“Prendre en compte les conditions de travail est un facteur décisif de réussite pour les entreprises, les salariés et pour toute la société”, souligne l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Une conviction largement vérifiée s’agissant de l’absentéisme qui, selon de nombreux experts publics et privés, pourrait être fortement réduit par une amélioration des conditions de travail.
Plusieurs définitions de l’absentéisme sont possibles. Pour l’Anact, “l’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradation des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé, etc.” Cette approche est la plus pertinente d’un point de vue pratique car elle focalise l’attention sur les absences évitables.
Les conséquences de l’absentéisme
Au sein des entreprises, l’absentéisme a bien sûr des conséquences très néfastes tant il est à la source de nombreux dysfonctionnements : “retards, mauvaise qualité, remplacement à la volée des absents, etc.” Outre la désorganisation évidente qu’il provoque à court terme, il peut aussi générer, à moyen terme, une profonde dégradation de l’ambiance de travail parce qu’“il contraint à répartir autrement la charge de travail, à solliciter les autres salariés pour pallier les manques au risque de développer le sentiment, chez certains salariés, de faire le travail des autres”. Enfin, l’absentéisme a un coût important pour l’économie. Selon une étude sur “l’origine et le coût de l’absentéisme en France” réalisée par Laurent Cappelletti et Henri Savall pour l’Institut Sapiens, en 2018, soit un an avant le déclenchement de la crise sanitaire, le coût de l’absentéisme se montait déjà à… 107,9 milliards d’euros par an ! L’équivalent, souligne l’étude, “du budget de l’Éducation nationale qui part en fumée chaque année”.
Un phénomène en hausse continue
Or l’absentéisme ne cesse, hélas de croître. Selon l’édition 2022 du Baromètre absentéisme réalisé par le courtier en assurances Gras Savoy-WTW, il aurait augmenté de 37 % entre 2017 et 2021. Or cette hausse spectaculaire ne peut s’expliquer par les seules conséquences de la crise sanitaire. En effet, si le taux d’absentéisme a connu un pic à 4,9 % en 2020, en raison de la pandémie et des mesures sanitaires prises pour la combattre, l’augmentation était déjà perceptible les années précédentes. En France, le taux d’absentéisme s’établissait à 3,4 % en 2017, 3,9 % en 2018, 4 % en 2019. D’ailleurs, en 2021, loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant la crise financière, il s’établissait à 4,6 %. Comme l’écrit Adeline Lajoinie, sur le site Culture RH, “bien que la crise sanitaire ait joué un rôle prépondérant dans l’augmentation de l’absentéisme au cours de ces deux dernières années, elle n’explique pas tout. Les causes de l’absentéisme en France apparaissent comme plus profondes.”
Les causes de l’absentéisme
Pour explorer les causes structurelles de l’absentéisme, les experts de l’Anact insistent sur la nécessité de distinguer trois grands types de causes. D’abord les “caractéristiques du travail”, génératrices de contraintes physiques débouchant sur des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Ensuite le “contexte socio-organisationnel” caractérisé par la situation économique de l’entreprise, l’ambiance de travail, les modes de management qui peuvent conduire à de la démotivation, par exemple par manque de reconnaissance ou de perspectives professionnelles. Un avis partagé par Laurent Cappelletti et Henri Savall qui estiment que, pour réduire l’absentéisme, il faut “améliorer la qualité de vie au travail, éviter les erreurs grossières de management, comme imposer des règles sans les expliquer, fliquer les salariés, ne jamais les féliciter, etc.” Enfin, il faut aussi prendre en compte “les facteurs situés dans la vie hors travail” comme les difficultés liées à la vie de famille (garde des enfants, etc.) ou les attentes liées à la vie sociale (activités associatives, etc.), les absences pouvant devenir pour le salarié concerné un moyen de gérer ses difficultés à articuler temps professionnels et privés.
Des actions efficaces contre l’absentéisme
Pour l’Anact, la prévention de l’absentéisme passe bien sûr d’abord par la prévention des risques professionnels qui en sont la principale cause. Pour combattre l’absentéisme, il convient donc de mener une politique active d’évaluation et de prévention des risques professionnels. “Le rôle des conditions de travail ne devrait jamais être sous-estimé dans ce qui conduit les uns et les autres à s’absenter”, soulignent les experts. Une façon de dire que la prévention des risques et l’amélioration des conditions de travail ne contribuent pas seulement à réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles, mais aussi les absences de convenance et celles dues à la fatigue et à la lassitude professionnelles. Au-delà des prescriptions du Code du travail, les experts recommandent aux entreprises de suivre avec attention l’évolution de leur taux d’absentéisme de façon à pouvoir agir rapidement dans le cas où il s’aggraverait de façon significative. Si tel est le cas, il convient en effet d’en détecter les causes et bien sûr de les traiter en prenant des mesures adaptées. De la sorte, l’Anact délivre aux entreprises une bonne nouvelle : l’absentéisme n’est nullement une fatalité. Il est plutôt un signal d’alerte permettant aux entreprises d’engager une démarche de progrès, gage de performance. Une approche qui démontre que, décidément, la prévention des risques relève directement du bon management et de la bonne gestion.
Christophe Blanc