisi pour l’isolation. Benoît Court est satisfait de ce choix qui marque un retour à des matériaux plus traditionnels, d’autant qu’il sont moins onéreux que les matériaux précédents, notamment les panneaux en polyuréthane qui étaient initialement installés mais dont la combustion s’était avérée une véritable « calamité » pour les pompiers lorsqu’il avait fallu éteindre l’incendie.
L’isolant de la charpente qui a été entièrement refaite a également changé. C’est aussi de la laine de verre qui a été choisie.

« Elle se consume avec la chaleur mais elle ne prend pas feu », prévient le gérant.
À L’origine, l’incendie qui s’était déclenché dans l’espace administratif s’était répandu dans tout le restaurant, y compris dans la salle à manger située à l’étage, via le monte-charge. Celui-ci a également fait l’objet d’une modification essentielle. « La gaine du monte-charge, le bâti donc, est entièrement refaite hermétiquement en béton. Dès lors, si le feu s’y engouffre il sera emprisonné à l’intérieur. De plus, il ne pourra pas atteindre le toit puisque la gaine est recouverte comme au sol d’une dalle elle-aussi en béton ».

Un ré-aménagement scrupuleusement étudié


« Les portes du monte-charge ne peuvent pas rester ouvertes. Elles se ferment automatiquement, comme les portes coupe-feu qui ont toutes été remplacées, signale aussi Benoît Court. D’autres ont été ajoutées pour limiter les zones de risque. Toutes les zones ou pièces où il y a du stockage, ont dû être isolées les unes des autres de manière, en cas de départ d’incendie, que le feu soit confiné dans une seule zone sans risquer de déborder sur une autre, y compris la cave à vins. Il y a forcément un surcoût mais c’était une demande initiale des bureaux de contrôle ».


Ainsi, le restaurant a été scrupuleusement réaménagé en fonction des risques éventuels. « Nous avons enlevé tous les obstacles, comme des portes sans grande utilité ou des meubles de décoration qui pouvaient gêner en cas d’évacuation. Les zones de passage, couloirs compris, sont d’une largeur minimum de 140 cm et de 100 cm pour les portes ». Ces ajustements ne sont pas uniquement liés aux risques d’incendie mais également pour favoriser les déplacements des clients ou des salariés handicapés en fauteuil roulant. Le but est qu’une personne à mobilité réduite (PMR) doit pouvoir accéder comme les autres à l’ensemble de l’établissement qui s’étend sur quatre niveaux.


« Il ne doit y avoir aucune discrimination à ce niveau-là dans l’établissement. Nous avons revu les hauteurs des poignées de portes, des interrupteurs, des vasques dans les toilettes,etc. Nous avons également fait installer un élévateur PMR à côté de l’escalier de l’entrée du restaurant ». Le gérant a aussi informé ses salariés de toutes ces obligations vis-à-vis des personnes à mobilité réduite pour qu’ils sachent les accueillir au mieux et faciliter leur évacuation, si nécessaire.


L’établissement a rouvert avec un effectif de quatre personnes pour les trois activités : restaurant, traiteur et hôtel et le gérant compte bien les impliquer dans la prévention du risque incendie, mais pas seulement. « Chaque salarié bénéficiera d’une formation incendie. Je précise bien chaque salarié car le problème actuellement en France c’est qu’une entreprise est certes tenue de faire une formation, mais elle concerne l’entreprise alors qu’elle devrait concerner chaque salarié nominativement. Je souhaite aussi financer une formation aux premiers secours ».


A l’extérieur, il y a désormais quatre installations Robinet Incendie Armé (RIA) autour du restaurant. A l’époque du sinistre, il en existait qu’une seule au niveau de l’hôtel. Or, les pompiers avaient indiqué à Benoît Court qu’une installation de ce type aurait sans doute permis de sauver le restaurant. Désormais, quel que soit le RIA utilisé, les pompiers pourraient atteindre le milieu du restaurant, sans être à court de tuyau.

Un établissement modèle

L’installation électrique a été entièrement refaite. Elle bénéficie de davantage de dispositifs de coupure générale. Idem pour l’alarme à incendie, ajoute Benoît Court. « Quelle soit automatique ou manuelle, l’alarme retentit dans tout l’établissement. Le dispositif va au-delà du niveau réglementaire nécessaire, avec également une alarme qui prévient via les téléphones portables ».


Malgré son niveau d’accueil qui désigne l’hôtel-restaurant en catégorie d’établissement recevant du public (ERP) de niveau 3 (le niveau est défini selon la capacité d’accueil), l’établissement a été classé au niveau 4 pour l’application du règlement incendie.


Ce classement, demandé par le gérant après en avoir discuté avec les pompiers, a été validé par la Commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (CCDSA), présidée par le préfet. Elle a contrôlé l’établissement et en particulier le respect de la réglementation en matière de sécurité incendie, de panique et d’accessibilité. « Ce passage implique un surcoût qui a été pris en charge par l’assureur dans le cadre de son obligation de remise en conformité de l’établissement. Il doit livrer l’établissement à l’identique, conformément au contrat, plus la remise en conformité qui peut concerner le risque d’incendie mais aussi les gaz frigorifiques, les normes électriques, etc. »


Lien resserrés avec les pompiers


Conscient que le risque zéro n’existe pas, Benoît Court est satisfait au final d’avoir pu mettre en place un dispositif de prévention des risques extrêmement scrupuleux et cohérent qui fait de son établissement un modèle du genre. Le gérant est désormais en contact avec les pompiers afin de recevoir les jeunes sapeurs-pompiers (JSP), futurs pompiers volontaires. Ils feront des séances de formation dans l’établissement pour étudier les plans de prévention mis en place, pour prendre connaissance des différents systèmes d’alerte et de prévention des risques et les voir dans la configuration du bâtiment. Ils étudieront aussi comment y intervenir en cas d’incendie.


Stéphane Chabrier


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