TRAVAIL SUR ÉCRAN : les risques associés prennent de l’ampleur

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La généralisation des outils informatiques, fixes ou mobiles, à un grand nombre de métiers pose la question de l’incidence de ces équipements sur la santé au travail. La réglementation et les bonnes pratiques existent mais beaucoup reste à faire pour les appliquer convenablement, notamment à l’heure du télétravail.

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Le travail devant un écran a de beaux jours devant lui. Tel est l’enseignement d’un rapport conjoint signé par France Stratégie et la Dares, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (1). Ce document, rendu public en mars 2022, place l’informatique en tête des métiers les plus créateurs d’emplois, d’ici 2030. “En 2030, il y aurait 115 000 postes d’ingénieurs de l’informatique en plus, soit une hausse de 26 % par rapport à 2019”, annoncent les auteurs. Des recrutements caractérisés par l’inexpérience des postulants selon le rapport qui estime que “les jeunes débutants combleraient plus des trois quarts des besoins de recrutement”, un profil de candidats peu habitués aux règles de santé et de sécurité qui s’appliquent à l’usage professionnel d’un ordinateur qu’il soit fixe ou portable.

Le télétravail : une tendance forte

Depuis la crise de la Covid-19 qui a éclaté en 2020, une autre caractéristique est observée : l’usage des outils informatiques s’étend à davantage de métiers et de fonctions, en raison du recours au télétravail. “Cette crise semble en effet avoir étendu le champ du travail à distance, accroissant la probabilité d’un télétravail persistant, notent France Stratégie et la Dares. Certaines études tendent ainsi à montrer que les tâches professionnelles exerçables à distance au sein des métiers se sont multipliées, qu’il s’agisse d’actions commerciales, de procédures judiciaires ou d’arbitrage, de visites médicales ou de visites immobilières désormais possibles virtuellement. Cette évolution des tâches réalisables sans présence physique semble compatible avec un mode d’organisation du travail hybride que privilégient les récentes négociations d’accords sur le télétravail.” Preuve que ce travail par écrans interposés s’inscrit dans le fonctionnement normal des entreprises, l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (Anact), a relevé que deux jours de télétravail hebdomadaires étaient prévus par la moitié des accords de télétravail signés en 2020.

Le travail sur écran déjà encadré

Surtout, l’utilisation de l’informatique pour travailler à domicile laisse entrevoir de nouveaux enjeux de santé et de sécurité. “La hausse de la productivité liée au télétravail et à la numérisation associée proviendrait à la fois du fait que les salariés travaillent un peu plus d’heures sans que cela ne soit comptabilisé comme une hausse du volume de travail (une partie du temps de transport économisé serait convertie en temps de travail par exemple) et d’une amélioration de l’organisation du travail.” Hormis cette tension qui appelle à une vigilance des employeurs pour ne pas laisser se développer des risques psychosociaux, les autres risques à domicile sont les mêmes que ceux liés à l’utilisation d’outils informatiques en entreprise. Les règles à observer restent celles introduites en 2008 dans le Code du travail (article R4542-1 à 19), concernant l’utilisation d’écrans de visualisation. “Après analyse des conditions de travail et évaluation des risques de tous les postes comportant un écran de visualisation, l’employeur prend les mesures appropriées pour remédier aux risques constatés”, évoque l’article R4542-3. Le code détaille ensuite les points à passer en revue : caractéristiques des écrans, organisation de l’espace de travail, sièges, dimensionnement, chaleur, radiations électro-magnétiques, humidité, bruit. Par ailleurs, la réglementation prévoit une formation des salariés au travail sur écran, des examens visuels par la médecine du travail (réguliers ou en cas de troubles) et le recours à des dispositifs de correction.

Moins de risques liés aux matériels

Signe d’une maturité de l’industrie informatique, les matériels sont de moins en moins dangereux qu’il s’agisse des radiations électromagnétiques, du risque électrique, de la chaleur dégagée ou du bruit de fonctionnement. Les fabricants se réfèrent en effet à des normes, telles que l’ISO 9241 qui encadre les interactions homme-machine ou l’ISO 13406 qui fixe des normes de qualité pour les écrans plats. Les progrès des matériels sont également aiguillonnés par des labels indépendants comme “TCO certified” qui évalue les impacts des produits informatiques sur la santé comme sur l’environnement.
“Depuis le début des années 1990, ce sont le stress et surtout les troubles musculo-squelettiques (TMS) qui sont devenus les problèmes majeurs de santé dans ce travail. Les interrogations concernant les risques pour l’homme se sont donc déplacées des produits vers leur utilisation”, évoquait, dès 2008, François Cail, expert au sein du département “Homme au travail”, de l’Institut national des risques et de la sécurité (INRS).
En tête de ces menaces persistantes, la fatigue visuelle liée non pas à la qualité des écrans mais à leur positionnement pas toujours adapté à la morphologie du salarié. Autre source de fatigue visuelle, la nécessité d’accommoder la vision lorsque le regard passe constamment de l’écran au clavier et à des documents de travail posés sur le bureau. François Cail pointe également un stress imputable à l’utilisation des outils informatiques, notamment en raison de tâches répétitives, de traitements que l’opérateur ne maîtrise pas ou encore de délais d’exécution. Ce stress peut accroître les troubles musculo-squelettiques (TMS), présents par ailleurs, en raison d’un aménagement inadapté du poste de travail : posture statique, écran, clavier ou souris trop hauts ou trop bas, appui continuel du poignet sur la table pendant la frappe, souris éloignée du clavier… Là encore, la réponse est autant dans l’organisation du travail que dans des ajustements matériels : “Une importante piste de prévention des TMS est l’alternance des tâches informatisées avec d’autres tâches afin de varier la posture. Il est également vivement conseillé de bouger pendant les pauses”, selon François Cail. Sur ce point, le cadre moins formel du télétravail devrait sans doute, plus qu’au bureau, faciliter les ajustements individuels nécessaires.


Jean-Philippe Arrouet


(1) L’étude “Les métiers en 2030”, est disponible sur www.strategie.gouv.fr

Comment bien installer un poste informatique ?

“Le haut du moniteur doit être au niveau de vos yeux mais si vous portez certains verres progressifs, le moniteur doit être plus bas”, préconise l’INRS, dans la brochure de conseils “Mieux vivre avec votre écran” (1). Pour éviter les problèmes d’accommodation visuelle, “installer un porte-documents à proximité de l’écran (à gauche ou à droite) et tourné vers l’opérateur, si celui-ci n’a pas besoin d’écrire sur le document. La distance oeil-document doit être supérieure à 70 % de la distance oeil-écran” conseille l’INRS dans une autre publication pratique : “Le travail sur écran en 50 questions” (2). Cette attention portée à l’ergonomie doit s’étendre aux moyens informatiques mobiles. En effet, il existe des plans inclinés destinés à recevoir le clavier pour les opérateurs informatiques et autres utilisateurs réguliers d’un micro-ordinateur portable. Quant au choix de la souris, une note technique de l’INRS (3) démontre l’intérêt de modèles plus ergonomiques, idéalement inclinés à 35°, afin de réduire les sollicitations musculaires et posturales.

(1) Brochure INRS ED922.

(2) Brochure INRS ED923.

(3) NS345.

Lire aussi notre fiche pratique.

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