Dans l’imaginaire collectif, les exosquelettes font encore figure d’accessoires futuristes dignes de Robocop ou Iron Man… Or, la réalité est différente : les exosquelettes ont bel et bien fait leur entrée dans le monde du travail et nombre d’entre eux sont parfaitement adaptés aux besoins des TPE et PME, notamment pour lutter contre les troubles musculosquelettiques (TMS).
“L’enjeu, ce n’est pas l’homme augmenté, mais l’homme préservé”, explique Benoît Sagot-Duvauroux, fondateur de Gobio Robot, un des pionniers français du marché des exosquelettes. De fait, les solutions proposées à destination des entreprises ne s’apparentent en rien aux carapaces de métal recouvrant les créatures de science-fiction. Souvent aussi discrets que des harnais de maintien, ils ne visent pas tant à décupler la force de leurs utilisateurs qu’à les soulager dans l’effort pour prévenir l’apparition des troubles musculosquelettiques (TMS).
Au carrefour de la robotique et de l’ergonomie
Dans le monde du travail, les exosquelettes sont d’ailleurs développés au carrefour de la robotique et de l’ergonomie, si bien que l’on y parle maintenant volontiers d’“ergosquelettes”. Cette nature hybride explique l’extrême variété des modèles disponibles. On distingue d’abord les exosquelettes selon leur mode de fonctionnement. Comme le précise l’INRS, “contrairement à une idée reçue, la plupart des exosquelettes présents dans les entreprises ne sont pas robotisés. Constitués d’une armature rigide ou textile, ils assistent les mouvements des salariés via un principe de restitution de l’énergie mécanique grâce à des systèmes élastiques ou à ressorts”.
Mais c’est la classification selon l’usage qui révèle le mieux la créativité foisonnante du secteur. Il existe désormais des exosquelettes adaptés à presque toutes les tâches pénibles : pour le port de charges lourdes, pour les postures bras en avant ou en hauteur, pour la manipulation d’outils, le vissage, le ratissage, le ponçage, la flexion des jambes…
De l’usine à l’atelier et au chantier
C’est pourquoi, après avoir conquis le monde de l’industrie et de la logistique, les exosquelettes font maintenant leur entrée dans l’ensemble des métiers, y compris dans les services, avec des percées remarquables dans le médico-social, la réparation mécanique, le BTP et bientôt l’agriculture. En novembre dernier, la société RB3D a ainsi effectué un test grandeur nature dans les vignobles bourguignons dans le but d’adapter l’Exoback, un exosquelette développé pour l’industrie, aux travaux viticoles.
PDG de RB3D, Serge Grygorowicz croit dur comme fer à l’adoption massive des exosquelettes dans les PME et les TPE avec un argument de poids : “L’exosquelette s’inscrit dans la longue histoire des moyens mis en œuvre pour lutter contre la pénibilité du travail. Il apporte une solution pour soulager l’homme dans les tâches qu’il n’est pas possible de robotiser et d’automatiser parce qu’elles exigent de la polyvalence ou concernent de trop petites productions”. Autrement dit, l’exosquelette aurait tous les atouts pour passer de l’usine à l’atelier, et de la grande entreprise à la PME et même à la TPE.
Une solution à intégrer dans une démarche globale
Les exosquelettes représentent ainsi une promesse alléchante : combiner réduction des TMS et gains de productivité, sur fond de vieillissement de la population active. Pour autant, on aurait évidemment tort d’y voir une solution miracle. “Ces technologies apportent des résultats très spécifiques pour des situations de travail qui le sont tout autant. II n’y a pas de bon exosquelette dans l’absolu. Mais il peut y avoir un bon exosquelette pour une situation donnée”, avertit Jean Theurel, physiologiste à l’INRS.
L’acquisition d’un exosquelette doit en effet s’inscrire dans une démarche de prévention globale, s’appuyant notamment sur les conclusions du document unique d’évaluation des risques (DUER). Une exigence bien comprise par les entreprises. “Les PME qui envisagent d’acquérir un exosquelette le font généralement parce qu’elles y voient une solution pour prévenir les risques, mais également pour maintenir en emploi des salariés ou assurer le retour”, confie Antoine Noël, PDG de Japet Medical. Précision d’importance : “Dans ce cadre, les entreprises concernées peuvent bénéficier d’aides substantielles au financement de ces équipements, notamment via la Carsat”, explique Arnaud Declomesnil, directeur commercial d’Ergosanté, une société spécialisée dans la conception de solutions ergonomiques.
Un coût inférieur à celui des TMS
En effet, avec des tarifs s’échelonnant de 1 000 à 12 000 euros selon les modèles, le prix des exosquelettes reste un frein pour de nombreuses PME. Conscients de cet écueil, les fabricants ont mis en place des solutions de leasing avantageuses. Ils rappellent aussi que, pour l’entreprise, “le coût d’un exosquelette est bien moindre que celui des TMS.”
Christophe Blanc