Les travaux agricoles et la réparation des matériels constituent les deux volets de l’activité de la PME familiale Menanteau, implantée en Vendée. Pour sécuriser ces deux contextes de travail distincts, l’entreprise consciente des enjeux s’est fait accompagner par un préventeur extérieur.
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Une dizaine de mètres en longueur, près de quatre mètres de large et autant en hauteur : le gabarit d’une moissonneuse a de quoi impressionner. Mais l’accroissement des cotes n’est pas la seule inflation enregistrée sur les engins agricoles, ces dernières années. Ils sont également devenus plus complexes en raison de la technologie embarquée. En Vendée, l’entreprise Menanteau en a pris la mesure grâce à sa double activité. Deux tiers concernent des travaux agricoles qu’elle exécute pour le compte d’autrui au sein des exploitations de la région. Le tiers restant se déroule sur son site de Sainte-Florence où elle pratique la réparation de ces machines dans son atelier.
En ce qui concerne les risques professionnels, l’entreprise doit faire face à deux réalités distinctes. D’une part des salariés qui exercent leur mission hors de l’entreprise, sur des exploitations où ils sont parfois isolés. D’autre part, des travailleurs qui manipulent des outils et des machines au sein de l’atelier. Dans les deux cas, il existe un risque de blessure en raison des propriétés mécaniques des engins agricoles, qui tournent, coupent, etc. « Leur utilisation est aussi de plus en plus variée dans l’année », précise Laurent Menanteau, gérant depuis 2008 de l’entreprise. Ainsi, les ouvriers alternent, selon les périodes, entre : des charrues, des semoirs, des ensileuses, des moissonneuses… Ce qui implique de former les salariés à l’utilisation des différents matériels afin d’éviter des erreurs potentiellement dangereuses.
Des rappels répétés
Il convient de faire régulièrement « des piqûres de rappel » mais elles ne sont pas identiques pour tous les travailleurs. Certains en effet répètent toujours les mêmes missions alors que d’autres sont polyvalents. « Ce ne sont pas les mêmes risques, observe Laurent Menanteau. Les “mono-tâches” en oublieraient presque le risque alors qu’aux multitâches, il faut rappeler régulièrement les changements de risque. » Autrement dit, les uns pêcheraient par excès de confiance en soi, les autres par méconnaissance des dangers. Un biais renforcé par les capacités des machines agricoles. Désormais bardées de capteurs, de caméras, elles sont devenues plus faciles d’utilisation, plus sûres qu’auparavant. « De la cabine, on ne voit pas tout, même s’il y a des caméras qui sont pertinentes », tempère cependant ce spécialiste.
Par ailleurs, le risque ne se limite pas à l’interaction entre l’opérateur et sa propre machine. « Il peut arriver qu’on soit chez des gros clients à deux moissonneuses dans le même champ. Quand on conduit à plusieurs dans le même champ, il faut donc penser à soi mais aussi aux autres parce qu’il y a les angles morts, la largeur, l’espace devant et derrière. » La maîtrise des risques professionnels se heurte ici à un effet générationnel. Le recrutement ne se cantonne plus, comme autrefois, aux familles d’agriculteurs et les candidats, pour certains, n’ont jamais travaillé dans ce secteur. « Autrefois, les enfants d’agriculteurs conduisaient le petit tracteur de la ferme à 8-10 ans et ils évoluaient avec. Maintenant, on arrive à avoir des jeunes de 18 ans qui n’ont aucune expérience », regrette le gérant qui doit mettre à niveau ses nouvelles recrues.
Une inconscience des risques
« C’est beaucoup de répétitions dans la transmission de consignes », reconnaît-il. Un effort qu’il effectue pour ses salariés avant de les envoyer sur les exploitations mais il ne garantit pas l’absence de dérapage.
En témoigne l’accident survenu à un conducteur de moissonneuse-batteuse, en octobre 2024. Un vendredi après-midi, cet ouvrier travaille dans un champ de tournesols lorsqu’un incident l’oblige à descendre de sa cabine pour intervenir sur sa machine. Simple routine pense cet opérateur qui ne prend pas la peine de couper l’alimentation de sa moissonneuse pour gagner du temps et terminer au plus tôt sa semaine de travail. Soudain, sa jambe se trouve happée par la machine et sectionnée à hauteur du genou. L’accident ne sera heureusement pas mortel mais il donnera à réfléchir à tous ses collègues. « Ça les a choqués, évidemment, c’est pour ça que ça les a fait réagir » constate Laurent Menanteau, trop souvent confronté à la croyance que les accidents sont pour les autres et jamais pour soi. Un biais d’excès de confiance que le chef d’entreprise s’efforce de contrer dans une démarche de maîtrise des risques entamée il y a près de dix ans avec l’appui d’un préventeur extérieur délégué par le Groupe Pôle prévention. « Initialement, c’était surtout pour être plus conforme juridiquement, principalement sur le document unique », confie l’entrepreneur qui a mesuré l’apport de ce conseil extérieur : « Avant, je le faisais personnellement mais avec une vision de chauffeur, d’utilisateur. Aujourd’hui, c’est plus une vision juridique. De plus, le fait que le document ne soit pas écrit de ma main impacte davantage les salariés. »
Prévenir le pire
Dans une telle entreprise familiale, le rapport à la règle est en effet une affaire de relations humaines et il n’est pas toujours simple d’obtenir des changements de comportement. D’autant que la pénurie de personnel incite à manier la sanction avec parcimonie. L’intervention du préventeur extérieur a permis de poser un cadre plus formel, moins personnel, au travers du document unique « qui rappelle l’obligation de port des EPI, notamment les combinaisons et les chaussures », évoque le patron. Ses salariés signent désormais un document qui atteste de leur connaissance des EPI, de l’obligation de les porter et d’en vérifier l’entretien. Ce qui rassure le chef d’entreprise et permet par la même occasion de veiller au respect des règles fixées par ses clients. « Chaque salarié a une petite valisette avec un porte-document à l’intérieur. Il y a un tableau récapitulatif des différents EPI, donc combinaisons chaussures, casques, gilets de haute visibilité. Il y a la liste de tous les EPI et, en ordonnée, ce sont les différentes entreprises qui ont des demandes spécifiques. »
Enfin, concernant le smartphone, s’il est utile pour rester en contact avec les salariés, il peut être source de distraction lorsqu’il est utilisé à des fins extraprofessionnelles, notamment. L’entreprise a apposé des autocollants d’avertissement sur chaque engin.
La démarche maîtrise des risques, accompagnée par un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP), s’inscrit ici dans la durée. « Il y a désormais des mises jour en fonction de l’évolution de l’activité, du matériel, du site, et des parties qui sont un peu moins prioritaires », témoigne l’entrepreneur qui s’est appuyé sur la matrice de Pôle Prévention. Son code couleur, vert-jaune-rouge, l’a aidé à identifier des priorités, conscient des efforts qui restent à accomplir. Quant à la méthode pour progresser elle est désormais acquise : « C’est une éternelle remise en question », résume Laurent Menanteau.
Jean-Philippe Arrouet
