HÔTELLERIE-RESTAURATION : Améliorer les conditions de travail pour relancer l’attractivité

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Le secteur de l’hôtellerie-restauration ne fait plus recette auprès de jeunes générations qui entrent sur le marché du travail. Le manque d’attractivité du secteur est dû principalement aux difficiles conditions de travail. Les chefs d’entreprise ont pris conscience du problème et l’amélioration de la qualité de vie au travail se met en marche peu à peu dans les établissements, quel que soit leur type d’activités.

Depuis bientôt trois ans et le début de la période marquée par la crise sanitaire liée à la Covid 19, l’activité du secteur hôtellerie-restauration revient peu à peu à son niveau tel qu’il était auparavant. Il retrouve sa clientèle et une activité conséquente, comme l’a démontré la dernière période estivale, sur les côtes, le long de l’Océan Atlantique ou de la Mer Méditerranée en particulier. En Île-de-France, l’hôtellerie se porte bien et dans la restauration, les établissements affichent en moyenne 5 % d’activité supplémentaire en comparaison à l’avant Covid. Au final, dans les régions attractives, les touristes étaient bien là, mais sur le plan économique le résultat en termes de recettes a été limité en raison du manque de main-d’œuvre. Le secteur a dû s’adapter, en réduisant les horaires d’ouverture des établissements et le nombre de places ou de couverts pour les clients.


Taux de rotation élevé : une tendance ancienne

Durant la période de la crise sanitaire, toutes les activités confondues, le secteur de l’hébergement-restauration a perdu l’équivalent de 110 000 salariés. Mais le secteur n’a pas eu besoin de la Covid 19 pour apprendre qu’il avait des difficultés à pourvoir ses postes. 120 000 postes étaient déjà à pourvoir avant la crise sanitaire. Au final, on compte à ce jour l’équivalent de près de 350 000 postes à pourvoir dans le secteur dont la moitié correspond à des postes saisonniers, dans un secteur habituellement très volatil.
En septembre 2021, dans une note publiée sur l’évolution des effectifs dans le secteur hébergement-restauration, la DARES (1) constatait “un taux de rotation de la main-d’œuvre particulièrement élevé”. Concernant les sortants, “entre 2018 et 2020, trois salariés sur dix, soit environ 370 000 personnes, ont quitté le secteur chaque année que ce soit pour rejoindre un autre secteur d’activité, ou pour sortir de l’emploi salarié privé”. Résultat, la main-d’oeuvre du secteur ne se renouvelle plus assez vite et la crise sanitaire n’a fait qu’amplifier un phénomène qui existait déjà avant 2020.


Des conditions de travail mises en cause

Les conditions de travail peuvent-elles expliquer ce désamour ? Une étude consacrée aux salariés de terrain, réalisée par l’institut BVA pour Skello, solution de pilotage RH, et publiée le 13 octobre 2022, révèle qu’une grande majorité des salariés de la restauration (et du commerce) interrogés qualifient leur métier de difficile (72 %), pénible (69 %), source de douleurs physiques (63 %) et stressant (59 %). Près des deux tiers déclarent avoir déjà pensé à quitter leur emploi (64 %). Les salariés plébiscitent des améliorations, concernant principalement : leur rémunération (72,7 %), la gestion des jours de repos et autres congés (25 %) ainsi que les avantages annexes tels qu’une meilleure couverture santé et les avantages en nature (24 %).
Lorsqu’ils ouvrent leur établissement, les professionnels parent au plus pressé : le service au client, quelles que soient les conditions dans lesquelles il peut être rendu.
Président de l’Association nationale des centres de formations de la restauration, l’alimentation et de l’hôtellerie (ANCRAH), le chef cuisinier Maël Le Bacquer constate que dans la précipitation, le chef d’entreprise oublie son ou ses collaborateurs et les conditions dans lesquels ceux-ci sont amenés à travailler. “Les candidats qui arrivent aujourd’hui sur le marché du travail ne sont plus du tout prêts à accepter ce qu’on a pu accepter il y a dix ou vingt ans et heureusement.” En ce sens, la crise sanitaire qui s’est déclarée en 2020 a d’abord fait réagir les travailleurs et autres candidats du secteur. Ils sont plus sensibles aux conditions de travail et sont désormais plus prompts à rejeter des méthodes ou des équipements de travail qui pourraient avoir un impact négatif sur leur santé et leur sécurité.


Prise de conscience de la profession

La pénurie de main-d’œuvre et de candidats a dès lors accéléré la prise de conscience des professionnels du secteur. Les chefs d’entreprise reviennent sur leur méthode de travail et de communication avec leur personnel. L’enjeu est vital pour le secteur : “Nous manquons d’effectifs chez les jeunes et cela va empirer si nous ne changeons pas notre façon de former et de transmettre. Les jeunes veulent du temps plus qu’une augmentation de salaire. Ils démissionnent d’un poste de chef de partie à 1 900 € net, pour lui préférer un contrat à 1 600 € net et une vie à côté, avec soirées et week-end”, résume Maël Le Bacquer.
Les restaurateurs revoient l’organisation de travail et les plannings en particulier et n’hésitent plus à innover sur l’équilibre entre les temps de travail et de repos, selon les desiderata de leurs collaborateurs. Ils accordent des primes, ils confient des responsabilités et aident les saisonniers à se loger.
Mieux considérer ses collaborateurs c’est obtenir d’eux une meilleure implication dans leur métier et dans la vie de l’établissement. Maël Le Bacquer en veut pour preuve son expérience : “Quand j’étais moi-même en cuisine, j’ai toujours fait goûter mes plats aux serveurs pour qu’ils aient la connaissance de ce qu’ils servent aux clients.” Voilà comment mieux investir les collaborateurs à l’activité de l’établissement dans lequel ils travaillent et développer leur affinité avec celui-ci. Il évoque aussi cette décision innovante d’un restaurateur qui pour occuper le temps de pause de ses collaborateurs, l’après-midi, entre les deux services leur a financé un abonnement dans une salle de sport.
“Mais l’inverse est également vrai, reprend Maël Le Bacquer. Un restaurateur qui a les moyens de monter un projet et qui n’a lui-même jamais mis les pieds dans une cuisine pour savoir comment ça fonctionne, c’est regrettable et peut-être faudrait-il envisager une formation spécifique afin qu’ils intègrent au mieux les difficultés en cuisine et en salle et qu’ils portent ainsi davantage attention aux difficultés rencontrées par leurs employés afin d’y répondre favorablement”.


Prévention des risques : indispensable et obligatoire

Mieux considérer ses collaborateurs est d’autant plus de la responsabilité du chef d’entreprise, que la formation reçue par un candidat aux métiers du secteur est indispensable mais certainement pas suffisante à son apprentissage du métier. Il en va des bases de son futur métier mais aussi du contexte dans lequel il l’effectuera. Ainsi, l’apprentissage intègre la question de la prévention des risques. Mais, si les postures de travail, par exemple, ont été enseignées pour réduire les risques de troubles musculo-squelettiques, encore faut-il que le chef d’entreprise donne les moyens à son collaborateur d’appliquer ces bonnes dispositions en adaptant si nécessaire l’espace de travail ou en l’équipant au mieux. La prévention des risques est indispensable pour le salarié et elle est obligatoire pour le chef d’entreprise.


Stéphane Chabrier

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