Juridiquement parlant, la prévention des risques professionnels incombe à l’employeur. Article après article, le Code du travail rappelle ses obligations : “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs” ; “L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs”, etc. Le chef d’entreprise est donc, bien évidemment, l’acteur principal de la prévention des risques professionnels.
Toutefois, conscient de l’ampleur et de la complexité de cette tâche, le législateur a prévu que d’autres acteurs, aussi bien internes qu’externes à l’entreprise, concourent à la prévention des risques professionnels. “Employeurs, salariés, représentants du personnel, chargés de prévention, organismes spécialisés… Chacun à son niveau participe à la prévention des risques professionnels. Tout le monde a un rôle à jouer dans la prévention des risques professionnels. Tous les acteurs doivent travailler, communiquer et dialoguer entre eux : c’est un gage de réussite et d’efficacité de la démarche de prévention”, souligne l’INRS.
Voici un tour d’horizon de ces différents acteurs en mesure d’épauler les dirigeants dans leurs actions en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
1. Le salarié désigné compétent pour la protection et la prévention des risques professionnels
L’article L. 4644-1 du Code du travail fait l’obligation aux employeurs de désigner “un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise”.
Analyser les accidents, évaluer les risques et organiser les actions de prévention… Les missions du salarié compétent sont multiples et consistent à épauler le dirigeant dans les actions relevant de son obligation de sécurité. Le Code du travail précise qu’il peut demander à bénéficier de formations pour acquérir les compétences nécessaires pour remplir efficacement son rôle. Le chef d’entreprise peut recruter une personne pouvant être employée à temps partagé avec d’autres employeurs mais, dans tous les cas, il doit octroyer au salarié compétent du temps, des moyens et l’accès aux informations et autres documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Comme l’activité de l’entreprise, sa structure, son organisation ou ses compétences disponibles ne permettent pas toujours de trouver en interne le salarié susceptible d’endosser ce rôle, le chef d’entreprise peut aussi faire le choix de solliciter des compétences extérieures, que ce soient les services de prévention des caisses de Sécurité sociale, les agences régionales de l’Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail (ANACT) ou un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP). Cette dernière option est particulièrement pertinente pour les PME et TPE. Elle permet en effet à l’employeur de bénéficier de l’expertise professionnelle d’un interlocuteur de confiance qui le guidera dans sa démarche de prévention, depuis l’évaluation préalable à la réalisation du DUERP, jusqu’à la mise en place d’un plan d’actions préventives.
En revanche, que l’employeur désigne un salarié compétent au sein de l’entreprise ou qu’il recoure à un expert externe, il reste pleinement titulaire de ses obligations en matière de santé et de sécurité. Comme le souligne Philippe Mège, directeur technique chez Pôle Prévention, “l’IPRP externe, en tant que professionnel de la prévention, fait des propositions qui sont soumises à l’acceptation et à la mise en œuvre effective par l’employeur. La convention liant celui-ci à l’IPRP externe n’a pas pour effet de transférer la responsabilité de l’employeur dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. L’employeur utilise les documents remis sous sa seule responsabilité. Il reste seul responsable de la sécurité dans son établissement.” Et de préciser : “Au-delà de la question de la responsabilité, le recours à l’IPRP externe doit être la marque d’un engagement réel de l’entreprise sur la voie d’une véritable politique de prévention, qui ne peut se pérenniser que par l’implication active de la direction et de tous les salariés dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail.”
2. Les représentants des salariés du Comité social et économique (CSE)
Dans les entreprises de plus de onze salariés, le chef d’entreprise doit aussi s’appuyer sur les représentants du personnel, désormais membres du Comité social et économique (CSE) et sa Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) lorsque celle-ci existe. L’article L4121-3 du Code du travail stipule en effet que, “dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le CSE et son éventuelle CSSCT […] apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise”. La loi exige notamment que le CSE soit consulté sur le document unique et sur ses mises à jour.
Cette association du CSE n’est pas de pure forme car, selon un sondage réalisé lors de la création de cette instance, une large majorité des représentants du personnel plaçaient en tête des sujets à traiter “les conditions de travail” (63 %) et “la santé et les risques psychosociaux” (62 %), loin devant “le management et les rémunérations” (38 %) (1). Plus significatif encore : 68 % des élus du CSE disaient vouloir être formés aux enjeux de sécurité, de santé et de conditions de travail.
Malgré la crainte légitime de voir ces questions devenir conflictuelles, cet intérêt est plutôt une bonne nouvelle. En effet, par leur proximité avec les salariés, les représentants du personnel sont bien placés pour alerter la direction sur l’émergence de problèmes de conditions de travail et pour relayer la politique de prévention de l’entreprise.
Selon une étude de l’ANACT des progrès peuvent toutefois être accomplis pour faire du CSE un véritable acteur de la prévention (2). Les auteurs déplorent en effet que les CSE aient souvent “une approche essentiellement normative en matière d’hygiène et de sécurité : rappel des prescriptions, port des équipements de protection individuelle, formation aux bons comportements”. Un axe d’amélioration important serait “le développement d’approches collectives et préventives intégrant les dimensions liées à l’organisation du travail”. À cette fin, ils recommandent de mieux former les membres du CSE aux enjeux de la prévention des risques et de les associer à l’élaboration et à la mise en oeuvre des objectifs de l’entreprise en la matière. Une chose est sûre, alors que les entreprises sont tenues de développer en leur sein une culture de prévention, le CSE est un acteur à ne surtout pas négliger !
(1) “Les élus du personnel et la mise en place du CSE dans les entreprises”, étude Ifop pour SYNDEX, janvier 2020. (2) “Faire du CSE un levier de l’amélioration des conditions de travail”, Cahier de l’Anact n°3, janvier 2023, librement téléchargeable sur www.anact.fr
3. Les Services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI)
La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a amené à la création d’une offre socle de services que doivent proposer tous les SPSTI à leurs entreprises adhérentes. Elle se répartit en trois missions : “Prévention des risques professionnels”, “Suivi individuel de l’état de santé” et “Prévention de la désinsertion professionnelle et maintien dans l’emploi”.
La première mission des Services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) reste, bien évidemment, d’assurer le suivi individuel régulier de l’état de santé de l’ensemble des salariés au moyen de visites médicales individuelles.
Toutefois, au-delà, le Médecin du travail conseille l’employeur, les travailleurs et les représentants du personnel sur les mesures nécessaires portant sur les risques professionnels, l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail, la prévention de la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail, la prévention du harcèlement moral ou sexuel, la désinsertion professionnelle pour des raisons de santé ou de handicap et le maintien dans l’emploi des travailleurs, les campagnes de vaccination et de dépistage.
Comme le souligne, Jean-Dominique Dewitte, président la Société Française de Médecine du Travail, “le mot-clef de l’action des SPSTI est celui de ‘conseil’. Les Médecins du travail et, plus globalement, l’ensemble des membres des SPSTI sont des conseillers au service des différents acteurs de l’entreprise, au même titre que d’autres intervenants comme les Intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) (1)”.
Ainsi, dans le cadre de ses missions, le Médecin du travail rédige une “fiche d’entreprise” dans laquelle figurent notamment les risques professionnels de l’entreprise et les effectifs de salariés qui y sont exposés. Cette fiche est mise à jour, au minimum tous les quatre ans. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, le médecin du travail établit également un rapport annuel d’activité transmis notamment au comité social et économique (CSE) et à l’employeur. Ces documents sont utiles pour nourrir les actions d’évaluation et de prévention des risques à mettre en œuvre dans l’entreprise. En revanche, ils ne se substituent en aucune manière au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
En vertu de la loi du 2 août 2021, les SPSTI sont également tenus d’accompagner les entreprises qui le souhaitent dans l’évaluation de leurs risques professionnels et l’élaboration de la liste des actions de prévention. Selon les termes du décret n° 2022-653 relatif à “l’offre socle” des SPSTI, ce rôle de conseil consiste aujourd’hui essentiellement à orienter les TPE-PME vers “des outils existants comme OiRA, Seirich ou des outils spécifiques élaborés par la branche professionnelle”. Ces outils sont tous des logiciels d’autoévaluation en ligne dont l’usage reste à la charge de l’employeur. Ils peuvent être utiles à ceux qui ont le temps, les connaissances spécifiques et l’appétence pour ces sujets. Pour les autres, des solutions fondées sur l’assistance humaine d’un véritable préventeur, effectuant une évaluation des risques sur site, s’avèrent généralement plus pertinentes.
4. Les Caisses régionales de l’Assurance maladie- Risques professionnels (Carsat, etc.)
Les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif) et les Caisses générales de sécurité sociale (CGSS) de l’Assurance maladie -Risques professionnels, disposent, pour participer à la diminution des risques professionnels dans leur région, d’un service Prévention composé notamment d’ingénieurs-conseils et de contrôleurs de sécurité.
Ces caisses participent au déploiement d’actions et de campagnes de prévention au niveau régional en lien avec branches professionnelles mais peuvent aussi intervenir directement dans les entreprises.
Spécifiquement formés aux disciplines de la prévention des risques professionnels et s’appuyant sur l’expérience quotidienne de l’entreprise, les ingénieurs-conseils et les contrôleurs de sécurité de ces caisses sont en mesure de conseiller les acteurs de l’entreprise (direction, comité social et économique, etc.) dans la mise en oeuvre des démarches et outils de prévention les mieux adaptés à chaque situation.
Au gré de leurs besoins, les entreprises y recourent notamment pour résoudre des problématiques spécifiques à fortes implications techniques comme la prévention du risque chimique, la conception des locaux et des postes de travail, etc.
À cette fin, ces caisses régionales délivrent aussi aux entreprises de moins de cinquante salariés des Subventions Prévention destinées à les aider à mettre en place des actions pour réduire l’exposition des travailleurs à des risques fréquents et importants : mal de dos, troubles musculosquelettiques (TMS), chutes de hauteur, exposition à des produits chimiques dangereux, etc. Ces aides ont pour but de participer financièrement à l’achat d’équipements de prévention, de prestations de formation ou d’évaluation des risques.
5. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)
Créé en 1947, l’INRS est une association loi 1901. Il est géré par un conseil d’administration paritaire constitué de représentants des organisations des employeurs et des salariés. Organisme généraliste en santé et sécurité au travail, l’INRS intervient en lien avec les autres acteurs institutionnels de la prévention des risques professionnels. Il propose des outils et des services aux entreprises et aux 18 millions de salariés relevant du régime général de la Sécurité sociale.
Au cœur du dispositif français de santé et de sécurité au travail, l’INRS fournit une expertise et des informations qualifiées à l’ensemble des autres acteurs de la prévention. Pour les entreprises, il représente surtout une base de données exhaustive sur les risques professionnels et les moyens de les prévenir, y compris des campagnes de sensibilisation clefs en main très utiles pour les petites structures.
6. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact)
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) est un établissement public administratif créé en 1973 et placé sous la tutelle du ministère en charge du Travail.
Comme son nom l’indique, l’Anact et ses 16 agences régionales ont pour vocation d’améliorer les conditions de travail en agissant notamment sur l’organisation du travail et les relations professionnelles. En s’appuyant sur les enseignements de projets pilotes qu’elle mène avec des entreprises, elle conçoit, à destination des salariés, de leurs représentants et des directions, des méthodes et outils dans un objectif partagé : concilier durablement qualité de vie au travail et performance.
L’approche de l’Anact est centrée sur l’analyse du travail et ses conditions d’organisation. Son positionnement singulier repose ainsi sur un triple postulat : “l’organisation du travail est un déterminant essentiel de la qualité des conditions de travail ; le dialogue social est une des conditions de réussite du changement ; le développement des personnes contribue à la performance des organisations.” L’Anact est ainsi le partenaire idéal pour les entreprises qui souhaitent aller au-delà de l’approche normative de la santé et la sécurité pour s’engager dans une démarche plus globale d’amélioration des conditions de travail.
7. L’Inspection du travail
Il peut sembler étrange de compter l’Inspection du travail au nombre des acteurs de la prévention. En effet, les quelque 4 070 agents de l’Inspection du travail incarnent avant tout le volet répressif du dispositif français de prévention des risques professionnels. Leur mission première consiste à “assurer l’application des dispositions relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs”, et bien sûr à “constater les infractions”. Toutefois, à côté de cette mission de contrôle, l’Inspection du travail a également un rôle de conseil qu’elle tient à mettre en avant.
Dans son bilan d’activité pour 2021, l’Inspection souligne que, “toujours dans un rôle de conseil, ses services ont permis d’accompagner 131 582 établissements, représentant plus de 6,7 millions de salariés. Au contact des entreprises et des salariés, le système d’inspection du travail veille ainsi à délivrer une information de qualité et des conseils techniques, à l’application du droit du travail, et à promouvoir le dialogue social.”
De fait, en cas de doute sur leurs obligations, les entreprises peuvent contacter l’Inspection du travail pour obtenir un éclaircissement. Surtout, l’Inspection souligne que, parmi les suites possibles aux interventions de ses agents “les lettres d’observations, qui rappellent la règlementation, représentent la grande majorité”. Une récente étude, réalisée sous l’égide du Ministère du travail, soulignait même qu’“une partie des dirigeants d’entreprise utilisent la visite d’inspection qui leur est faite comme l’occasion de suivre les conseils donnés en matière non seulement de prévention mais plus encore d’optimisation de l’organisation du travail”.
De là à penser que les employeurs seraient désormais impatients de faire l’objet d’une visite de l’Inspection, il y a un pas qu’il serait hasardeux de franchir… Reste, toutefois, que les agents de l’Inspection appartiennent bel et bien, à l’écosytème français de prévention des risques professionnels.
(1) “Santé et travail dans les TPE : le travail avant tout ?”, par Émilie Legrand et Fanny Darbus Dares, Rapport d’études n° 30, août 2022
La solution globale d’un accompagnement pluriannuel
Afin de gagner en sérénité, un certain nombre de chefs d’entreprise font le choix d’adopter la solution globale d’un accompagnement dans la durée par une société spécialisée dans la prévention des risques professionnels.
Depuis toujours les employeurs ont eu recours à des prestataires extérieurs pour être épaulés ponctuellement sur les questions de sécurité au travail, par exemple pour réaliser l’évaluation des risques professionnels et le document unique. En revanche, l’accompagnement global et dans la durée est plus récent et plus innovant. Comme l’explique Philippe Mège, directeur technique chez Pôle Prévention, groupe pionnier dans ce type de prestations (1), “cette solution répond particulièrement bien aux nouvelles obligations de la loi Prévention du 2 août 2021 qui conduisent à envisager la prévention des risques non sous le seul prisme de la conformité à des normes mais comme une démarche globale d’amélioration continue”.
L’une des nouveautés de la loi est en effet d’insister sur la traçabilité dans le temps des actions de prévention à travers, par exemple, la conservation des versions successives du document unique sur 40 ans, la formalisation d’un Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’Amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) ou encore l’inscription des actions de formation à la sécurité des salariés dans un Passeport Prévention. “Désormais, il ne s’agit plus pour les employeurs d’être seulement en conformité à un instant T mais de démontrer une dynamique d’amélioration des conditions de travail”, précise Philippe Mège.
Dans ce contexte, l’accompagnement pluriannuel s’impose comme la meilleure option. En effet, cette solution permet au chef d’entreprise d’être assisté dans des actes spécifiques comme la réalisation du DUERP ou du Bilan de Pénibilité Annuel mais aussi de les inscrire dans une démarche cohérente de progrès continu qu’il co-pilotera avec les experts mis à sa disposition.
(1) Pour en savoir plus sur “Parcours Prévention”, la solution d’accompagnement proposée par Pôle Prévention, rendez-vous sur www.pole-prevention.com