RESTER ASSIS AU TRAVAIL : Un risque méconnu à mieux prévenir

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Peut-être pensez-vous encore qu’il est sain de travailler bien calé dans un fauteuil moelleux ? C’est, hélas, une illusion. Bien sûr, les employés de bureau sont moins exposés aux accidents tels que les chutes de hauteur, les brûlures ou les coupures. Mais, comme le démontrent désormais de nombreuses études, le travail assis, qu’il soit ou non effectué dans un bureau, peut aussi avoir des conséquences très négatives sur la santé lorsqu’il est maintenu dans la durée. Voilà pourquoi, comme le souligne une récente brochure de l’INRS (1), les employeurs sont tenus de mieux évaluer et prévenir le risque professionnel insidieux représenté par les postures sédentaires. Heureusement, des solutions existent. Et elles ne sont pas nécessairement contraignantes ou onéreuses.

Commençons par préciser de quoi l’on parle ! Une posture sédentaire se caractérise par une posture assise ou allongée maintenue dans le temps et associée à une très faible dépense énergétique, inférieure ou égale à 1,5 fois celle du métabolisme de base.

De plus en plus de métiers concernés

Comme le souligne Kévin Desbrosses, responsable d’études, à l’INRS, “dans le cadre professionnel, il est très majoritairement question de posture assise. En effet, lorsqu’un salarié s’allonge pour réaliser une tâche, celle-ci est la plupart du temps associée à une dépense énergétique élevée comme lors de travaux de réparation automobile.”
Toutefois, cette observation ne signifie pas que seuls les métiers du tertiaire soient concernés. En effet, de nombreux métiers autrefois réputés physiques, notamment dans l’industrie, se pratiquent désormais par la médiation d’écrans d’ordinateurs, de tablettes voire de smartphones. Si bien que les postures sédentaires sont de plus en plus courantes dans le domaine professionnel.
“Les professionnels dont le métier impose majoritairement ces postures sédentaires y sont confrontés, en moyenne, pendant plus de 6 h par jour”, précise Laurent Kerangueven, expert d’assistance-conseil à l’INRS. Le temps passé assis est le second facteur à prendre en compte. Il faut l’évaluer selon deux critères à croiser : la durée cumulée journalière en postures sédentaires mais aussi le caractère ininterrompu des périodes passées de la sorte.

Un risque à évaluer et prévenir

Une étude réalisée en 2013 sur plus de 35 000 travailleurs français a évalué que les personnes exerçant leur métier majoritairement en posture assise, passaient en moyenne 9 h 46 de leur temps en postures sédentaires, dont 6 h 13 pour le travail, soit 64 % du temps total.
En raison des mutations de nos façons de travailler, l’activité professionnelle est donc bien devenue, pour un nombre croissant de nos compatriotes, le vecteur principal des postures sédentaires excessives, devant les activités de loisirs (regarder la télévision depuis le canapé, par exemple) ou les transports (être assis dans le bus, le train…). De surcroît, selon les modalités de réalisation du travail, entre 20 et 50 % du temps total passé en postures sédentaires est effectué lors de périodes ininterrompues supérieures à 30 minutes. Or, c’est bien au-delà de cette durée que les postures sédentaires se révèlent néfastes pour la santé.
En vertu de ces données, les postures sédentaires sont donc considérées comme un authentique risque professionnel nécessitant des actions d’évaluation et de prévention de la part des employeurs. Comme le souligne l’INRS, “les situations de travail engendrant des postures sédentaires doivent être identifiées, analysées, intégrées au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)”.

Mesures de prévention

Fort heureusement, les mesures de prévention nécessaires sont plutôt aisées à mettre en oeuvre. Afin de protéger les salariés des risques associés aux postures sédentaires, il convient de prendre des mesures permettant idéalement de :
• rompre régulièrement le maintien des postures sédentaires, toutes les 30 minutes ;
• limiter au maximum la durée totale des postures sédentaires, idéalement à 5 heures par jour.

À cette fin, l’employeur peut, lorsque cela est possible, organiser l’activité de façon à alterner les tâches réalisées assises avec d’autres tâches permettant de se lever ou se déplacer. L’INRS recommande aussi de sensibiliser les salariés à la possibilité de mener certaines activités debout, comme, certaines réunions courtes, ou encore d’inciter les salariés à se déplacer parfois jusqu’à leurs collègues présents sur le même site, plutôt que de recourir systématiquement au téléphone et au courriel. Autre impératif: accorder des pauses régulières aux salariés, tout particulièrement à ceux qui travaillent sur écran.

L’aménagement des espaces de travail est également un moyen simple et bon marché d’inciter les salariés à se déplacer régulièrement et rompre le maintien des postures sédentaires. Ainsi, pourquoi ne pas installer les photocopieuses ou les imprimantes à l’écart des postes de travail pour multiplier les déplacements brefs au cours de la journée ? Autre recommandation aisée à mettre en oeuvre : aménager les espaces de convivialité de façon à laisser le choix entre la posture debout et assise. Ce même principe d’alternance des postures peut être appliqué aux postes de travail eux-mêmes, en optant pour des bureaux à hauteur variable ou des tables hautes dans certaines salles de réunion. Enfin, preuve que la prévention repose nécessairement sur une participation active de tous, l’INRS recommande de sensibiliser les salariés à ce risque encore trop méconnu.

Christophe Blanc

(1) “Les postures sédentaires au travail. Définition, effets sur la santé et mesures de prévention”, brochure ED 6494 téléchargeable sur www.inrs.fr.

Le sport n’est pas la solution !
On imagine volontiers que la pratique régulière d’une activité sportive, permet de se prémunir des effets délétères des postures sédentaires au travail. Or, il n’en est rien. “En termes de santé, les bénéfices associés à la pratique d’une activité physique de loisirs régulière ne suffisent pas à compenser les effets délétères liés aux postures sédentaires au travail, Dans le cadre professionnel, ces deux notions peuvent donc coexister mais doivent être clairement distinguées”, avertit l’INRS. Si bien que seule une démarche collective consistant à agir sur les conditions et l’organisation du travail relève de la prévention des risques professionnels associés aux postures sédentaires. En revanche, “la promotion de la pratique des activités physiques et sportives en milieu professionnel relève plutôt d’une démarche d’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT)”.

Des effets délétères sur la santé physique et mentale L’impact négatif des postures sédentaires prolongées sur la santé des travailleurs est désormais bien documenté. “Les personnes les plus exposées aux postures sédentaires, en comparaison de celles qui l’étaient le moins, présentent une augmentation du taux de mortalité toutes causes confondues et, notamment, du taux de mortalité cardiovasculaire. Des études épidémiologiques mettent en évidence des liens entre l’exposition aux postures sédentaires et la survenue de certaines formes de cancer. Par ailleurs, il a été décrit un risque accru de développer de l’obésité, un diabète de type 2 ou des pathologies cardiovasculaires avec l’augmentation du temps d’exposition aux postures sédentaires”, avertit l’INRS. Et ce n’est pas tout : plusieurs études ont en effet révélé une association entre postures sédentaires et troubles musculosquelettiques (TMS), notamment des lombalgies ou encore des effets néfastes sur la santé mentale.

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