Qui a dit que les garages automobiles étaient nécessairement crasseux, pollués ou dangereux ? Sûrement pas Christophe Genet qui a profité de la rénovation de son établissement, il y a quatre ans, pour faire prendre un virage essentiel à son entreprise en termes de prévention des risques professionnels, y compris les moins visibles.
“J’ai fait ce qu’il fallait pour éviter beaucoup de problèmes”, lâche simplement Christophe Genet. Ce patron est, à Mennecy, dans le département de l’Essonne, à la tête d’une petite entreprise de mécanique et de carrosserie d’enseigne AD (Auto Distribution). Particularité : cet entrepreneur n’a pas hésité à raser ses anciens locaux pour les reconstruire à neuf en 2017. Le meilleur moyen, à ses yeux, d’améliorer la sécurité et le confort de travail de ses salariés. “L’ambiance de travail, c’est une vision d’ensemble : il faut que les gens aient envie pour que l’entreprise avance”, martèle le patron.
Bâtiment conçu pour mieux respirer
Techniquement, la conception d’un nouveau bâtiment doté d’une surface de 520 m² d’atelier a apporté nombre de progrès. Le choix d’une charpente en tôles pliées, plus étroite mais aussi résistante que des poutrelles métalliques, a permis de multiplier les puits de lumière naturelle au plafond. Ainsi, les postes de travail sont mieux éclairés (la consommation d’électricité du garage est aussi en baisse). Deuxième chantier : aérer l’espace en supprimant les enrouleurs de tuyaux en hauteur et les gaines d’aspiration des gaz d’échappement destinés aux voitures lorsqu’elles sont démarrées dans l’enceinte du garage. Dans bien des cas, dérouler de tels tuyaux en passant par dessus les véhicules, sans rien accrocher ni rayer, implique des efforts. Il n’était pas rare que les tuyaux restent inutilisés, surtout pour des démarrages de courte durée, ce qui concentrait les polluants à l’intérieur du garage. Au besoin, quelqu’un ouvrait la grande porte pour ventiler, quitte à transformer l’atelier en glaciaire, lorsqu’il faisait froid.
Conscient de ces travers, Christophe Genet a profité de la pose des fondations pour créer un réseau d’aspiration souterrain qui est relié à un extracteur placé à l’extérieur du local (pour limiter les décibels aux postes de travail). Au pied des ponts élévateurs, en cinq points différents de l’atelier, des petites trappes métalliques se soulèvent pour brancher dans le sol des tuyaux mobiles (qu’on déplace sans effort grâce à un support à roulettes). Ce support permet également d’ajuster la hauteur et l’écartement des tuyaux pour les adapter aux sorties d’échappement de chaque véhicule. Une fois les tuyaux mis en place et clipsés, les gaz sont aspirés et rejetés à l’extérieur par dépression.
Un autre danger respiratoire, classique dans les garages, provient des poussières de frein. Non seulement elles sont microscopiques mais leur nettoyage se fait au moyen de bombes soufflantes qui les dispersent à hauteur des voies respiratoires, les voitures étant levées sur des ponts. Christophe Genet a également acquis une petite fontaine mobile qui permet aux mécanos de nettoyer les freins sans soufflage, les micro-particules étant entraînées par le liquide.
Du “bio” contre le risque chimique
Une autre menace planant sur les mécanos, et longtemps restée taboue dans les garages, concerne les agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), présents dans les produits chimiques (dissolvants, dégraissants, colles…). Des générations de garagistes se sont habitués à frotter leurs pièces mécaniques dans une cuve de dégraissant parfois à mains nues. Or les nombreux pictogrammes d’avertissement qui figurent sur les bidons de dégraissant attestent de leur toxicité, notamment pour la peau. Christophe Genet est fier d’avoir fait l’acquisition d’une fontaine de nettoyage “bio”, qu’il a installée dans un coin de l’atelier. Extérieurement, elle est semblable à une autre avec son bac de rinçage, sa douchette à main et sa cuve de récupération placée juste en dessous. Sauf qu’elle ne contient aucun produit chimique mais des enzymes qui digèrent naturellement la graisse. Pour son bon fonctionnement, la fontaine nécessite une recharge d’enzymes tous les six mois environ ainsi qu’un chauffage intégré qui maintient en vie les bactéries dégraissantes. L’entrepreneur reconnaît que ce nettoyage « bio » n’est pas tout à fait aussi efficace qu’avec les produits précédents, mais il est suffisamment qualitatif pour que les salariés l’aient adopté.
Préserver son dos
Un autre combat tient à cœur à Christophe Genet : préserver le dos de ses salariés. Du fait de la position des véhicules, parfois trop haute ou trop basse selon les réparations, les mécanos travaillent dans des postures inconfortables et douloureuses à la longue : penchés au dessus d’un capot, à genou par terre à côté d’un véhicule ou, à l’inverse, debout avec le dos en extension lorsqu’il s’agit de monter des pièces sous une voiture. Désormais, pour les interventions qui nécessitent de travailler près du sol, les mécanos disposent de coussins de genoux, de sièges ergonomiques et de tabourets. Lorsqu’il faut se pencher sur le capot, la solution trouvée a le mérite de la simplicité : “On lève les véhicules, même pour quelques centimètres”, campe le patron. Un réflexe qui fait toute la différence pour le dos à la fin d’une longue journée de travail. Quant aux réparations en hauteur, il met à disposition du matériel de levage, tel que des lève-roues, qui évitent de soulever depuis le sol une charge qui pèse une quinzaine de kilos. Pour les grosses pièces (suspensions, boîte de vitesses…), une petite plateforme qui se déplie en accordéon les soulève sans forcer et les conserve à hauteur d’épaule pendant les travaux sous un pont. Autant d’équipements pour lesquels le patron a investi avec le soutien technique et financier de la Cramif (25 000 euros d’aides).
Mais la prévention des risques dans le garage est également une affaire de comportements. “À deux, on peut faire beaucoup de manipulations sans matériel et sans se faire mal”, évoque Christophe Genet qui invite ses salariés à demander un coup de main à leurs collègues. Un réflexe pas toujours facile à adopter par les jeunes, peu conscients des troubles musculo-squelettiques (TMS), et dont la force physique est un atout qu’ils cherchent à valoriser. En outre, les apprentis hésitent parfois à déranger leurs collègues plus expérimentés. C’est pourtant ce qu’encourage Christophe Genet.
Jean-Philippe Arrouet