Du bûcheronnage, en amont de la filière, aux travaux d’aménagement et de construction en bois, en passant par les activités de transformation, une multitude d’activités repose sur l’utilisation de ce matériau naturel. Si les conditions de travail sont parfois difficiles, une valorisation de ces activités est nécessaire et la question de la prévention des risques est inhérente à cette valorisation. Il en va de l’attractivité des métiers de la filière.
La forêt française occupe un tiers du territoire national. Publiée par les deux organisations interprofessionnelles FBF (France Bois Forêt) et FBIE (France Bois Industries Entreprises), la plaquette “Forêt & Bois – Une filière d’avenir pour la France”, souligne toutefois que “la forêt française accumule du bois sur pieds. Sa sous-exploitation témoigne d’un manque de dynamisme qui influe sur son renouvellement… Il est donc indispensable de créer les conditions favorables à l’investissement en forêt”. Afin d’optimiser la production de bois, de qualité, la filière a pour objectif de planter et régénérer 50 000 hectares d’essences adaptées par an et d’améliorer les peuplements en diversité et en densité, à hauteur de 60 000 hectares par an. Ces objectifs impliquent le soutien de la filière en tant que modèle d’économie circulaire compétitive et vertueuse.
Si la filière forêt-bois génère, de l’amont à l’aval 60 Md€ de chiffre d’affaires et emploie directement et indirectement 375 000 personnes (+ 3%, par rapport à 2020) elle reste principalement dépendante du secteur de la construction. Suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui “avait fortement impacté le secteur de la construction suite à l’arrêt brutal des chantiers, analyse la société d’assurance crédit pour les entreprises Coface, la reprise économique globale, accompagnée d’une reprise des chantiers privés et de la construction d’infrastructures publiques tirée par les plans de relance, ont entraîné une explosion de la demande de bois, menaçant alors le secteur d’une pénurie”.
200 millions d’euros ont été accordés pour accompagner la filière, dans le cadre du plan France Relance. Une première enveloppe de 16,7 millions d’euros a permis de soutenir une cinquantaine de projets d’investissement matériel pour les industries de la transformation du bois. Un autre appel à projets : “Industrialisation de produits et systèmes constructifs bois et autres biosourcés” accompagne, sur le territoire national, le déploiement de projets industriels de la première et de la seconde transformation du bois pour le secteur de la construction.
Développement inégal de la filière
La construction bois prend son envol et des entreprises du secteur du BTP se spécialisent sur ce type de constructions. Selon le Codifab (Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois), 2 100 entreprises seraient ainsi spécialisées en France sur la construction bois (un tiers des emplois de la filière), c’est-à-dire du gros œuvre : planchers, murs et dispositif poteau poutre. Si leur taille reste modeste, de type TPE ou PME, elles sont en général, avec une vingtaine ou une trentaine de salariés, un peu mieux structurées que les seules entreprises de menuiserie et de charpenterie.
Déjà, en 2015, un Rapport parlementaire, pour une meilleure valorisation économique de la filière bois-forêt en France, pointait du doigt les inégalités entre les difficultés de développement de la filière, en amont, et ses impacts sur les activités industrielles et de construction, en aval :
– Gestion forestière morcelée et peu dynamique, entraînant une insuffisante mobilisation de la ressource et une déconnexion avec les besoins de l’aval industriel,
– Exploitation de la matière souffrant des faibles performances des entreprises de la première transformation du bois et handicapant le bon fonctionnement de la chaîne de valeur de la filière,
– Développement de conflits d’usage du bois, en raison de la multiplicité des débouchés industriels et de la rareté de la ressource disponible.
Ainsi, malgré la forte progression de la demande et au-delà de l’approvisionnement et des hausses récentes du coût du matériau, il y a des difficultés de recrutement. Des activités de sylviculture à la première transformation du bois, les entreprises sont confrontées à l’enjeu du renouvellement d’une main-d’œuvre vieillissante pour des emplois non délocalisables. L’Observatoire des métiers de la filière forêt-bois prévoyait plus généralement pour l’année en cours entre 77 000 et 94 000 recrutements,
mais les deux tiers des employeurs jugent ces embauches difficiles.
Revaloriser la filière forêt-bois
Les métiers du secteur souffrent d’une mauvaise image à l’instar de tous les métiers manuels auxquels on accède non pas par une filière générale mais par un Bac Pro ou un CAP. Ils souffrent d’un manque de valorisation. Le rapport parlementaire prenait l’exemple des scieries qui peinent à recruter de la main-d’œuvre qualifiée, notamment parce que les formations professionnelles actuelles ne sont pas parvenues
à rester attractives. Dès lors, il recommandait de compléter l’offre des formations initiales et continues et de stimuler l’attrait de celles-ci, en développant les partenariats éducatifs dans les régions forestières, en
améliorant l’orientation professionnelle ou en développant l’apprentissage. L’OPPBTP précise que le compagnonnage peut contribuer à revaloriser la filière, en tant que véritable outil d’éducation, de formation mais aussi de promotion sociale permettant de former des professionnels qualifiés alors
que, dans la filière, deux salariés sur trois sont des ouvriers.
La médiatisation de quelques grands chantiers comme ceux de la Tour Hypérion, à Bordeaux, ou Notre-Dame, à Paris, véhiculent une nouvelle image plus valorisante de la construction bois, pour tous les métiers qui interviennent sur ces chantiers. Mais les projecteurs braqués sur ceux-ci, obligent aussi la filière à une certaine responsabilisation sur le plan environnemental et du point de vue des conditions de travail..
Santé et sécurité : un enjeu pour toute la filière
Si les conditions de travail apparaissent comme un frein pour l’attractivité des métiers de la filière forêt-bois, elles s’améliorent néanmoins dans les entreprises. Face aux chutes, aux risques musculosquelettiques et autres poussières de bois, etc., des solutions collectives ou individuelles sont mises en place par les employeurs pour prévenir les dangers sur la santé et la sécurité des travailleurs de la filière. Il est toutefois plus aisé d’apporter des réponses concrètes sur les sites d’entreprises ou les chantiers de construction que sur des sites d’abattage et de débardage du bois, sur des terrains non stabilisés et parfois difficiles d’accès. Pour développer une politique cohérente et responsable de prévention des risques, et en raison de la diversité des risques rencontrés, une évaluation rigoureuse des dangers et la description des mesures nécessaires pour les maîtriser sont indispensables.
Cette rigueur contribue à rassurer les salariés voire à améliorer l’attractivité vers les nombreux métiers de la filière. Mais les employeurs de la multitude de PME et de TPE de la filière n’ont pas toujours ni le temps ni les compétences pour effectuer ce travail d’évaluation et planifier les mesures de prévention. Solliciter un intervenant en prévention des risques professionnels pourra les aider dans leur démarche et lui permettre de se concentrer sur la productivité de leur entreprise dans une filière appelée à se développer.
Stéphane Chabrier