Déjà en forte hausse avant la crise de la Covid-19, la livraison à vélo a connu un
nouvel essor avec la fermeture des restaurants et des commerces. Cette pratique,
également liée aux nouveaux modes de vie urbains et à des préoccupations écologiques,
est probablement appelée à s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi des chercheurs
québécois ont réalisé une étude visant à identifier les bonnes pratiques qui permettraient
de prévenir les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs de ce secteur.
Comme on l’imagine, ces risques sont importants. Sur les 208 livreurs interrogés,
26 “déclarent avoir eu un membre fracturé et 18 ont eu besoin de points de suture. Le recours
à une ambulance a été nécessaire 25 fois, et 40 de ces participants déclarent avoir subi un
arrêt de travail”. De nombreux facteurs de risques influent sur la sinistralité : l’état des
vélos, le types de vélo utilisé – les “vélos cargos” seraient plus sûrs car plus visibles -, le
recours à des équipements individuels de protection, l’état des routes…
Toutefois l’un des facteurs clés est le mode de rémunération des livreurs. “Le fait de travailler à
la commission incite généralement les cyclistes à travailler plus vite et donc, à faire moins attention,
voire à enfreindre les règlements”, explique Ugo Lachapelle, professeur au Département
d’études urbaines de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et co-auteur de l’étude.
En effet ce type de rémunération est associé à des comportements à risque : les livreurs
roulent plus vite, travaillent même s’ils sont épuisés, franchissent des intersections sans
s’arrêter, se faufilent parmi les voitures pour s’assurer une meilleure rémunération.
Autre effet de cette course au rendement, les livreurs concernés sont moins enclins à
chosir l’itinéraire le plus sûr : “seuls 28,5 % des professionnels interrogés consentent à effectuer
un détour pour emprunter des rues moins dangereuses”. Enfin, au-delà des accidents, le
statut du travailleur a aussi un effet sur sa santé. Les livreurs n’ayant que rarement le
statut de salarié, certains ont tendance à enchaîner les heures et les missions au-delà du
raisonnable, sans se soucier de l’usure physique.
Est-ce à dire que les conditions de travail des livreurs à vélo ne s’amélioreront pas
significativement tant que le droit du travail ne protégera pas mieux les travailleurs
indépendants ? Les chercheurs se montrent moins pessimistes. “On a constaté que
les nouvelles compagnies, souvent locales, qui utilisent la livraison à vélo semblent avoir
compris que les employés sont importants et qu’on doit assurer leur sécurité”, souligne Ugo
Lachapelle. L’amélioration de la situation des livreurs pourrait ainsi provenir d’entreprises
à taille humaine, soucieuses de se démarquer des pratiques en vigueur dans les grandes
plateformes internationales en embauchant les meilleurs éléments.
Pour aller plus loin : L’étude “La multiplication des services de livraison à vélo et les problèmes de
santé et de sécurité des cyclistes commerciaux” est consultable sur le site de l’Institut de recherche
Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) du Québec : www.irsst.qc.ca